Les Mutuelles de France et la ville de Marseille partenaires pour faire de la santé « un droit essentiel à la dignité humaine »

Jean-Paul Benoit, président des Mutuelles de France (FMF) © Marta Nascimento. Michèle Rubirola, adjointe au maire de Marseille © Ange Lorente.
Jean-Paul Benoit, président des Mutuelles de France (FMF) © Marta Nascimento. Michèle Rubirola adjointe au maire de Marseille © Ange Lorente

A l’occasion de l’ouverture du congrès de la Fédération des Mutuelles de France (FMF) mardi 26 septembre à Marseille, son président, Jean-Paul Benoit, s’est entretenu avec l’adjointe au maire de la ville, Michèle Rubirola. Ensemble, ils reviennent sur le nécessaire combat en faveur de l’accès aux soins pour tous, et sur la légitimité des mutuelles à y participer.

L’objectif affiché du congrès des Mutuelles de France est « d’agir ensemble pour un avenir solidaire ». Quels sont les leviers possibles pour construire de nouvelles solidarités ?

Jean-Paul Benoit : Le mot d’ordre de notre congrès ressort des mois de préparation, de débats et d’ateliers menés partout en France avec les militants de notre mouvement. Dans nos délégations territoriales et avec nos groupements adhérents, nous avons échangé sur l’état de la société française aujourd’hui. Ce diagnostic partagé est indispensable à notre action mutualiste. La Mutualité n’est pas un organisme hors sol, mû par l’appétit de profit comme le sont des organismes privés lucratifs. Le rôle de la Mutualité est de contribuer à la meilleure couverture sociale possible de la population et à l’accès aux soins.

Or, notre société est en crise. La pauvreté touche de plus en plus de monde. L’accès aux soins est difficile, voire impossible pour une part toujours plus importante de la population. La protection sociale est en recul : recul de l’âge de départ à la retraite, réduction drastique de l’indemnisation du chômage, augmentation des franchises médicales… Le levier pour construire les solidarités dont la population a besoin est d’abord politique. La santé est un choix politique, le choix de la dignité humaine. C’est le combat quotidien de nos mutuelles, celui des groupements de Livre II (mutuelles complémentaires santé) et de Livre III (mutuelles administrant des centres de santé). Ce congrès a pour but de mobiliser tous ces leviers au service de la population pour un avenir solidaire.

« PERMETTRE un accès aux soins de qualité,

sans reste à charge et partout en France »

Michèle Rubirola, adjointe au maire de Marseille

Michèle Rubirola : Notre pays a plus que jamais besoin de solidarités. La crise du Covid a accru les écarts de revenus entre les plus riches et les plus pauvres. Les Français en situation de vulnérabilité sociale ont besoin de solidarité économique. Mais nous avons tous besoin de solidarité humaine. Cela passe, bien-sûr, par la réduction des inégalités de santé en permettant un accès aux soins de qualité, sans reste à charge et partout en France.

Pour cela, il est nécessaire de faire croître l’Ondam (l’Objectif national de dépenses d’assurance maladie) et de l’adapter aux besoins des territoires. Renforcer la solidarité, c’est historiquement faire progresser le droit au repos. Je suis convaincue qu’il faut réinventer notre rapport au travail pour permettre à toutes et tous de s’engager dans l’associatif ou auprès de ses proches. Le fondement de la solidarité intergénérationnelle dans notre pays est le système de retraite que les Françaises et les Français ont défendu avec intensité cette année. Nous avons les moyens de le renforcer et de le financer. Par ailleurs, je suis persuadée que la solidarité internationale passe par une politique migratoire humaniste et réaliste. Le devoir de solidarité ne s’arrête pas à nos frontières, c’est la raison pour laquelle la ville de Marseille déploie un important dispositif de soutien et de solidarité à l’étranger. Par exemple, nous avons aidé nos partenaires marocains lors du Covid en leur envoyant du matériel médical au plus fort de l’épidémie.

Les Mutuelles de France ont récemment organisé à Marseille un concert au profit de l’association SOS Méditerranée. En quoi cet événement, qui a rassemblé 8 000 personnes, s’inscrit dans votre volonté d’action commune ?

Jean-Paul Benoit : L’essence de la Mutualité, c’est la dignité humaine. Dès lors, comment pouvons-nous laisser faire les gouvernements européens qui abandonnent les réfugiés à la noyade en Méditerranée ? Face à cette barbarie meurtrière, nous sommes révoltés ! Quand la Mutuelle Solimut, dont le siège est à Marseille, et Mutami ont porté ce débat au sein de notre mouvement, plusieurs mutuelles et la Fédération des Mutuelles de France ont décidé de se mobiliser pour soutenir SOS Méditerranée. Cette action solidaire a permis de recueillir de quoi financer une semaine de sauvetage en mer et de montrer à tous que les idées rances, la xénophobie et l’égoïsme n’ont pas gagné la partie. Nous sommes nombreux à rejeter cette Europe de la peur et du repliement.

Michèle Rubirola : Je salue l’engagement des Mutuelles de France en faveur de l’association SOS Méditerranée. C’est un soutien courageux et indispensable. La Ville de Marseille est, elle aussi, à leurs côtés. Les valeurs humanistes défendues fondent votre identité comme mouvement mutualiste. Nous devons les colporter dans toute la société et faire savoir ce qui se passe dans notre Méditerranée. Comme vous, je suis convaincue que c’est par la rencontre et l’échange que nous pourrons convaincre sur la nécessité de porter secours à ces personnes. Marseille est historiquement une terre d’accueil et, à l’échelle de la municipalité, nous faisons tout pour le rester.

