De l’oxygène !
Monoxyde de carbone, oxydes d’azote ou encore ozone : dans les zones urbaines en particulier, la pollution est partout dans l’air, aussi bien à l’extérieur que dans nos logements. Malgré la baisse temporaire des niveaux de pollution liée aux restrictions et aux confinements mis en place pendant la crise du Covid, les taux de pollution de l’air restent encore bien trop élevés.
Même à de faibles concentrations de particules fines, l’exposition chronique demeure dangereuse pour l’organisme. D’après de récentes études, elle accroît les risques d’allergies, de maladies cardio-vasculaires et de cancers. Elle affecte aussi la capacité respiratoire, favorise l’apparition de la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO), de l’asthme, des irritations oculaires et ORL. Les individus les plus sensibles, comme les enfants, les femmes enceintes, les personnes âgées ou celles atteintes d’affection de longue durée (ALD), sont bien sûr les premiers touchés. Mais est-il possible de respirer un air plus sain ? Comment pouvons-nous lutter efficacement contre la pollution chez soi et à l’extérieur? Heureusement, des solutions existent. Suivez le guide…
238 000 décès prématurés
Agence européenne pour l’environnement (AEE).
liés à la pollution de l’air ont été recensés dans l’Union européenne en 2020.
Une menace sur la santé
Troubles cardiaques, cancers, accidents vasculaires cérébraux, maladies respiratoires… La pollution atmosphérique, qui provient essentiellement de l’industrie, du trafic routier et des installations de chauffage, est responsable de nombreuses pathologies. On fait le point.
Les principaux polluants que l’on retrouve dans l’air extérieur sont les particules nes, l’ozone (O3) et le dioxyde d’azote (NO2). Les particules fines en suspension (les PM10 et PM2,5, des poussières et des résidus de combustion) sont rejetées par les pots d’échappement des voitures, les chauffages, les cheminées et la production industrielle. L’ozone est issu de la transformation chimique d’autres polluants (dont les oxydes d’azote [NOx], des gaz surtout émis par la circulation et le chauffage au feu de bois) au contact des rayons UV du soleil. Le dioxyde d’azote, enfin, provient aussi en grande partie du trafic routier (responsable à lui seul d’un tiers des émissions de gaz polluants) et également des centrales thermiques. Dans l’air, on retrouve en outre du dioxyde de soufre (SO2), essentiellement produit par le secteur industriel. Les émissions de ce polluant ont toutefois baissé depuis une dizaine d’années.
99 % de la population mondiale respire un air pollué
OMS
qui dépasse les seuils fixés par l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
Les activités humaines responsables
Cette évolution est due à l’amélioration de la composition des carburants, ainsi qu’au traitement des fumées des usines d’incinération des ordures ménagères et des installations de combustion (destinées au chauffage urbain, par exemple). On le voit bien, les activités humaines sont très largement responsables des niveaux de pollution atmosphérique. Celle-ci émane surtout des pays industrialisés, mais elle affecte toute la planète. Même à court terme et à faibles niveaux d’exposition, l’air pollué a un impact sur la santé humaine. Il est responsable d’allergies, d’irritations du nez, de la gorge et des yeux. Plus spécifiquement,
le dioxyde d’azote et les PM2,5, capables de pénétrer profondément dans les poumons et la circulation sanguine, sont à l’origine de maladies respiratoires.
« Les nanoparticules s’infiltrent jusqu’aux alvéoles pulmonaires et aggravent des pathologies chroniques comme l’asthme ou la bronchopathie », explique le professeur Bruno Housset, pneumologue et président de la Fondation du sou e. Ce risque est singulièrement alarmant chez les enfants, dont les organes, encore en cours de développement, peuvent être altérés. La pollution de l’air est aussi la cause d’autres pathologies respiratoires comme la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO). Et ce n’est pas tout : « A long terme, l’exposition aux différents polluants favorise également l’apparition de cancers du poumon, en particulier quand elle s’ajoute à d’autres facteurs de risque comme le tabac », souligne le professeur Housset.

Effets cancérogènes
La pollution atmosphérique (notamment celle due aux particules fines et aux gaz d’échappement des moteurs diesel) a en effet été classée comme cancérogène pour l’homme par l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
La pollution de l’air est la troisième cause de mortalité après l’alcool et le tabac.
Santé publique France
La majorité des décès liés à la pollution de l’air sont, quant à eux, causés par des pathologies du cœur. Lors des pics de pollution, on note une recrudescence d’infarctus du myocarde mais aussi d’AVC. Un cas mortel sur trois pourrait même être imputable à la pollution, selon l’OMS. « En déclenchant des phénomènes inflammatoires, les polluants de l’air activent la coagulation sanguine. Ce qui accroît les risques de caillots et donc de thromboses », constate le docteur Pierre Souvet, cardiologue et président de l’Association santé environnement France (Asef). Des travaux récents montrent en outre qu’il y aurait un lien entre l’air pollué et les maladies neuro-dégénératives. Captées par le nerf olfactif, les nanoparticules seraient acheminées jusqu’au cerveau. Ainsi, une étude américaine a démontré que les personnes vivant à moins de 50 mètres d’une autoroute avaient un risque un peu plus élevé (7 %) de souffrir de démence.
