Invité à intervenir lors d’un colloque « Santé connectée : quelles perspectives pour les consommateurs » organisé par l’Institut national de la consommation, le philosophe François Ewald estime que l’ère du « patient » est terminée.
« Avec l’e-santé, la situation est nouvelle. Il suffit à un industriel de dire « mon objet n’est pas un produit de santé, mais un produit de bien-être », pour qu’il échappe à toute la réglementation sur les dispositifs médicaux. Il est en train de se développer dans la santé tout un monde parallèle qui échappe au domaine médical. C’est ce que j’appellerai l’“uberisation” de la santé », estime le philosophe François Ewald, invité à un colloque organisé par l’Institut national de la consommation : « Pour la médecine, centrée sur la crise, la maladie, la guérison, la santé connectée est très perturbante. Avant cette révolution des objets, tout était simple : vous étiez malade ou vous ne l’étiez pas. Or l’e-santé se donne à l’inverse pour but de suivre quelqu’un qui n’est pas malade, qui ne doit pas l’être, et dont on peut imaginer, par utopie, qui ne sera jamais malade. Avec l’e-santé, les rapports médecin-patient vont changer. Jusqu’à maintenant, il existait une relation asymétrique entre celui qui détenait la connaissance, faisait œuvre de conseil et de pédagogie et le patient qui consultait. Avec l’e-santé, c’est la fin du patient. Chacun deviendra acteur de sa propre vie et de sa santé dont il sera responsable. Pour cela, on va lui fournir des outils lui permettant de savoir quels sont ses facteurs de risques, d’obtenir des données, de s’auto-évaluer. Que deviendra aussi la responsabilité du médecin, lorsqu’il recevra de son patient, par le biais d’objets connectés, des informations et des donénes qu’il ne pourra pas traiter ? Ne risque-t-on pas de lui reprocher de ne pas avoir agi ? »