Transferts de charges, « 100 % santé »… Cyril Frizon, directeur de la Mutuelle des services publics (MSP), nous explique les hausses des cotisations mutualistes.
En 2022, la cotisation à la Mutuelle des services publics a augmenté de façon significative. Quelle en est la raison ?
Cyril Frizon : Avant tout, il est important de rappeler que les cotisations des mutuelles sont leurs seules ressources. Notre objectif n’est pas de faire du profit. Quand une mutuelle augmente ses cotisations, cela répond à un besoin. Nous sommes confrontés depuis plusieurs années aux transferts de charges de l’assurance maladie vers les mutuelles. Pour compenser ce que l’on appelle « le trou de la Sécurité sociale », progressivement, de plus en plus de remboursements sont à la charge des mutuelles.
Si les prestations remboursées sont supérieures aux cotisations encaissées, nous n’avons pas d’autre choix que d’en augmenter le montant. Il faut toutefois garder à l’esprit que ce trou de la Sécu est dû à la fois à la hausse du volume de soins, mais aussi et surtout à la réduction des contributions patronales sur les salaires. Il y a donc une orientation politique qui amène à faire peser encore davantage de charges sur les mutuelles.
A combien peut-on estimer ces transferts de charges ?
C. F. : Dans le projet de budget 2023, 150 millions d’euros de remboursements vont basculer de la Sécu vers les complémentaires santé. A cela s’ajoute la mise en place du reste à charge zéro (Rac 0), qui, depuis deux ans, a eu un impact très net pour nous. Une communication trompeuse, avec le terme « 100 % santé », laisse penser que la Sécu couvre la totalité des soins en optique, dentaire et audioprothèses. Or, dans le cadre du Rac 0, ce sont les mutuelles qui remboursent la majorité des frais, entre 60 et 95 % selon les prestations. Ce qui implique que les cotisations des adhérents paient l’essentiel du 100 % santé.
De plus, pendant la crise du Covid, l’ensemble des soins médicaux ont été moins nombreux en raison des confinements. Pour la Mutuelle des services publics, cela a représenté une baisse de 8 % des prestations en 2020. Cette diminution a servi de prétexte au gouvernement pour appliquer une taxe Covid aux mutuelles. Mais, dès 2021, le recours aux soins est reparti à la hausse, notamment sur le volet du Rac 0. Notre excédent de 2020 ayant été absorbé par une taxe, nous avons dû anticiper face à ces dépenses accrues et augmenter la cotisation en 2022 pour rééquilibrer.
Les frais de fonctionnement ou les réserves financières dont vous devez disposer ont-ils aussi une part dans ces augmentations ?
C. F. : L’essentiel est dû aux prestations. Pour résumer, 14 % de nos cotisations sont prélevés par l’Etat. Sur les 86 % restants, plus de 80 % sont destinés aux soins et aux prestations. Nous observons que ces dépenses, surtout celles liées au Rac 0, restent élevées. Les prévisions actuelles nous amènent à penser que nous devrons de nouveau procéder à une hausse.
Quant aux réserves financières, c’est souvent un argument pour attaquer les mutuelles, comme si nous avions un « matelas d’or ». Mais c’est une obligation légale pour atteindre les critères de solvabilité requis. Cet argent pourrait être utile à autre chose, mais la réglementation nous impose de détenir ces réserves. Nous devons les prendre compte, et une part des cotisations leur est attribuée.
Quelles seraient les pistes pour limiter les hausses de cotisations ?
C. F. : Les augmentations sont avant tout contraintes par des choix politiques. La santé devrait être considérée comme un produit de première nécessité. Si nous n’étions pas taxés à 14 %, nous n’aurions pas à faire des augmentations. Nous demandons régulièrement que cette taxe soit réduite au moins de moitié, voire supprimée, que cessent les transferts de charges et que des ressources soient allouées à la Sécurité sociale pour qu’elle assume son rôle. Ce sont des choix de société et ils ne sont pas faits.
PROPOS RECUEILLIS PAR JAN-CYRIL SALEMI