Les plus fragiles en première ligne
Les enfants, les personnes âgées, celles atteintes d’affection de longue durée (ALD) et les femmes enceintes sont les premiers touchés et doivent rester particulièrement vigilants en cas de pic de pollution. Aujourd’hui, on sait par exemple que les particules fines traversent le placenta lors de la grossesse
et entraînent ainsi des effets nocifs sur la santé du fœtus. Conséquences : les bébés naissent davantage avant terme et les nouveau-nés prématurés et/ou
de petit poids sont de plus en plus nombreux. Autant d’enfants qui auront, à leur tour, plus de risques de développer des maladies cardio-respiratoires
en grandissant.
POLLUTION ET CANCER DU SEIN
Les chercheurs de l’étude Xenair, pilotée récemment par le Centre Léon-Bérard, à Lyon, ont travaillé sur la corrélation entre l’exposition chronique à faible dose à huit polluants dans l’atmosphère et le risque de survenue d’un cancer du sein.
Résultat ? Sur les huit polluants étudiés, cinq sont responsables d’une augmentation du risque de développer la maladie. Le dioxyde d’azote (émis par le trafic routier et les appareils au gaz utilisés dans les habitations), dont le lien avec ce cancer avait déjà été établi en 2021, ferait augmenter le risque d’environ 9% en cas de forte exposition. Idem pour les particules fines PM10 et PM2,5 (provenant du trafic routier, de l’industrie et des appareils de chauffage), qui font respectivement augmenter le risque de 8 et 13 %.
LE RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE ACCROÎT LE RISQUE DE MALADIES
D’après le dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec), le réchauffement de la planète, en partie lié à la pollution de l’air atmosphérique, augmente le risque de maladies.
En Afrique par exemple, la hausse des températures favorise la prolifération des moustiques, et les populations seront à l’avenir davantage exposées à des maladies comme le paludisme, la dengue ou d’autres infections transmises par des insectes. D’ici à 2050, la moitié des habitants de la planète pourraient être ainsi exposés à la dengue, à la fièvre jaune et au virus Zika. Quant au paludisme, des cas ont déjà été rapportés aux Etats-Unis ; et le Royaume-Uni a enregistré, ces dernières années, plusieurs cas de maladie du légionnaire, une infection pulmonaire causée par une bactérie que les scientifiques attribuent au réchauffement climatique. Selon les experts, la maladie de Lyme prendra davantage d’ampleur et les décès induits par les diarrhées infantiles augmenteront.
On note déjà, au niveau mondial, une hausse des allergies et maladies respiratoires liées à la pollution atmosphérique.
Se protéger
S’informer de la qualité de l’air, aérer son intérieur, préférer le vélo ou la marche à la voiture…
Des solutions existent pour faire diminuer la pollution et s’en préserver.
Toutes les études le prouvent : l’amélioration de la qualité de l’air ferait baisser le nombre de maladies et de décès. Et, donc, leur coût pour la société », note
le professeur Isabella Anessi-Maesano, épidémiologiste à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm). « En attendant, il est possible de se protéger de la pollution. Tout d’abord en renforçant son système immunitaire et en ayant une alimentation équilibrée. Mais aussi en s’abstenant de sortir et
de faire du sport en extérieur lors des pics de pollution, surtout si on est une personne fragile. »
Autre conseil : s’informer régulièrement de la qualité de l’air dans sa région (airparif.asso.fr pour l’Île-de-France et atmo-france.org pour l’ensemble du territoire). Vous pouvez aussi télécharger l’application IQAir (AirVisual Qualité d’air), qui vous indiquera les niveaux de pollution atmosphérique dans plus de 10 000 villes à travers le monde. Enfin, fuyez les endroits les plus pollués, comme les axes routiers. Dès qu’on s’en éloigne, les niveaux de pollution baissent de façon considérable. Et n’hésitez pas à utiliser des moyens propres (vélo, marche à pied) lors de vos déplacements, notamment pour les trajets courts.
Dès qu’on s’éloigne des grands axes routiers, les niveaux de particules fines baissent de façon considérable.
Pr Amesi-Maesano

Attention à la qualité de l’air intérieur
Si l’air extérieur peut être pollué, c’est aussi le cas de l’air intérieur. Le benzène, le formaldéhyde, les phtalates ou les retardateurs de flamme (des substances reconnues comme perturbateurs endocriniens) sont émis par les matériaux électroniques, de décoration ou d’ameublement de nos habitations. Aussi, pensez à aérer régulièrement, au moins vingt minutes par jour, tôt le matin et tard le soir, en dehors des heures de pointe, même en cas de pic de pollution. Pour les matériaux de décoration et de construction, l’étiquette « Emissions dans l’air intérieur », avec une note de A+ à C, vous aide à faire votre choix. En ce qui concerne l’hygiène et l’entretien, privilégiez les produits estampillés « Ecolabel européen », et pour les cosmétiques, le label Cosmébio.
