Une personne en situation de handicap sur cinq n’arrive pas à se faire soigner. A la lumière des résultats alarmants du dernier sondage Handifaction sur l’accès aux soins, un colloque sur cette thématique était organisé le 16 février 2022 par le secrétariat d’État chargé des Personnes handicapées. Alors que l’ONU a récemment dénoncé les manquements de la France sur sa politique du handicap, ces échanges ont permis d’aborder de nouvelles pistes d’actions concrètes. Et de mettre en lumière cet enjeu sociétal de premier ordre au moment de la campagne électorale.
Intitulé « Améliorer l’accès à la santé des personnes en situation de handicap », un colloque autour de la santé et du handicap était organisé le 16 février 2022 par le secrétariat d’État chargé des Personnes handicapées. Les co-auteurs d’un rapport rendu en 2018 sur « l’accès aux droits et aux soins des personnes en situation de handicap et des personnes en situation de précarité » étaient en charge de la présentation.
Comme l’a rappelé Sophie Cluzel, la secrétaire d’État auprès du Premier ministre chargée des Personnes handicapées, ce rapport a permis de remettre « ce sujet de société au cœur de [la] feuille de route » gouvernementale. En atteste le partenariat établi en juillet 2021 entre l’association Handidactique et la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM). Ainsi que la mise en place d’un baromètre sur l’accès aux soins : Handifaction. Un sondage élargi au réseau de l’Assurance maladie et à ses partenaires. Ce questionnaire permet aux personnes en situation de handicap de donner leur avis sur la façon dont elles ont été soignées.
L’accès aux soins des personnes handicapées reste entravé
En 2021, 71 396 personnes se sont emparées du baromètre Handifaction, contre 20 203 en 2020. Un bond à souligner, comme les tendances que dessinent les résultats. En effet, des obstacles persistent dans l’accès aux soins des personnes handicapées. Sur l’année 2021, 19 % des personnes interrogées ont indiqué qu’elles n’avaient pas pu être soignées. Et ce taux monte à 24 % pour le dernier trimestre 2021. Par ailleurs, 15 % ont dû abandonner leurs recherches de soins.
En 2021, 9 245 personnes ayant répondu au baromètre Handifaction ont été confrontées à un refus de soin. Pour près de la moitié (44 %), ce refus a émané de soignants.
Accompagner les soignants et adapter leurs compétences
Accompagner les médecins et le personnel soignant et adapter leurs compétences apparaît comme un axe d’amélioration indispensable. Pour cela, l’UFR de médecine de Reims a lancé un stage répondant à cet objectif. Une « sensibilisation au handicap » destinée aux étudiants en deuxième année de médecine.
L’université d’Angers et le centre de réadaptation Les Capucins ont de leur côté mis sur pied une formation dans l’annonce du handicap. A destination des professionnels de santé salariés et libéraux, elle comprend une partie théorique, une séance de simulation et un débriefing.
Des actions concrètes menées dans toute la France
Pour pallier ces difficultés d’accès aux soins, des actions sont menées dans tout le territoire par des groupes de travail pluridisciplinaires. Pour en donner l’illustration, dix-huit projet ont été présentés lors du colloque. Et classés autour de six thématiques :
- le « aller-vers » ;
- l’accès à la prévention ;
- l’innovation des offres de soins ;
- l’accompagnement des professionnels ;
- le financement ;
- l’expression et la participation des usagers à leur santé.
Interventions de soignants dans les lieux de vies des usagers, création de dispositifs de consultation dédiés au handicap, boîte à outil numérique au contenu adapté pour informer sur le cancer, kit d’habituation aux soins pour préparer les enfants à la réalisation d’un électroencéphalogramme, mallette pour évaluer la douleur chez les personnes atteintes d’une déficience sensorielle… Les expériences menées aux quatre coins de la France sont nombreuses.
L’article 51, un outil précieux pour la concrétisation des projets
Plusieurs actions bénéficient du cadre d’expérimentation de l’article 51. Introduit par la loi de financement de la Sécurité sociale de 2018, c’est un outil précieux. Depuis le printemps 2018, l’article 51 permet l’octroi de crédits pour accompagner la mise en place de projets et la montée en charge des expérimentations.
