« Nos actions en faveur de la santé et de l’accès aux soins nous confèrent un rôle politique », la Fédération des Mutuelles de France

Conférence nationale des Mutuelles de France, organisée le 17 mai 2022 à Charenton-le-Pont (Val-de-Marne). © FMF
Conférence nationale des Mutuelles de France, organisée le 17 mai 2022 à Charenton-le-Pont (Val-de-Marne). © FMF

A l’occasion de leur conférence nationale, organisée le 17 mai 2022, les représentants de la Fédération des Mutuelles de France sont revenus sur l’actualité électorale et politique du pays. Quelques semaines avant les élections législatives, la FMF a rappelé l’importance de porter à la connaissance des futurs députés, mais aussi du grand public, les problématiques soulevées par notre système de santé.

En cette année électorale, la Fédération des Mutuelles de France (FMF) tenait à organiser sa conférence nationale à un moment charnière de la séquence des votes. La date retenue pour convier les représentants des 80 groupements mutualistes fédérés au sein de la FMF était le 17 mai 2022. Peu après les présidentielles et avant le premier tour des législatives. 

Eclairage politique

Carole Hazé, vice-présidente des Mutuelles de France, ouvrait cette journée d’échanges organisée à Charenton-le-Pont (Val-de-Marne) en rappelant le rôle politique de la fédération: « Agir, comme nous le faisons, en faveur de la santé, de l’accès aux soins de tous et de l’avenir de la protection sociale nécessite d’avoir un avis sur l’organisation de la société. En effet, nous sommes aussi là pour apporter un éclairage sur ces sujets. Montrer la réalité des actions qui ont été menées. » 

Témoignages de patients

Au cours de leurs interventions, les participants ont tous fait le même constat sur les difficultés rencontrées par notre système de soins. Ils ont relaté les témoignages des adhérents de leurs mutuelles. Ou des patients de leurs centres de santé et des services de soins mutualistes. Jean-Paul Benoit, président des Mutuelles de France, en résumait les principaux écueils : « La situation à l’hôpital est explosive. Les personnels sont en grande souffrance et le Ségur de la santé n’a pas suffi à revaloriser ces métiers. Aujourd’hui, même les services d’urgences sont en train de fermer. » 

Perte de chance

En égrainant les exemples de fermetures de services d’urgences, Jean-Paul Benoit en soulignait les conséquences dramatiques pour les patients  : « Cela constitue une réelle perte de chance. Ils sont envoyés à plusieurs centaines de kilomètres. Il n’y a plus de personnels pour maintenir les urgences ouvertes. C’est une situation que nous n’avions jamais connue à ce niveau-là. Par ailleurs, plus de six millions de personnes n’ont toujours pas de médecin traitant. Parmi elles, 600 000 patients sont en affection longue durée (ALD). Leur espérance de vie est menacée par un défaut d’organisation de la médecine de premier recours. »

Implosion des partis traditionnels

Pour dresser le bilan de l’élection présidentielle, la FMF a tout d’abord évoqué « l’implosion des partis classiques ». Jean-Paul Benoit et Carole Hazé ont tour à tour constaté « la perte d’influence significative » de ces organisations traditionnelles. Révélant « un vrai problème de perception sur les actions qu’ils ont pu mener ». En conséquence, la reconfiguration du paysage politique se trouve aujourd’hui articulée « autour de trois tendances : l’extrême droite, le macronisme et la gauche ».

Indignation sur la dédiabolisation du RN

La fédération a par ailleurs fait part de son indignation sur la dédiabolisation médiatique dont a bénéficié l’extrême droite. L’ensemble des représentants a insisté sur la nature « raciste, xénophobe, antisociale, homophobe et sexiste » du projet politique du Rassemblement national. Jean-Paul Benoit rappelait d’ailleurs l’appel lancé par les Mutuelles de France dans le but de faire barrage à Marine Le Pen. Par ailleurs, l’importante progression des voix récoltées par le RN (anciennement FN) au second tour (7 millions de voix supplémentaires entre 2002 et 2022) apparaît comme un enjeu d’inquiétude majeur pour les Mutuelles de France. « Cette question fondamentale doit nous interroger sur les perspectives qui sont les nôtres et les modalités de notre mobilisation », a précisé la FMF.

Remise en cause de l’Etat de droit

Les discussions ont ensuite porté sur le sujet du premier quinquennat d’Emmanuel Macron. Notamment sur la réduction des libertés publiques et sur la remise en cause de l’Etat de droit constatées depuis cinq ans : « Souvenons-nous des mouvements citoyens réprimés de manière brutale. Des mesures d’urgence rentrées dans le dispositif de droit commun. De la logique sécuritaire de plus en plus accrue, brutalisant et judiciarisant les actions de solidarité. » La vice-présidente de la FMF prenait ainsi l’exemple des évacuations violentes de camps de réfugiés. Ou les poursuites judiciaires intentées par les pouvoirs publics contre Cédric Herrou, en raison de l’aide qu’il a pu apporter à des migrants. 