Enfin, sachez que la technologie apporte également des solutions efficaces, avec
« des ventilations dans les écoles et des purificateurs pour nettoyer l’air à l’intérieur des locaux.
Ils sont notamment utilisés en Californie lors des incendies, ajoute le professeur Anessi-Maesano.
Et, aujourd’hui, les moteurs des voitures sont moins polluants. C’est un ensemble de solutions individuelles et, bien sûr, politiques qui va nous aider
à respirer un air plus sain ».
- Evitez
les aérosols, - les produits assainissants aux huiles essentielles ;
- les bombes
- insecticides ; les bougies
- parfumées, l’encens, le papier d’Arménie ;
- les lingettes parfumées et
- les nettoyants ménagers étiquetés désinfectants
ou antibactériens ; - la fumée de cigarette.
Privilégiez
- l’étiquette A+ pour les peintures, matériaux et autres produits de décoration.
- Ne restez pas dans une pièce qui vient d’être peinte. Même si la peinture
- affiche A+ et qu’elle est presque inodore, elle libère des polluants. Il faut aérer plusieurs jours avant de s’y installer.
- Quand vous achetez un nouveau meuble,
- ne le placez
pas aussitôt dans une chambre, surtout si c’est celle d’un enfant. Laissez-le quelques jours dans une autre pièce et aérez celle-ci régulièrement.

LES BONNES NOUVELLES
- De nombreux labels existent pour lutter contre la pollution de l’air intérieur.
- Pour le chauffage au bois, vous pouvez vous référer aux labels.
- La circulation alternée mise en place durant les pics de pollution permet
de faire baisser la pollution aux particules fines. - La vignette Crit’Air (certificat qualité de l’air) classe les véhicules en fonction de leurs émissions polluantes en particules fines
et oxydes d’azote. Elle est obligatoire en cas de circulation alternée. - Le masque ne préserve pas que des virus et des bactéries : sa version classique filtre en moyenne 70% des particules et le FFP2, 85%.
- Au Danemark, 20% de la population se déplace à pied, 26% à vélo, 21% en transports en commun. Au total, 67 % des Danois ne prennent pas la voiture pour leurs déplacements quotidiens (le gouvernement a xé un objectif de 75 % en 2025).
Initiative
« MobilAir est un projet idéal pour les citoyens et la planète! »
Sandrine Mathy, directrice de recherche CNRS
au laboratoire d’économie appliquée de Grenoble (Gael), nous présente MobilAir, un projet destiné à réduire la pollution atmosphérique des villes.
« L’objectif de notre projet est de montrer qu’il est possible, au niveau d’une agglomération, de définir des politiques de réduction de la pollution. Le terrain d’étude est Grenoble, mais cette approche pourrait être étendue à d’autres villes. Nous avons réuni une équipe pluridisciplinaire, avec des modélisateurs de l’atmosphère, des chimistes de la pollution, des épidémiologistes, des géographes, des psychologues comportementaux ainsi que des économistes.
De nombreux déplacements de courte distance sont réalisés en voiture, alors il est possible d’imaginer des reports modaux vers la marche à pied, le vélo ou les transports en commun. Des déplacements de moins de 2 kilomètres pourraient être faits à pied et ceux de moins de 5 kilomètres à vélo.
En plus de réduire la pollution, la marche et le vélo induisent de l’activité physique, ce qui est favorable à la santé. Ainsi, là où nous cherchions initialement à diviser des deux tiers les décès dus à la pollution atmosphérique (ce qui correspond, selon nos travaux, à 97 morts évitées), cette mobilité active permettrait de soustraire 154 décès de plus, soit au total 251 décès en moins ! Avec un large équipement en vélos électriques, les habitants pourraient en outre faire des distances jusqu’à 20 kilomètres. Et, dans ce cas, la mortalité évitée monterait à 272 décès !
Il y aurait moins de cancers, d’AVC, mais aussi de maladies respiratoires et de pathologies cardio-vasculaires.
Ces mesures contribueraient à un meilleur bien-être de toute la population, mais elles sont aussi rentables pour la société et le porte-monnaie des ménages. Nos travaux montrent que l’investissement dans des pistes cyclables séparées de la route et la subvention pour l’achat de vélos et de poêles conduiraient, à l’échelle de l’agglomération, à un bénéfice net de plusieurs milliards d’euros à l’horizon 2045. Soit l’équivalent de 629 euros par an et par habitant. Un beau projet, idéal pour les citoyens et l’ensemble de la planète !
A Grenoble, sur les 2 600 décès annuels, 145 sont attribuables aux particules fines. Notre objectif est de diviser des deux tiers cette mortalité d’ici à 2030. Mais comment faire pour parvenir à ce résultat ? Tout d’abord, il faudrait remplacer les chauffages au bois non performants par des poêles à granulés et mettre en place des zones à faible émission qui permettent de réduire de 36 % le nombre de kilomètres parcourus par les voitures.