Sexualité des Français : les grandes tendances de la dernière étude

Une grande enquête scientifique menée par l’Inserm et l’ANRS auprès de plus de 30 000 personnes dresse un état des lieux de la sexualité des Français. © 123RF

La vie intime des Français a connu des « changements majeurs », avec un point fort : « la diversification de la sexualité, en particulier chez les jeunes et les femmes ». C’est ce que révèle la dernière enquête intitulée « Contexte des sexualités en France », réalisée par l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) et l’ANRS. Décryptage.

Age du premier rapport et nombre de partenaires

Les auteurs de l’étude constatent que les Français ont leurs premiers rapports sexuels plus tard que leurs aînés. En 2023, l’âge moyen est de 18,2 ans pour les femmes et 17,7 ans pour les hommes. Pour mémoire, en 2006, lors de la dernière enquête, le premier rapport avait lieu à 17,6 ans pour les filles et 17,2 ans pour les garçons.

Autre donnée intéressante : le nombre moyen de partenaires des femmes de 18 à 69 ans ayant déjà eu un rapport sexuel est passé de 3,4 au cours de sa vie en 1992 à 4,5 en 2006 et à 7,9 en 2023. Pour les hommes, ces chiffres, stables entre 1992 et 2006 autour de 11, ont augmenté « substantiellement » à 16,4 partenaires en moyenne en 2023.

Cette différence entre les hommes et les femmes s’explique de la façon suivante, selon Nathalie Bajos de l’Inserm, qui a supervisé l’enquête : « Les femmes ne comptabilisent que les hommes qui ont compté, tandis que les hommes comptent toutes les expériences. »

Pratiques sexuelles diversifiées

La société évolue, et le mouvement #MeToo a eu un impact significatif sur les pratiques sexuelles. « Les rapports sexuels consentis et diversifiés, ainsi que la prise en compte des attentes des femmes concernant les pratiques qui leur procurent le plus de plaisir, sont de plus en plus marqués », explique Nathalie Bajos.

Pour la première fois en 2023, les femmes déclarent avoir plus de rapports homosexuels que les hommes.

Autre fait marquant : en 2023, 17,9 % des Françaises et 23,7 % des Français ont déjà rencontré un ou une partenaire sexuel(le) via un site ou une application de rencontre. Et plus d’un tiers (33 %) des femmes et près de la moitié (46,6 %) des hommes ont eu une expérience sexuelle en ligne, que ce soit en se connectant à un site ou une appli dédiée ou en échangeant des images intimes (nudes).

D’autre part, de plus en plus d’hommes et de femmes déclarent avoir expérimenté d’autres pratiques sexuelles que les rapports vaginaux : comme la masturbation, le sexe oral, les rapports anaux.

Les normes évoluent : la proportion de personnes s’engageant dans une sexualité non exclusivement hétérosexuelle « augmente très nettement ». En 2023, 8,4 % des femmes et 7,5 % des hommes de 18 à 89 ans déclarent avoir eu au moins un partenaire de même sexe. « Pour la première fois en 2023, les femmes déclarent avoir plus de rapports homosexuels que les hommes », note l’enquête.

Et après 50 ans ?

Concernant les seniors, 56,6 % des femmes et 73,8 % des hommes restent actifs sexuellement après 50 ans en 2023.

Les chiffres montrent que la satisfaction sexuelle décline chez les deux sexes avec l’âge. Cette baisse étant plus rapide chez les hommes que chez les femmes. Ainsi, 68,2 % des hommes de 60 à 69 ans se déclarent épanouis sexuellement en 2023. Un taux qui descend à 49,3% chez les 70-79 ans et 27,7 % chez les 80-89 ans.

Chez les femmes, 52,6 % des femmes de 60 à 69 ans s’estiment satisfaites sexuellement. Une proportion qui tombe à 37,7 % chez les 70-79 ans avant une dégringolade à 8,9% entre 80 et 89 ans.

Violence sexuelle persistante au sein des couples

Enfin, les chercheurs signalent la persistance de violences sexuelles au sein des couples. Près d’une femme sur trois (29,8 %) de 18 à 69 ans déclare avoir subi un rapport forcé ou une tentative de rapport forcé en 2023, contre 15,9 % en 2006. Chez les hommes, les chiffres passent de 4,6 % en 2006 à 8,7 % en 2023.

« Ces chiffres traduisent à la fois une augmentation de fréquence liée à une baisse d’un seuil de tolérance aux violences sexuelles intraconjugales, mais aussi à une plus grande capacité à qualifier ces faits et à les déclarer dans les enquêtes », souligne Nathalie Bajos. Ce qui signifie que notre société a une aptitude plus grande à recueillir la parole des victimes.

L’enquête souligne également que la définition même d’une violence sexuelle a évolué au fil du temps. « Rappelons par exemple que le viol conjugal n’est reconnu dans la loi que depuis 1992. Des actes autrefois considérés comme “normaux” peuvent aujourd’hui être qualifiés, à juste titre, de rapports forcés. »

Prévention : peut mieux faire !

Les auteurs constatent que les mesures de prévention des risques, notamment pour les infections sexuellement transmissibles (IST) ou les grossesses non désirées, sont moins bien observées chez les jeunes, ces dernières années.

On observe une baisse de la prévention en début de vie sexuelle. En 2006, près de la totalité des hommes (97,1 %) et femmes interrogés (98,3 %) déclaraient utiliser un moyen contraceptif lors du premier rapport. En 2023, ces chiffres ne concernent plus que 87,2 % des femmes et 92,3 % des hommes.

La couverture vaccinale contre les IST reste insuffisante, notamment chez les hommes. En 2023, 63,5 % des femmes et 52,9 % des hommes de 15-29 ans sont vaccinés contre l’hépatite B, tandis que 50,6 % des femmes et 20,2 % des hommes du même âge sont vaccinés contre les papillomavirus.

Le recours à la pilule chute de 17,7 points chez les 18-29 ans. Parmi les raisons évoquées figurent la crise des pilules de 3e et 4e générations en 2012, qui a effrayé un certain nombre de femmes, ainsi qu’un attrait croissant pour les méthodes de contraception plus naturelles.

Le dispositif intra-utérin (DIU ou stérilet) devient la méthode la plus utilisée chez les femmes de 18 à 49 ans.


Cette enquête a été menée par l’Inserm et l’Agence nationale de recherche sur le sida, les hépatites et les maladies infectieuses émergentes (ANRS), de novembre 2022 à décembre 2023. C’est la quatrième du genre, après les éditions de 1970, 1992 et 2006. 31 518 personnes âgées de 15 à 89 ans ont été interrogées par téléphone ou en ligne en France métropolitaine ainsi que dans les quatre territoires d’outre-mer. Supervision scientifique : Nathalie Bajos (sociologue, Inserm). L’Ined, le CNRS, l’EHESS et Santé publique France ont également contribué à cette vaste enquête.