Le nouveau rapport « Santé travail : enjeux & actions » de l’Assurance Maladie – Risques professionnels apporte des éléments statistiques et d’analyse sur les cancers reconnus d’origine professionnelle. Environ 1 800 cancers professionnels sont reconnus chaque année en France, principalement chez des ouvriers retraités et en lien avec l’amiante.
Entre 2013 et 2017, la branche AT/MP a reconnu en moyenne 1840 cancers d’origine professionnelle par an.
En 20 ans, le nombre total de cancers reconnus d’origine professionnelle a été multiplié par 3,6 : il est passé de 540 cas en 1998 à 1 940 cas reconnus en 2017. Ceci n’est pas un hasard puisqu’il faut des années avant qu’un cancer ne se déclare en particulier pour les pathologies liées à l’aimante, prépondérantes dans ces déclarations. Ces dernières représentent 80 % des cancers reconnus d’origine professionnelle sur la période 2013-2017. Il s’agit principalement de cancers du poumon (70 % des cas) et de mésothéliomes (30 % des cas).
Hors amiante, les autres cancers professionnels sont des cancers de la vessie, des cancers naso-sinusiens et des leucémies. Ils sont en lien des expositions au benzène, aux poussières de bois et aux produits noirs (goudrons, bitumes, asphaltes…).
Les hommes retraités, d’origine ouvrière sont les plus touchés
L’âge moyen des personnes touchées au moment de la reconnaissance en maladie professionnelle est de 68 ans. Il s’agit donc majoritairement de retraités. Les hommes sont très majoritairement les plus concernés (96 %), il s’agit principalement d’ouvriers (80 % de cas). Les hommes ne présentent en effet pas les mêmes expositions au risque de cancers professionnels du fait de la spécificité de leurs emplois. Les entreprises les plus concernées ont plus de 250 salariés (53 %) et appartiennent aux secteurs de la métallurgie (39 %), du BTP(24 %) et de l’industrie chimique et du secteur du bois (9 % chacun).Enfin, les cancers reconnus d’origine professionnelle se concentrent dans la moitié nord de la France.
1,2 milliards d’euros de coût annuel
La prise en charge des cancers professionnels par la branche AT/MP représente environ 1,2 milliards d’euros par an à la charge des entreprises, principalement en lien avec des rentes viagères. Seuls 20 % des bénéficiaires de rentes liées à des cancers professionnels sont les personnes directement touchées par le cancer. 80 % des rentes sont versées aux ayants droits, majoritairement aux conjoints des personnes décédées de leur cancer. A titre de comparaison, les ayants droits bénéficiaires d’une rente, toutes causes confondues, ne représentent que 6 % des rentes servies. Le montant moyen annuel de leur rente est d’environ 17 000 euros
Pour Marine Jeantet, directrice des Risques professionnels à la Cnamts, ces mauvais chiffres s’expliquent par : «l’effet retard de l’apparition de ces cancers. Voilà pourquoi, une des priorité de la Cnamts aujourd’hui est de mettre en oeuvre des actions de prévention au sein de la branche accident du travail, maladies professionnelles».
La prévention à l’exposition des risques chimiques reste l’une des principales priorités de la convention d’objectif et de gestion de la branche AT/MP 2018-2022. En lien avec des plans nationaux en cours (plan cancer, plan national santé environnement 3, plan santé au travail 3), la prévention des risques chimiques se poursuit dans le cadre d’un nouveau programme national de prévention « Risques Chimiques Pros ».
Outre l’outil SEIRICH permettant aux entreprises d’évaluer leur risque lié à l’utilisation de produits chimiques, l’Assurance Maladie – Risques professionnels met en ligne une centaine de fiches techniques d’aide au repérage et à la substitution des cancérigènes -un gros travail avait ainsi été mené avec succès auprès des pressings (1) ainsi que des recommandations élaborées par les partenaires sociaux. Elle propose également plusieurs aides financières réservées aux entreprises de moins de 50 salariés. «L’objectif est de les aider à investir dans des équipements pour protéger leurs salariés contre ces risques. Sur la période 2015-2018, 4 200 entreprises ont bénéficié chaque année de ces aides pour un montant total annuel de 26 millions d’euros».
Une part de cancers d’origine professionnelle n’est pas déclarée par les assurés
Une situation qui s’explique notamment en raison d’une longue période de latence entre l’exposition aux facteurs cancérigènes et la survenue d’un cancer (20-40 ans), le caractère très souvent multifactoriel du cancer, l’absence d’information des médecins traitants sur l’origine professionnelle des cancers, les faibles liens des salariés avec les services de santé au travail, la méconnaissance des salariés des risques et de leurs droits ou leur découragement devant la complexité des démarches administratives.
Une meilleure reconnaissance pour les cancers de la vessie
Lors des précédentes COG, une action menée sur les cancers de vessie a permis de multiplier le nombre de reconnaissances par 6.
Par ailleurs, il est prévu de mettre en place un dispositif d’aide à la déclaration des maladies professionnelles qui permettra de proposer aux assurés concernés un accompagnement personnalisé de la déclaration. Afin de déterminer le modèle le plus adapté et accessible pour répondre aux attentes des assurés, des expérimentations seront menées fin 2019 pour une généralisation courant 2020.
1) En 2012, 95 % des machines utilisées par les pressings professionnels étaient au perchloroéthylène, un produit cancérigène. La majorité de ces établissements (97 %) se situaient en milieu urbain à proximité de la clientèle, soit dans des centres commerciaux ou en bas d’immeubles d’habitation et donc touchés par l’interdiction à plus ou moins court terme, selon l’âge de la machine. Au 31 décembre 2017, ils n’étaient plus que 40 % à utiliser le perchloroéthylène. A ce jour, près de la moitié de ces machines ont été remplacées par des procédés d’entretien professionnel de substitution, nouveaux solvants ou aquanettoyage.