Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2024 a d’ores et déjà été adopté sans vote à l’Assemblée nationale. Alors que ce budget est actuellement examiné au Sénat, la secrétaire générale de la Fédération des Mutuelles de France (FMF) explique en quoi le sous-financement des prestations pour les assurés sociaux et du système de santé est une volonté politique. Pascale Vatel détaille également les conséquences pour les adhérents mutualistes.
Quel est votre avis sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale ?
Pascale Vatel : le gouvernement persiste dans sa volonté d’imposer un projet de loi de financement de la Sécurité sociale dicté par l’austérité. Comme le montre l’enveloppe globale pour financer les prestations aux assurés sociaux et le système de santé. L’objectif national des dépenses de l’Assurance maladie (Ondam) n’augmente en effet que de 3,2 % en 2024, par rapport à 2023.
Ce montant est tout d’abord inférieur à l’inflation (qui s’élevait à 4 % au mois d’octobre 2023, NDLR). Par ailleurs, nous savons que les dépenses de santé progressent chaque année de plus de 4 %. Cette évolution naturelle est due au développement des nouvelles technologies. Mais également au vieillissement de la population et à l’accroissement du nombre de personnes en affection longue durée et en maladie chronique notamment… L’Ondam est donc totalement insuffisant pour répondre aux besoins de la population et à la crise grave de notre système de santé, en particulier notre hôpital.
Vous soulignez la volonté politique qu’il y a derrière de projet de loi.
Pascale Vatel : les besoins de santé de la population tout comme les crises du système de santé sont des éléments connus et très documentés. Ne pas y répondre sérieusement est un choix politique. En refusant d’allouer les recettes nécessaires à la protection sociale et de faire participer l’ensemble des richesses à son financement, l’Etat organise l’appauvrissement de la Sécurité sociale. Ce définancement a démarré il y a plus de trente ans, mais il s’accélère aujourd’hui. Au lieu de partir des besoins sociaux à couvrir et d’allouer des ressources en fonction, le gouvernement impose et met en œuvre un budget complètement restreint. Il s’agit bien d’un choix politique libéral inexcusable et irresponsable qui s’applique à l’ensemble de ce qui compose notre modèle social.
En quoi le texte présenté inquiète particulièrement les mutuelles ?
Pascale Vatel : les économies supplémentaires imposées à la Sécurité sociale se reporteront inévitablement sur les ménages et leurs mutuelles, en 2024. C’est déjà plus d’1,3 milliard d’euros auquel viendront s’ajouter de nouvelles dépenses comme l’augmentation des rémunérations des professionnels de santé. Cela va contraindre une fois de plus les mutuelles, qui sont des organisations à but non lucratif, à augmenter de façon importante leurs cotisations.
Après un vote défavorable dans les conseils de toutes les caisses de sécurité sociale – c’est inédit ! – et un débat bâclé à l’Assemblée nationale, le texte a été adopté sans vote de cette chambre par l’utilisation du 49.3. Cette procédure permet par ailleurs au gouvernement de pouvoir choisir les amendements qu’il souhaite conserver. Parmi eux, il y en a un qui va fortement impacter les mutuelles.
De quoi s’agit-il ?
Pascale Vatel : il s’agit de l’intégration de la prise en charge des fauteuils roulants dans le dispositif appelé « 100 % Santé ». Si cette annonce a l’apparence d’une bonne nouvelle pour les personnes concernées, sa réalité en est loin.
D’abord, cette décision ne nous semble tout d’abord pas adaptée aux besoins spécifiques de chaque personne. Ce point est important car les fauteuils sont des outils qui concourent à l’autonomie des personnes. Un besoin aussi légitime que fondamental. Et précisément parce qu’ils concourent à l’autonomie, ils ne devraient pas être couverts par l’Assurance maladie et les mutuelles. Mais par la branche autonomie, elle aussi dramatiquement peu financée.
Ensuite, tout est fait pour faire croire que le dispositif « 100 % Santé » relève de la Sécurité sociale. Alors qu’en réalité, il est largement financé – entre 70 et 80 % – par les complémentaires santé. Cette nouvelle prise en charge va donc directement peser sur les cotisations mutualistes payées par les ménages.
La hausse mécanique des cotisations, sous le coup de ces transferts de charge de l’Assurance maladie vers les mutuelles, renchérit leur coût jusqu’à le rendre insupportable. Cela entraîne de plus en plus de ménages à renoncer à une mutuelle. Or, c’est aujourd’hui une condition pour pouvoir bénéficier d’une protection sociale suffisante pour pouvoir se soigner.
Alors comment faire ?
Pascale Vatel : d’abord il faut remettre le système de protection sociale à l’endroit. En l’appuyant sur une Sécurité sociale de haut niveau financée par l’ensemble des richesses créées. Mais nous savons qu’un tel chantier n’est pas dans les cartons du gouvernement. Et que, de toute façon, cela demanderait un peu de temps… Dans l’immédiat, il y a un moyen simple de diminuer les cotisations mutualistes. L’Etat ponctionne l’équivalent de deux mois de cotisations par an sous forme de taxes. Les mutuelles de France exigent leur suppression. Nous appelons chacune et chacun à interpeller les parlementaires et le président de la République en ce sens. La santé n’est pas un luxe. C’est un droit fondamental qui doit être effectif pour toutes et tous et partout !