« Notre évaluation de la gravité des malades aux urgences est soumise à la discrimination »

A symptômes identiques, les hommes sont davantage pris en charge à l’arrivée des urgences, que les femmes. Et les personnes blanches davantage que les personnes de couleur. ©123RF

Aux urgences, les préjugés orientent les diagnostics. C’est le constat alarmant d’une enquête menée par un médecin du CHU de Montpellier et publiée dans la revue l’European Journal of Emergency Medecine.

Le professeur Xavier Bobbia, de la faculté de Montpellier-Nîmes, a coordonné une vaste étude publiée dans l’European Journal of Emergency Medecine qui met en lumière les discriminations subies par les patients à l’entrée des urgences. La différence la plus significative se situe entre homme et femme : « Il y a une évaluation de l’homme plus grave que la femme pour le même cas clinique. »

Mais aussi entre l’apparence noire et les autres ethnies. « Nous n’avons en revanche pas relevé de différence significative entre Blancs et Nord-Africains, Blancs et Asiatiques », précise le médecin.

Notre réflexion médicale est sexiste et raciste.

Professeur Xavier Bobbia, urgentiste au CHU de Montpellier

Un tri inconscient des patients

A symptômes identiques, les hommes sont davantage pris en charge à l’arrivée des urgences, que les femmes (62 % contre 49 %), et les personnes blanches davantage que les personnes de couleur : 61% des patients d’origine maghrébine sont triés en urgence vitale, 58 %  des malades caucasiens, 55 % des Asiatiques et enfin 47 % des patients noirs.

 63 % des hommes blancs ont été placés en urgence vitale pour seulement 42 % des femmes noires

« Notre réflexion médicale est sexiste et raciste », a déclaré le professeur Xavier Bobbia. En croisant les données, l’écart est encore plus flagrant : 63 % des hommes blancs ont été placés en urgence vitale pour seulement 42 % des femmes noires.

Corriger les discriminations

Le professeur Bobbia qui a mené l’enquête propose aussi des solutions pour corriger les discriminations. « En premier lieu, l’information et la formation doivent permettre à tous les praticiens d’être au courant de ces prérequis. » A la faculté de médecine de Montpellier-Nîmes, un enseignement sur les discriminations est proposé.

« La deuxième chose est d’établir des échelles de triage à l’accueil des urgences afin de classer les gens dans un niveau de gravité selon une grille et des examens précis, et donc de manière objective. Ce sont déjà les préconisations de la Société française de médecine d’urgence. »

Enfin, le médecin estime que l’IA entraînée et intégrée au processus de tri sera capable de faire des évaluations de gravité moins subjectives et donc moins discriminatoires.

Le professeur Bobbia a réalisé cette enquête à l’été 2023 auprès de 1 563 médecins et infirmiers urgentistes en France, en Suisse, en Belgique et à Monaco sous forme de questionnaires.