Ainsi, la Fondation Ildys en partenariat avec le CHU de Brest a pu en disposer pour monter le dispositif « Breizh Bucco Bus ». Ce cabinet dentaire mobile sillonne les établissements médico-sociaux du Finistère pour faire de la prévention, dépister et soigner les personnes âgées et en situation de handicap. Par ailleurs, dans l’Hérault, le Centre Mutualiste Neurologique PROPARA a créé « Handiconsult 34 ». Il s’agit d’une unité de consultations dédiées aux personnes en situation de handicap en échec de soins courants.
Faire évoluer les financements
« Revoir le périmètre du panier de soins des établissements et services médico-sociaux pour les personnes handicapées ». Cette préconisation émane d’un rapport rendu en 2019 sur l’accès aux soins des personnes handicapées accompagnées par un établissement ou un service médico-social. C’est dans cette optique qu’un appel à candidature national a été lancé dans le cadre de l’article 51 pour l’expérimentation « Facilisoins ». Sa vocation est la prise en charge des dépenses de soins, de médicaments, de consultations et de prévention vers L’Objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM) de ville.
Sur le même thème, la directrice déléguée de la CNAM, Marguerite Cazeneuve, a mis en avant la consultation blanche ou consultation d’habituation. Un premier rendez-vous de découverte des lieux et des interlocuteurs pour les patients. La création d’une consultation très complexe à 60 euros a également été évoquée. Elle est dédiée à la constitution du dossier destiné à la maison départementale des personnes handicapées.
Une banque d’expériences pour partager les initiatives
Par ailleurs, une banque d’expériences a été mise en ligne. Il s’agit d’un dispositif lancé par l’association CoActis Santé avec le soutien de la Mutuelle nationale des hospitaliers. A la manière d’un annuaire, ce site Internet réunit les actions et initiatives favorisant l’accès à la santé des personnes en situation de handicap. Son but est d’ « aider les professionnels de santé dans leur pratique quotidienne » auprès de ce public.
Elle participe « à la diffusion des savoirs, des expériences, des retours d’expérience. À la mise en réseau et au travail en réseau », a déclaré Odile Antoine, de CoActis Santé. Ainsi, les actions présentées pendant le colloque figurent aujourd’hui sur le site. Par ailleurs, les structures ou services hospitaliers souhaitant porter une initiative pourront la soumettre directement sur la plateforme. L’ambition est de « nourrir et compléter cet annuaire », pour qu’il devienne une référence.
Lancement d’Handébat 2022
Le 17 février 2022, l’association pour l’insertion sociale et professionnelle des personnes handicapées (LADAPT) a présenté les résultats d’une enquête menée avec l’IFOP sur « La place des citoyens en situation de handicap dans la société française en 2022 » qui a réuni plus de 2 000 témoignages. Il ressort notamment que le handicap est un thème « tout à fait prioritaire » pour 70 % des personnes en situation de handicap et 60 % du grand public. Parmi les principaux enseignements, il a été révélé que 50 % des personnes interrogées ont renoncé à des soins dentaires.
Avec trois autres associations, LADAPT a décidé de déployé le dispositif « Handébat 2022 », afin de recueillir les propositions concrètes des candidats à l’élection présidentielle en matière de handicap et d’inclusion. Un grand débat se tiendra le 23 mars à la Maison de la Radio entre les équipes de campagne de chaque candidate et candidat, qui exposeront la vision de leur camp sur le sujet pour les cinq années à venir.
L’Onu semonce la France sur sa politique du handicap
A l’automne 2021, le Comité des droits des personnes handicapées des Nations Unis fustigeait la politique française en matière de handicap. Le rapport pointait du doigt « une législation et des politiques publiques fondées sur le modèle médical. Et des approches paternalistes du handicap. En conclusion, l’ONU demande à la France à se mettre en conformité avec la Convention internationale des droits des personnes handicapées (CIDPH).
Manon Gauthier-Faure