A l’image de l’ensemble du territoire français, Marseille est victime de difficultés dans l’accès aux soins et de grandes inégalités sont observées en matière de santé dans toute sa région. Quelles sont les priorités et les actions à mettre en place ?

Jean-Paul Benoit : A force de rogner chaque année les financements de la protection sociale, en multipliant les exonérations de cotisations des entreprises, on arrive à ses fins : le système de santé est par terre. Les professionnels, notamment à l’hôpital public, souffrent et la population renonce de plus en plus à se soigner. L’urgence de la situation commande une réponse à l’échelle nationale mobilisant toutes les ressources financières et organisationnelles.

Pour notre part, nous agissons autour d’un savoir-faire mutualiste, très présent dans la région, les centres de santé. C’est un outil qui permet d’améliorer l’offre de soins. D’abord parce qu’ils sont pluridisciplinaires, on peut y développer le partage des tâches afin d’augmenter le temps médical. Ensuite, quand nous en implantons de nouveaux, là où l’exercice libéral a déserté par exemple, nous le faisons en partenariat avec les collectivités territoriales et avec leur connaissance fine des besoins de la population. Enfin, un centre de santé mutualiste est, comme tout outil mutualiste, à but non lucratif. La finalité est clairement de rendre le meilleur service de soins possible. Les pouvoirs publics doivent agir davantage avec les acteurs de soins à but non lucratif plutôt qu’avec ceux qui veulent faire de la santé une rente de profits. Répétons-le : la santé n’est pas une marchandise !

Michèle Rubirola : 8 % de la population réside dans une commune sous-dense en médecins généralistes. Et une partie importante cumule des difficultés d’accès aux trois principaux points d’entrée dans le système de santé. Les zones sous denses se trouvent dans des territoires où l’Etat s’est progressivement retiré et avec lui les servies publics, la culture, les commerces… Même si nous trouvons des solutions pour pallier au manque de médecin dans ces zones, il ne faut pas occulter les obstacles de fond mais soutenir la rénovation urbaine et le développement des services publics partout.

Nous le savons à Marseille, les déserts médicaux concernent la ruralité mais aussi les zones urbaines et particulièrement les quartiers en difficultés. Les collectivités territoriales détiennent une partie des réponses à la problématique des zones sous denses. Les maisons de santé pluridisciplinaires, les centres mutualistes, les centres de santé communautaires, les centres de santé universitaires peuvent être des solutions locales, à condition d’être conçues, pour et avec, les professionnels et la population. Tout comme le salariat qui peut être un outil efficace dans certaines structures.

La quatrième année d’internat tel que proposé par les forces de gauche, c’est-à-dire dans de bonnes conditions matérielles et humaines, est également une piste intéressante. La ville de Marseille soutient de nombreuses initiatives en ce sens. Pour ne citer qu’un exemple, nous avons impulsé une politique ambitieuse pour le développement de la médiation en santé. Ma boussole en la matière est toujours la même : toucher les « invisibles » qui ne fréquentent que très peu les lieux de socialisation, qui permettent habituellement de repérer des situations de santé préoccupantes. « Aller vers pour amener vers ».

Vous avez eu l’occasion de rappeler dans les médias l’importance de porter ces sujets de santé, et le projet sociétal qu’ils sous-tendent, dans le débat public. Comment sensibiliser l’opinion à ces questions ?

Jean-Paul Benoit : Il faut refaire de la santé et de la protection sociale un sujet politique. Vouloir que chacune et chacun puisse se soigner n’est pas un vague choix technique. La Sécurité sociale est un projet politique, un projet de société ! L’impasse dans laquelle se trouve la société aujourd’hui en matière de santé et de protection sociale montre que l’on a eu tort de laisser faire les logiques gestionnaires. Nous intervenons avec nos groupements adhérents pour porter ces questions dans le débat public. Nous le faisons aussi aux côtés de la Fédération nationale de la Mutualité Française (FNMF), dont nous sommes membres. D’autres acteurs du mouvement social se saisissent de ces sujets et c’est très bien. Il faut continuer et amplifier, inlassablement, ce mouvement de prise de conscience.

« La Sécurité sociale est un projet politique,

un projet de société ! »

Jean-Paul Benoit, président des Mutuelles de France

Michèle Rubirola : Notre système de soins fait face à de multiples défis. Celui de la transition écologique, car l’impact de l’environnement sur notre santé n’est plus à démontrer. Celui de la démographie, pour permettre à la jeunesse de vivre mieux et aux plus âgés d’être accompagnés. Celui de la gouvernance, car il nous faut refonder le partage des prérogatives de santé entre l’Etat, les collectivités territoriales, les citoyens et les acteurs mutualistes. Celui de la pénurie des professionnels et de l’attractivité des métiers qu’il nous faut résoudre au plus vite. Et enfin, celui de son financement, trop souvent occulté.

Compte tenu de l’importance de ces changements, il est essentiel de mobiliser tous les acteurs de la société pour trouver collectivement des solutions. Il n’y a pas d’Etat qui se porte bien sans une population en bonne santé. Par ailleurs, l’avenir de la santé publique est intrinsèquement lié à celui de la santé environnementale et globale. Notre pays l’a bien compris puisque 7 français sur 10 sont convaincus que l’environnement a un impact sur la santé. A Marseille nous portons avec force des dispositifs de démocratie sanitaire, tel que le conseil communal en santé afin de placer le citoyen au cœur de la fabrique des politiques de santé. Sur le plan national, nous devons prolonger le conseil national de la refondation – Santé qui a largement mobilisé les habitants et les habitantes des Bouches-du-Rhône et ainsi créer, de par sa forme, une dynamique inédite.


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