Dans l’ADN de la Mutualité : des établissements de soins aux valeurs humanistes, les SSAM

A Montpellier, la maternité mutualiste est fondée dans les années 1950. ©FNMF -DR
A Montpellier, la maternité mutualiste est fondée dans les années 1950. ©FNMF -DR

Pour comprendre la spécificité des établissements de soins mutualistes, il faut revenir à leur création au milieu du XIXe siècle. Les grands principes de leurs origines, l’innovation, la qualité technique et l’engagement militant y sont toujours respectés, depuis 150 ans. L’historienne Charlotte Siney-Lange a répondu à l’invitation des Mutuelles de France pour parler de ces services de soins et d’accompagnement mutualistes (SSAM), son sujet de prédilection.

Résumer 150 ans d’activité sanitaire et sociale du mouvement mutualiste en quelques minutes, l’historienne Charlotte Siney-Lange est prête à relever ce défi. Devant les militants de la Fédération des Mutuelles de France (FMF), réunis à l’occasion de leur congrès fin septembre 2023 à Marseille, la chercheuse a confié avoir un sujet de prédilection dans toute l’histoire de la Mutualité. « Ce qui m’intéresse particulièrement, c’est ce que l’on appelle les SSAM, les services de soins et d’accompagnement mutualistes », a-t-elle précisé. Ces établissements, appelés œuvres sociales, ont fait leur apparition dès le milieu du XIXe siècle.

La peur de l’hôpital public

« L’une des principales raisons de leur création est l’émergence des classes moyennes, a expliqué l’historienne. Trop riches pour bénéficier des mesures d’assistance et trop pauvres pour accéder aux cliniques privées lucratives, elles étaient totalement laissées-pour-compte sur le plan social. » Ces classes moyennes se sont retrouvées en grand nombre dans le mouvement mutualiste. Naturellement, les mutuelles ont alors développé des œuvres sociales à leur attention.

Sanatorium marin pour enfants atteints de tuberculose osseuse, à Kerpape en Bretagne, en 1918. ©FNMF -DR

« Ces classes moyennes partageaient toutes la même peur : celle de l’hôpital public, véritable lieu de déchéance sociale. Malades, mendiants, toutes les populations que l’on ne voulait pas voir dans l’espace public y étaient accueillies. L’un des objectifs affichés des œuvres sociales mutualistes était de se démarquer de cet hôpital public tant redouté. »

Ces établissements avaient déjà l’ambition de répondre à une exigence de haute qualité technique et de pratiquer une médecine de haut niveau. Tout en conservant des tarifs très accessibles. Le grand principe des SSAM était alors posé. Il restera le même jusqu’à nos jours.

A destination des plus démunis

La Mutualité va alors se lancer dans des réalisations engagées, à destination des plus démunis. Les SSAM vont pallier les manquements existants pour les catégories sociales jusqu’alors délaissées. Leur objectif : lutter contre tous les types d’injustices sociales.

Parmi ces réalisations : les mutualités maternelles pour les femmes enceintes. Ces dispositifs proposaient une indemnisation de la grossesse et de l’accouchement à une époque où le congé maternité n’existait pas. On peut également évoquer les crèches mutualistes pour les enfants, et les soutiens aux personnes âgées alors que le système des retraites n’était pas encore au point…

« Les mutuelles s’attaqueront également à un véritable tabou de société : le handicap. Pour sortir les personnes handicapées, et notamment les enfants, des hôpitaux psychiatriques, la Mutualité va créer des lieux d’accueil spécialisés », a poursuivi Charlotte Siney-Lange.

Opérations coup de poing

Parmi les combats mutualistes menés à travers ces œuvres sociales figure également la déstigmatisation des maladies psychiatriques, avec la création de structures adaptées. Et l’engagement féministe, avec la première expérimentation d’accouchement sans douleur, dans une clinique mutualiste parisienne dans les années 1950. « A chaque fois, il s’agissait d’opérations coup de poing. »

Tour à tour, les témoignages de mutualistes dans la salle ont démontré que les objectifs initiaux des SSAM, dans l’innovation et l’engagement militant, restent toujours d’actualité. « Je suis souvent amenée à me rendre dans ces établissements mutualistes. Et je partage effectivement le même constat, a poursuivi l’historienne. Ces structures n’ont jamais dérogé aux grandes valeurs humanistes de la Mutualité. »