A l’occasion du grand concert caritatif organisé le 24 juin par les Mutuelles de France au profit de SOS Méditerranée à Marseille, Viva republie une interview de François Thomas, président de l’association, réalisée par notre journaliste Alexandra Luthereau en juin 2022. Ce dernier nous expliquait alors que les sauvetages effectués en mer par ses navires étaient accomplis grâce à une grande chaîne de solidarité.
Comment est née l’association SOS Méditerranée ?
François Thomas : La tragédie en Méditerranée dure depuis de nombreuses années. Depuis 2014, plus de 24 200 personnes y ont perdu la vie, dont 19 500 environ en Méditerranée centrale, entre la Libye et l’Italie. Cette route migratoire est la plus mortelle au monde.
L’Italie s’avère être l’un des pays européens de première arrivée des personnes qui traversent la Méditerranée centrale. En 2014, les autorités italiennes ont lancé, à la suite du drame de Lampedusa, une opération remarquable baptisée Mare Nostrum. Cette action a permis de sauver plus de 100 000 personnes grâce au déploiement de moyens considérables, maritimes et aériens. Mais sans le soutien de l’Union européenne, tout s’est arrêté fin 2014.
Au printemps 2015, Klaus Vogel, un capitaine de la marine marchande, et une humanitaire française, Sophie Beau, décident de se mobiliser et de fédérer un réseau. Ils créent une association civile européenne de sauvetage en mer. Constituée de citoyennes et de citoyens, cette structure est fondée sur le droit maritime international et le droit humanitaire. Beaucoup de personnes ont rejoint ce mouvement. Ce qui a permis de récolter des fonds pour affréter l’Aquarius, dont les opérations ont commencé en février 2016. Après l’arrêt de l’affrètement de ce premier bateau fin 2018, un autre, l’Ocean Viking, a repris les sauvetages à partir de l’été 2019.
Quelles sont les missions de l’association ?
F. T. : Notre première mission est le sauvetage en mer. Entre février 2016 et aujourd’hui SOS Méditerranée a sauvé 35 936 vies. Plus de 1 000 personnes ont pu être secourues depuis le début de l’année 2022. Notre deuxième mission consiste à protéger les personnes rescapées. Pour cela, nous travaillons en partenariat avec la Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge. Enfin, nous avons également une mission de témoignage.
Le sauvetage en mer en détresse n’est-elle pas une obligation légale ?
F. T. : Face au danger, dans les lieux à risque comme la mer ou la montagne, il y a toujours de la solidarité humaine. Depuis 1912 et le naufrage du Titanic, des règles ont été édictées dans les conventions internationales. Le sauvetage en mer est inconditionnel à la fois d’un point de vue moral et légal. En cas d’appel de détresse, le capitaine a l’obligation d’intervenir. Et c’est ce que nous faisons avec l’association. Les règles stipulent aussi que les états côtiers doivent donner la possibilité aux bateaux de débarquer les rescapés dans un port sûr, tel que défini par les conventions internationales. C’est-à-dire un endroit où les personnes peuvent être nourries, soignées et où leurs droits fondamentaux sont respectés. En l’occurrence, la Libye n’est pas un endroit sûr. Pourtant, les états européens forment et financent les garde-côtes libyens, qui placent les migrants dans des camps de rétention.
On se souvient de l’errance de l’Aquarius à l’été 2018, quand aucun port ne voulait autoriser son débarquement. Comment se fait-il que cela soit possible ?
F. T. : Une fois les personnes sauvées, on prévient les autorités maritimes compétentes pour obtenir une autorisation de débarquement. Puis on attend. L’autorisation peut prendre du temps. L’Ocean Viking a déjà attendu dix jours. Pour les personnes, qui ont bien souvent beaucoup souffert en Libye où elles ont été torturées et violées, cette incertitude sur leur débarquement est insoutenable. Elles craignent de retourner dans l’enfer libyen. Bien sûr, les équipes à bord (marins sauveteurs, personnels médicaux) font tout pour les rassurer mais c’est difficile. Pour éviter ces situations, nous demandons un accord européen pérenne, solidaire et prévisible pour répartir ces personnes depuis l’Italie, avec laquelle les autres états membres doivent faire preuve de solidarité.
Comment travaille l’association ?
F. T. : SOS Méditerranée compte plusieurs centaines de bénévoles en France. L’association est également présente en Allemagne, en Italie et en Suisse. Nous avons noué des partenariats avec la Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, Action contre la faim et Médecins du monde. Des mutuelles comme Solimut ou Mutami sont également nos partenaires. Avec elles, nous partageons des valeurs humaines communes, en particulier celle de la solidarité, un mot qui revient souvent dans le mouvement mutualiste.
Comment les citoyens peuvent-ils aider l’association ?
F. T. : Le sauvetage en mer coûte très cher, en particulier l’affrètement du bateau : 14 000 euros par jour. Nous mettons en effet en place une chaîne solidaire entre l’équipe à bord et les personnes à terre. Nous avons donc, avant tout, besoin de dons. Ceux-ci peuvent se faire en ligne sur notre site.
Alexandra Luthereau