Les déclarations du gouvernement sur la pertinence de la prise en charge des affections de longue durée (ALD) ont fait réagir. Le 4 mars 2024, vingt-cinq associations de malades chroniques ont adressé une lettre ouverte à Frédéric Valletoux, le ministre délégué chargé de la Santé et de la Prévention. Retour sur ces annonces et sur ce texte avec Bruno Lamothe, le responsable du pôle plaidoyer de Renaloo, association de patients atteints de maladies rénales.
Une mission a été confiée par le gouvernement à l’Inspection générale des affaires sociales et à l’Inspection générale des finances pour « réinterroger la définition et les modalités de prise en charge médicale et de couverture des patients atteints d’affection de longue durée ». Qu’en sait-on aujourd’hui ?
Bruno Lamothe : La Caisse nationale de l’assurance maladie a été missionnée pour proposer des solutions d’économies liées aux ALD sous un mois. On ignore ce que souhaite favoriser le gouvernement. Mais on connaît les scénarios envisagés. Il peut s’agir de sortir certaines maladies de la liste de ALD, comme ce fut le cas pour l’hypertension artérielle en 2011. Ou de sortir certains soins des ALD. Un dernier scénario viserait à restreindre l’accès aux ALD de certaines maladies psychiatriques ou pathologies « hors liste », qui, par définition, ne sont pas considérées comme telles.
Le ministre de l’Economie Bruno Le Maire a assuré, le 30 mars dernier, que le gouvernement ne chercherait pas à faire des économies sur la prise en charge des ALD. Que pensez-vous de cette déclaration ?
B. L. : Les annonces sont incohérentes entre elles. Des missions ont été lancées… Notre vigilance est intacte. Et nous refusons que, sous quelque forme que ce soit, les patients payent l’addition…
Quelles pathologies pourraient être retirées de la liste des 30 ALD ?
B. L. : Différentes instances pointent régulièrement du doigt un certain nombre de pathologies qui ne sont pas vitales, comme les pathologies mentales. Car elles coûtent cher et elles ne sont pas documentées. Mais il faut trouver des économies ailleurs. On n’a jamais investi dans la prévention et le dépistage. Il est normal que ces ALD coûtent cher. Pour certaines pathologies, comme le diabète ou le cancer, on n’en arriverait pas à ce stade si elles étaient dépistées et ralenties à temps. Il faut des systèmes à la hauteur des enjeux. Cela demande des investissements sur du moyen et du long terme.
Quels sont les risques de déremboursement des ALD ?
B. L. : Le risque prégnant, c’est plus d’injustices. Aujourd’hui, le mécanisme des ALD couvre relativement bien les personnes concernées. Mais avec des restes à charge très importants et des manquements. Beaucoup de patients renoncent, volontairement ou pas, à ce mécanisme. Car il y a une vraie méconnaissance de ce système, qui relève du savoir du médecin. Comme beaucoup de malades n’ont pas de médecin traitant, ils n’ont pas accès aux ALD.
Et ils sont traités de façon chronique. Ces situations concernent davantage les personnes précaires, économiquement ou socialement. Cette remise en cause des ALD, quoi qu’il arrive, ferait beaucoup de mal. Elle va éloigner des personnes du soin. C’est le cas à chaque fois qu’on remet en cause un dispositif.
Dans votre lettre ouverte, vous évoquez « des possibilités d’économies massives », qui supposent notamment de « s’opposer à la financiarisation du système de santé ». Pouvez-vous développer ?
B. L. : Encore une fois, on tape sur les patients en les accusant de coûter cher. Mais ce qui coûte cher, c’est la financiarisation du système de santé. Avec de grosses structures qui investissent beaucoup et qui ont besoin de rentabilité. Il y a une solution : prioriser l’efficacité, donc la pertinence des soins.
En ce qui concerne les maladies rénales, il y a deux moyens de suppléance : la dialyse et la greffe. La première coûte 63 000 euros par an à la Sécurité sociale ad vitam. C’est le mode de suppléance le plus onéreux en Europe. La greffe, elle, coûte beaucoup moins cher : 40 000 euros l’année de l’opération, puis 11 000 euros les suivantes. Mais les pouvoirs publics ont tout axé autour de la dialyse. Avec des structures essentiellement privées et lucratives qui font des marges importantes. En 2019, la Cour des comptes chiffrait ces marges à 16 %.