« Les salariés de l’aide à domicile, grands oubliés de la prime-covid »

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Alors que les salariés des Ehpad ont touché une prime-covid de 1000 ou 1500 euros (zone verte ou rouge), les salariés des services d’aide à domicile attendent toujours et pourraient ne rien toucher. Avec sept fédérations** du secteur médico-social, la FEHAP est mobilisée pour obtenir gain de cause. Son directeur général, Antoine Perrin, estime qu’il s’agit d’une « injustice terrible » et dit continuer à faire pression auprès des pouvoirs publics. Il se dit par ailleurs « dubitatif » face aux financements annoncés pour la 5èmebranche de la Sécurité sociale pour l’autonomie des personnes âgées et handicapées. La FEHAP regroupe des établissements du médico-social à but non lucratif : associations, fondations et mutuelles.

– La FEHAP réclame en vain que les salariés de l’aide à domicile qui se sont mobilisés pendant la crise sanitaire reçoivent les mêmes primes que ceux travaillant en Ehpad (1500 euros en zone rouge-1000 euros en zones vertes). Comment se fait-il que ces salariés soient oubliés par les pouvoirs publics ?

C’est une injustice terrible. Nous sommes furieux. Avec sept autres fédérations du secteur médico-social nous avons fait un communiqué en date du 16 juin pour dénoncer cette situation. Les salariés concernés sont ceux travaillant dans les SAAD (Services d’aide et d’accompagnement à domicile), soit les aides soignantes et les auxiliaires de vie (les infirmiers travaillant à domicile ont touché la prime car ils relèvent de l’assurance- maladie). Aujourd’hui, ce sont 100 000 personnes qui ont aidé et soutenu des personnes âgées ou handicapées pendant l’épidémie, en prenant des risques pour elles-mêmes et leurs proches, qui n’ont pas la reconnaissance de la nation.

La difficulté vient du fait que les SAAD dépendent des départements. C’est donc à eux de prendre en charge cette prime. Mais, dans les faits, il y a des disparités : certains départements refusent carrément en se tournant vers l’Etat ; d’autres versent une prime mais d’un montant bien inférieur à 1000 ou 1500 euros, plutôt aux alentours de 500 euros. Dans l’ensemble, très peu de départements ont donné une prime. C’est très difficile pour les salariés en question. Dans les territoires, les gens se connaissent. Suivant que vous avez travaillé en Ehpad ou à domicile, vous n’être pas traité de la même façon. Nous continuons à écrire aux pouvoirs publics et à faire pression.

– Que pensez-vous de la création en cours d’une cinquième branche de la Sécurité sociale pour l’autonomie des personnes âgées et handicapées ?

C’est une très bonne nouvelle. Mais tout dépendra de l’ambition qui accompagne cette 5èmebranche. Pour l’heure, nous sommes dubitatifs. Notre fédération est sur la ligne du rapport de Dominique Libault de mars 2019 qui estime le besoin de financement supplémentaire à 6 milliards d’euros par an à partir de 2024 puis à 10 milliards d’euros par an à partir de 2030. Or, les financements annoncés sont bien inférieurs : 2,3 milliards d’euros par an à partir de 2024, provenant de 0,15 points de CSG ; et 1 milliard d’euros dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2021. On est loin du compte. Nous attendons pour nous prononcer plus avant le rapport qui doit être remis au Parlement par Laurent Vachey mi-septembre. 

En dehors de l’aspect financement, nous sommes favorables à ce que la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) pilote cette 5èmebranche. Actuellement, 66 milliards d’euros sont consacrés aux personnes âgées et handicapées chaque année. Mais ces sommes sont dispersées entre l’Etat, les départements et la Sécurité sociale. Le fait d’avoir un pilotage en un seul lieu va permettre de vraiment réfléchir à la notion d’autonomie et d’adapter les aides. En outre, les dépenses et les recettes de cette 5èmebranche seront intégrées au PLFSS, ce qui permettra d’en débattre. Pour les citoyens, l’autonomie va émerger aux côtés de l’assurance maladie et des retraites. C’est une étape importante, une adaptation de la Sécurité sociale de 1945 aux enjeux de notre époque.

– Quelle est votre regard sur la crise sanitaire que nous venons de traverser et qui n’est pas terminée ?

C’est un grand et long séisme dont on sort plein de blessures et plein d’enseignements. Notre fédération couvre tout le champ de la santé à travers des hôpitaux, des Ehpad, du service à domicile ou encore des centres de santé. Nous avons vu les personnes âgées en Ehpad souffrir de l’isolement. Nous avons vu des drames. Mais nous sortons renforcés car convaincus par les vertus de notre modèle privé non lucratif. Relevant du privé, chacune de nos structures est autonome et on a assisté à une grande capacité d’adaptation. En Ile-de-France, les capacités de lits de réanimation ont été doublées en une semaine. Reposant sur un fonctionnement non lucratif, solidaire, avec mission de service public, nos structures ont aussi fait preuve de beaucoup d’humanité. Nos Ehpad ont su se confiner très tôt tout en trouvant des solutions pour les visites des familles. 

* La FEHAP regroupe des établissements et services sanitaires, sociaux et médico-sociaux du secteur privé non lucratif, parmi lesquels 1600 associations, fondations et organismes mutualistes. Elle représente 280 000 salariés, soit 12% des salariés de l’Economie sociale et solidaire (ESS).

** Adédom, ADMR, Fédésap, Fédération du Service aux Particuliers, FNAAFP/CSF, Synerpa, UNA