Centres de santé : « l’Assurance maladie devrait augmenter les contrôles », pour le président du groupement mutualiste Oxance

En janvier 2023, l’Assurance Maladie déconventionnait deux centres de santé en raison de fraudes. © 123 RF
En janvier 2023, l’Assurance Maladie déconventionnait deux centres de santé en raison de fraudes. © 123 RF

En janvier 2023, l’Assurance Maladie déconventionnait deux centres de santé en raison de fraudes. La branche maladie de la Sécurité sociale annonçait également que d’autres établissements faisaient l’objet de contrôles.

Pour Nicolas Souveton, vice-président de la Fédération des mutuelles de France (FMF) et président du groupement mutualiste Oxance, gestionnaire de centres de santé, ces vérifications sont nécessaires et elles devraient même être augmentées. « Pour identifier et sanctionner les pratiques frauduleuses. Par ailleurs, ces contrôles n’occulteraient en rien le travail des centres de santé éthiques ».

Nicolas Souveton, président du groupement mutualiste Oxance © Oxance

L’Assurance Maladie a annoncé le déconventionnement de deux centres de santé en raison de pratiques frauduleuses. En quoi consiste cette sanction ?

Nicolas Souveton : Avec cette mesure disciplinaire, les patients de ces centres de santé ne peuvent plus bénéficier du remboursement de leurs soins par l’Assurance Maladie. Car les praticiens exerçant dans ces établissements-là ne sont plus considérés comme conventionnés par la Sécurité sociale. Par ailleurs, les complémentaires santé ne rembourseront pas non plus leurs actes, puisqu’elles se basent sur le ticket modérateur s’appliquant uniquement aux prestations prises en charge.

Quels types de fraudes peuvent être commises par les centres de santé ?

Nicolas Souveton : Il y a généralement deux types de fraudes constatées dans les structures « déviantes ».

  • La surfacturation : c’est-à-dire le fait de facturer des actes qui n’ont pas été réalisés. Il peut s’agir par exemple de personnes accompagnatrices d’un patient et qui se retrouvent avec des actes facturés, dont ils n’ont pourtant jamais bénéficié.
  • Autre type de fraudes : les actes non nécessaires. Vous allez par exemple chez le dentiste pour une carie, et vous ressortez avec un bridge, une couronne, ou un autre dispositif compliqué qui n’était pourtant pas justifié médicalement. L’intérêt pour le professionnel de santé fraudeur est d’augmenter le volume qu’il va facturer au patient, et donc à la Sécurité sociale et aux mutuelles.

En tant qu’usager, comment se prémunir de ces abus ?

Nicolas Souveton : Il y a je pense deux éléments à avoir en tête. Tout d’abord, lorsqu’il s’agit de traitements dentaires relativement coûteux, de prothèses ou de bridges par exemple, il est indispensable de demander un devis au professionnel de santé. En cas de doute, il est possible d’aller prendre un deuxième avis chez un autre dentiste, et de comparer les tarifs. Par ailleurs, concernant les plans de traitement, certains points de prise en charge devront probablement être discutés avec votre complémentaire santé. Là aussi, les mutuelles peuvent vous alerter si elles ont des suspicions.

Comment de telles dérives sont-elles possibles de la part de centres de santé non-lucratifs ?

Nicolas Souveton : Le véritable problème de ces structures déviantes est l’objectif d’enrichissement personnel qu’il y a derrière. Juridiquement, les centres de santé ne peuvent être gérés que par des organisations à but non-lucratif : des mutuelles, des associations, des collectivités locales, des fondations… Il n’est donc pas possible de créer un centre de santé à but lucratif. Pour contourner ce principe juridique, une façade est alors créée. Il s’agit d’un faux-nez associatif indispensable pour faire exister la structure. Mais ils mettent ensuite en place un mécanisme qui leur permet de s’enrichir.

De quelle manière ?

Nicolas Souveton : Le procédé est toujours le même. L’établissement de santé associatif est rattaché à une société faîtière qui va prélever un certain nombre de frais. Il peut s’agir de soit disantes prestations d’accompagnement RH, de gestion, de communication… Tout un tas d’éléments vont ainsi être facturés. Le seul objectif de ces facturations est de remonter les excédents générés vers ces structures faîtières à but lucratif. Dans nos établissements de santé mutualistes, ces systèmes ne sont pas possibles puisque tout notre écosystème s’avère non-lucratif. Il n’est donc pas envisageable d’associer une société lucrative à un centre de santé géré par une mutuelle.

D’autres centres de santé vont-ils être sanctionnés ?

Nicolas Souveton : Lorsque le ministère de la Santé et l’Assurance Maladie ont communiqué sur cette première vague, ils ont annoncé que d’autres établissement faisaient l’objet de contrôles. 88 centres de santé dentaires et 44 ophtalmologiques ont alors été évoqués. Cinq mois plus tard, aucune mesure n’a été prise. Sachant déjà que pour les deux premiers centres sanctionnés, les signalements remontaient à plus de deux ans. Il aura donc fallu tout ce temps à l’Assurance Maladie pour sanctionner. Il y a manifestement un problème de délai. 

Un fauteuil dentaire dans un centre de santé © Oxance

Pourquoi l’Assurance Maladie n’a-t-elle toujours pas pris de mesures pour ces centres ?

Nicolas Souveton : Les contrôles nécessitent des moyens pour constater les infractions de manière inopinée.

En tant que président d’un groupement de centres de santé, redoutez-vous ces contrôles ?

Nicolas Souveton : Au contraire, je pense qu’ils sont nécessaires ! Au sein des centres de santé mutualistes, les praticiens sont des salariés. Mais en ce qui concerne leurs diagnostics, les plans de traitement préconisés, les gestionnaires ne sont pas compétents pour évaluer de cette pratique médicale. Et nous n’en n’avons d’ailleurs pas le droit légalement puisque dans notre société ordinale, seuls les médecins peuvent juger leurs confrères. Il est donc primordial d’augmenter ces contrôles pour vérifier qu’il n’y a pas de faits contraires à la déontologie.

Qu’il s’agisse de ces pratiques ou des établissements « déviants », les vérifications permettront d’identifier et de sanctionner les fraudes. Et elles n’occulteront en rien le travail des centres de santé éthiques. Car la très grande majorité des centres de santé permettent de contribuer à la réponse à la crise de la médecine de premier recours. Et de lutter directement contre la désertification médicale.