Discours d’exclusion

A propos de la question de l’accueil des étrangers en situation irrégulière, Carole Hazé rappelait également les propos du président de la République au moment de la prise de pouvoir des Talibans en Afghanistan : « Emmanuel Macron voulait alors “ nous protéger des flux migratoires irréguliers ”. » Une position totalement revue à l’occasion de la guerre en Ukraine. « Le discours d’exclusion n’est finalement plus le même en fonction de qui on a en face de nous, a-t-elle ajouté. Or nous devons et nous pouvons accueillir dans la dignité et de la même manière tous les réfugiés et les migrants. Lorsque ces personnes fuient la guerre, la faim, la torture, il n’y a pas de bon ou de mauvais réfugié. » 

S’emparer de l’élection législative

Pour la FMF, le chef de l’Etat n’infléchira pas, pendant ce nouveau mandat, la politique qu’il accomplit depuis cinq ans. « Or si rien ne change, les inégalités, notamment en matière de santé, risquent de s’aggraver. Ce qui exacerberait plus encore les rancœurs nées de ces situations. Notamment lors de l’élection présidentielle de 2027 », a averti Jean-Paul Benoit. « Ainsi, il faut faire le maximum dans le cadre de ces législatives pour participer aux débats. Discuter avec les candidats en leur apportant des informations sur les questions de protection sociale et de santé. Faire des propositions pour construire l’avenir sur des bases plus solidaires. » 

Investir le débat public

En parallèle de ce travail de sensibilisation, Carole Hazé détaillait également l’importance de porter à la connaissance du public les grandes problématiques en matière d’accès aux soins. Notamment par le biais de communications officielles de la FMF. « Profitons de tous les leviers que nous pouvons utiliser. En s’impliquant, comme nous l’avons toujours fait, dans des logiques groupées au sein du monde mutualiste. Et en utilisant le mouvement comme caisse de résonance », a expliqué la vice-présidente des Mutuelles de France. 

Le rôle premier de la Sécurité sociale

Jean-Paul Benoit et Carole Hazé ont également profité de l’occasion pour rappeler l’existence du cahier de propositions de la fédération. 42 propositions formulées autour d’un accès généralisé à la santé. Et une Sécurité sociale au plus haut niveau possible : « Car le rôle premier de la Sécu est bien la solidarité. La solidarité nationale entre malades et bien portants, et entre les générations. » 

Acteurs du mouvement social

Pour confronter leurs opinions et étoffer le débat social, la FMF avait invité différents invités à prendre la parole sur tous les sujets de société évoqués. « Nous œuvrons dans notre militantisme avec d’autres acteurs du mouvement social. Avec lesquels nous avons des partenariats. Il était important pour nous d’écouter aujourd’hui leur analyse pour alimenter notre réflexion. » 

Déconstruire l’argumentaire

Parmi les invités de la conférence nationale des Mutuelles de France figurait Sylvie Durand, secrétaire nationale de l’UGICT-CGT en charge de la question des retraites. Au cours de la conférence, elle a détaillé plusieurs éléments pour « déconstruire l’argumentaire » d’Emmanuel Macron au sujet de la réforme des retraites. Un projet que le chef de l’Etat a mis en avant tout au long de la campagne présidentielle. Sylvie Durand a notamment commenté l’idée du « relèvement progressif de l’âge légal de départ à la retraite à 65 ans ». Selon la spécialiste, ce changement revient, en arrière-plan, à baisser le niveau des pensions. Notamment dans le cas où il ne serait pas possible de se maintenir en emploi jusqu’à cet âge-là. Ou également dans le cadre de périodes de chômage indemnisées. Le fait de partir plus tard vise, selon elle, à réduire le niveau des dépenses avec des retraites encore plus faibles. 

Marchandisation de notre protection sociale 

La FMF a renchéri en fustigeant une réforme qui « réduirait encore le socle de la retraite solidaire, financée par la Sécurité sociale ». Dans une communication diffusée à l’occasion de cette journée d’échanges, la fédération précise ainsi que « cela va nécessairement passer par des systèmes privés de capitalisation, tels qu’ils existent massivement ailleurs, notamment aux Etats-Unis. Ainsi seront ouverts de nouveaux champs de marchandisation de notre protection sociale. Laissant de côté les plus pauvres et les plus précaires ». Pour la FMF, ce projet est une « extension du domaine de la marchandisation ».

Malik Salemkour, président de la Ligue des droits de l
Malik Salemkour, président de la Ligue des droits de l’homme. ©FMF

Ligue des droits de l’homme

Parmi les autres intervenants, Malik Salemkour, président de la Ligue des droits de l’homme (LDH), a insisté sur la nécessité d’investir le débat citoyen. En particulier sur le sujet des inégalités, et notamment en terme de santé : « La crise du Covid a montré que nous avions besoin de services publics et de proximité. Cette pandémie a également révélé les injustices et les inégalités sociales et territoriales qui devaient être traitées. Mais il y a eu en parallèle beaucoup de témoignages de solidarité, rappelons-nous, pendant les confinements. Entre nationaux et non-nationaux. Entre jeunes et vieux. »

Un combat de tous les instants

Le président de la LDH a ensuite exhorté les associations de citoyenneté et le mouvement social à se mobilier : « C’est le moment pour le monde de la mutualité, comme pour tous ceux travaillant dans l’intérêt général et porteurs d’un projet collectif, de reprendre le chemin de l’espace public. Car l’unité et la citoyenneté sont des combats de tous les jours, et de tous les instants. »