Le gouvernement a annoncé la création d’une « taxe Covid » sur le chiffre d’affaires des complémentaires santé, à hauteur d’un milliard d’euros en 2021 et de 500 millions en 2022. Quelle est votre réaction ?
Les taxes et les complémentaires santé, c’est un peu comme le sparadrap du capitaine Haddock dans l’Affaire Tournesol : on n’arrive pas à s’en débarrasser et elles reviennent au moment où on s’y attend le moins. De 1,75 % en 2005, elles s’élèvent aujourd’hui à 16,5 %, près de 10 fois plus.
« Alors que les complémentaires santé sont devenues un produit de première nécessité car indispensables à l’accès aux soins et au maintien en bonne santé des citoyens, elles subissent aujourd’hui les fiscalités les plus lourdes, bien plus que le Coca taxé seulement à 5,5 %. »
Le gouvernement a annoncé, dès la sortie du confinement, vouloir soutenir les Français à travers des aides accordées non pas aux ménages mais aux entreprises. Une proposition aurait pu être de diminuer ou même de retirer les taxes sur les contrats de santé, ce qui aurait entraîné une baisse du montant des cotisations, comme le mouvement mutualiste s’est toujours engagé à le faire. Non, le choix a été fait de nous maintenir dans un rôle de collecteur d’impôt en augmentant encore les taxes sur les contrats mutualistes et en osant prétendre que cela n’aurait pas d’impact sur les adhérents. De qui se moque-t-on ? A ce stade de taxation, nous prélevons chaque année près de deux mois de cotisations à nos adhérents pour les reverser dans les caisses de l’Etat.
L’argument du gouvernement est de dire que les mutuelles ont fait des « économies » durant la crise. Est-ce votre opinion ?
Des renoncements aux soins ont été opérés par les adhérents durant le confinement, renoncements qui ont généré, c’est vrai, une baisse des remboursements de la part des complémentaire santé, mais aussi des régimes obligatoires et donc de la Sécu… Mais ces soins n’ont pas été annulés, juste reportés. Ils vont être rattrapés. A ce jour, on ne peut donc pas parler d’économies.
Pour autant nous sommes partant pour étudier finement la situation et en cas d’excédents constatés intervenir, pourquoi pas, en soutien aux régimes obligatoires. Mais la rapidité avec laquelle la taxe Covid a été mise en place ne laisse pas le temps de l’évaluation. C’est la porte ouverte à un report immédiat sur les cotisations auquel viendra s’ajouter une deuxième vague d’augmentation dans les prochains mois si les soins venaient à s’accélérer comme les indicateurs l’annoncent. Enfin nous avons du mal à comprendre pourquoi le gouvernement taxe les Français sur ce qu’ils ont de plus précieux : leur santé. D’autres acteurs économiques ont connu des baisses d’activités durant le confinement comme les assureurs automobiles qui n’ont pas eu à traiter de sinistres. L’État leur a t-il demandé de supporter une nouvelle taxe ?
Si l’engagement des mutuelles dans la situation de crise actuelle ne doit pas se faire par le biais d’une taxe qui pèserait sur leurs adhérents, comment peuvent-elles intervenir ?
Mais depuis toujours nous aidons les populations à traverser les périodes de crise ! Au-delà de nos dispositifs internes de fonds sociaux qui permettent d’intervenir directement auprès des adhérents lorsqu’ils traversent des situations personnelles compliquées, par exemple lorsqu’ils ont des soins difficiles à financer, nous cherchons à pallier les ruptures de solidarité envers les plus fragiles engendrées par la généralisation des contrats collectifs obligatoires en entreprises, à minimiser les effets de la récente éligibilité des mutuelles à l’impôt sur les sociétés (au même titre que Coca-Cola encore…), à maintenir une proximité physique pour accompagner au mieux les adhérents qui ne sont pas adeptes du tout-dématérialisé là ou d’autres installent des plateformes téléphonique, à entretenir l’obligation morale que nous portons en nous de ne laisser personne sur le bord de la route, et tout cela avec des tarifs maîtrisés et attractifs …. C’est cela l’intervention des mutuelles : un miracle permanent. Nous demander de faire plus confirme qu’à l’évidence le gouvernement ne connaît pas la place et le rôle unique que jouent les mutuelles dans le dispositif de complémentarité à la Sécurité sociale.