« La concurrence accrue entre acteurs lucratifs et mutualistes déstabilise les solidarités historiques », Éric Chenut président de la Mutualité française

Eric Chenut Président de la Mutualité Française ©FNMF/H. Thouroude
Eric Chenut Président de la Mutualité Française ©FNMF/H. Thouroude

Présent au congrès de la Fédération des mutuelles de France (FMF), organisé du 26 au 28 septembre 2023 à Marseille, le président de la Mutualité française revient sur l’engagement mutualiste et les combats actuels du mouvement.

Le modèle d’entreprendre assurantiel a « contaminé » le secteur de la santé. Quels en sont les stigmates ? Comment peut-on encore illustrer la plus-value mutualiste ?

Éric Chenut : Depuis plusieurs décennies, les contraintes imposées par les politiques publiques aux complémentaires santé limitent la capacité d’innovation des mutuelles et l’adaptation de leurs offres aux besoins des adhérents. Parallèlement, la concurrence accrue entre les acteurs lucratifs et mutualistes déstabilise des solidarités historiques mises en place par les mutuelles, dont la solidarité entre actifs et retraités.

Nous ne nous résignons pas à cette situation. Tout comme au définancement de la Sécurité sociale. Et nous intervenons pour faire évoluer notre système de protection sociale, améliorer l’accès à la complémentaire santé et aux soins pour toutes et tous. C’est pourquoi nous avons publié un carnet de santé de la France afin de poser un diagnostic partagé, et pouvoir questionner les choix politiques et budgétaires.

Mais, au-delà, les mutuelles, qui ne rémunèrent aucun capital, sont des acteurs globaux de la protection sociale. Nos éventuels bénéfices sont réinvestis au profit des adhérents et de la population. Sur tout le territoire, nous menons des actions de prévention et proposons une large offre de soins et d’accompagnements sociaux et médico-sociaux avec plus de 2 900 structures. Ce sont toutes ces spécificités que nous devons faire mieux connaître.

La culture de l’engagement est bousculée par les pratiques néolibérales. Comment le modèle mutualiste peut-il contribuer à faire émerger une démarche de citoyenneté sociale ?

É. C. : La Mutualité porte un projet politique d’émancipation individuelle et collective. Pour permettre aux personnes de pouvoir mener leur projet de vie sans en craindre les aléas. Pour cela, elle s’appuie sur l’engagement de ses élus et salariés dans le développement de la prévention sur le terrain. Et elle accompagne des publics en situation de vulnérabilité vers le soin ou le maintien d’un lien social.

Aujourd’hui, l’engagement évolue. La Mutualité Française peut créer des espaces d’engagements spécifiques avec d’autres acteurs engagés, par exemple sur les thématiques de la transition démographique ou du réchauffement climatique. Et l’évolution du système de protection sociale poussé par la Mutualité Française devra aussi s’appuyer sur les assurés sociaux, concernés en premier lieu. Cette refonte devrait redonner des espaces citoyens d’expression et d’engagement.

Les élections européennes approchent. En quoi sont-elles une échéance importante ?

É. C. : Le droit européen intervient sur l’ensemble des activités économiques, dont celles des mutuelles. Mais le lien entre les élections européennes et la vie quotidienne est mal connu. Pour tout un chacun, il est difficile de faire le lien entre son vote et les décisions prises. Néanmoins, l’Europe reste un horizon essentiel, dont le rôle a pu être réévalué avec la pandémie de Covid et la guerre en Ukraine.

La Mutualité Française portera un mémorandum auprès des candidats. Car la citoyenneté sociale ne s’arrête pas aux frontières nationales. Elle peut porter l’amélioration des droits sociaux et de la couverture santé partout au sein de l’Union européenne.

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