L’Observatoire des inégalités a publié le tout premier rapport global sur les discriminations en France, le 28 novembre. L’organisme indépendant avait à cœur d’apporter des données concrètes et de compiler les informations existantes sur ces inégalités qui s’attaquent « à l’identité même des personnes ». Cependant, les chiffres décrivent aussi une société plus tolérante.
« Les discriminations ruinent la vie des personnes qui les subissent. Il s’agit d’une atteinte à leur dignité, ainsi qu’aux valeurs de la République. En tant qu’inégalité extrêmement violente, qu’elle s’attaque à la couleur de la peau, au sexe, à l’orientation sexuelle ou au handicap, par exemple, cette question devait être traitée. »
Louis Maurin, directeur de l’Observatoire des inégalités, détaille à l’occasion d’une conférence de presse la démarche du tout premier rapport sur les discriminations édité par son association. « Car aussi étonnant que cela paraisse, c’est la première fois qu’un tel document est publié sur le sujet dans notre pays. » S’il existe déjà des données, émanant par exemple du Défenseur des droits et de différents centres de recherches, « aucun organisme, privé ou public » ne les avaient jusqu’alors réunies pour « dresser un inventaire général ».
Des discours que l’on pensait pourtant ne jamais réentendre
Pour l’organisme indépendant, cette mise en lumière apparaissait nécessaire dans une période où « les propos xénophobes, homophobes, masculinistes et sexistes se font de nouveau entendre, et reviennent même régulièrement sur le devant de la scène ». Face à ces discours « que l’on pensait pourtant ne jamais réentendre en France », l’Observatoire a voulu opposer des éléments factuels. « Des données objectives pour pouvoir alimenter le débat. »
Combattre les idées reçues
En ligne de mire, les « milliers de bénévoles, de militants d’associations et d’organisations qui luttent contre ces discriminations. Car contrairement à ce que l’on peut parfois entendre, cette mobilisation est particulièrement importante. Nous voulons ainsi les aider à défendre les valeurs d’égalité et de solidarité de notre République, avec des données concrètes. Car l’information est une arme. »
Combattre les idées reçues est l’un des principaux objectifs du rapport. En effet, l’organisme pointe du doigt « ce qui va mal, mais aussi ce qui va bien. Nous refusons toute exagération, car cela aboutit à décrédibiliser le propos. »
Une société de plus en plus tolérante
Le premier constat est édifiant : notre société est de plus en plus tolérante. « Plus ouverte qu’avant, avec une évolution assez rapide ces vingt dernières années. Les études témoignent d’un partage accru des valeurs d’égalité. Bien loin des discriminations et du portrait d’une société xénophobe que tente de nous dessiner l’extrême droite. » Anne Brunner, la directrice des études de l’Observatoire des inégalités, poursuit en détaillant ces chiffres optimistes :
• 60 % des Français déclarent n’être « pas du tout racistes ». Cette proportion a doublé en vingt ans, selon la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH). « Et la part de ceux qui pensent qu’il y a des “races supérieures à d’autres” a été divisée par trois. Elle passe ainsi de 14 % à 5 %. »
• Le sexisme est également en net recul. En 2000, la moitié de la population était d’accord avec l’idée suivante : « dans l’idéal, les femmes devraient rester à la maison pour élever leurs enfants ». Aujourd’hui, cette affirmation est partagée par deux fois moins de personnes. Elle a en effet été divisée par deux (de 40 % à 20 %) en vingt ans, selon le ministère des Solidarités.
• L’homophobie connaît également une diminution tout à fait significative. « La population est de moins en moins homophobe. Quand on la questionne, elle considère à 85 % que l’homosexualité est une manière comme une autre de vivre sa sexualité. Ce chiffre n’était que de 67 % il y a vingt ans. »
Un sentiment de discrimination largement répandu
Si la société devient globalement plus ouverte, « le sentiment de discrimination » s’avère pourtant largement répandu alerte Anne Brunner. « Une personne sur cinq dans la population, âgée de 18 à 49 ans, dit avoir subi au moins une discrimination au cours des cinq dernières années, d’après les chiffres récoltés par l’Ined et l’Insee. » Pour les descendants d’immigrés, ce chiffre monte à 28 %, et à 32 % pour les personnes nées Outre-mer.
Actes racistes en hausse
Par ailleurs, la publication de l’Observatoire des inégalités relève une augmentation des actes racistes. En 2015, 11 600 faits ont été signalés par le ministère de l’Intérieur. Leur nombre est passé à 12 500 en 2022. Quant aux cas les plus graves, les crimes et délits, ils ont augmenté de 29 % depuis 2017.
Jeunes femmes plus souvent victimes
Le rapport donne également plusieurs chiffres concernant l’insécurité liée aux discriminations. « Les violences sexistes, racistes et homophobes sont de plus en plus dénoncées, témoigne la directrice des études. Et les jeunes femmes s’avèrent par ailleurs beaucoup plus souvent victimes. »
7,7 % des femmes de 18 à 75 ans rapportent avoir subi au moins « un comportement discriminatoire » au cours des années 2019 et 2020, selon l’Insee. « Une part deux fois plus importante que celle des hommes dans ce cas, qui s’élève à 3,8 %. »
Refus de soins
Concernant le sujet de la santé, l’organisme insiste sur les discriminations dont sont victimes les étrangers sans papiers de la part de certains médecins. « Alors même que leurs soins sont censés être pris en charge à 100 % par l’Etat. » Ces faits, « souvent exprimés de manière explicite de la part des praticiens », sont par ailleurs « probablement sous-estimés ».
Violences insupportables de la part d’universitaires
Louis Maurin, le directeur de l’observatoire, tient à revenir sur les auteurs de discriminations. « Ce comportement injustifiable vient d’une minorité de personnes. Notamment d’universitaires, puisqu’il a été démontré que parmi les étudiants en licence qui demandent à des enseignants responsables de masters comment candidater, ceux qui portent un nom d’origine maghrébine ont 13 % moins de chances d’obtenir une réponse. »
Ce comportement concerne « également des médecins quand il s’agit de refus de soins, des propriétaires immobiliers, des employeurs… Leur nombre s’avère certes restreint. Mais leurs actes ont des effets significatifs sur les chances des personnes concernées, qui vivent là une course d’obstacles à toutes les étapes de leur vie. Or il faut le rappeler avec force : ces comportements sont d’une violence insupportable. Et ils sont interdits par la loi ».