« Le recours à l’intérim est l’une des principales causes des accidents du travail » : Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT

Sophie Binet est la nouvelle secrétaire générale de la CGT © Jean Nicholas GUILLO/REA
Sophie Binet est la nouvelle secrétaire générale de la CGT © Jean Nicholas GUILLO/REA

[ILS L’ONT DIT] Nouvellement élue à la tête de la Confédération générale du travail (CGT), Sophie Binet compte bien faire entendre les positions de l’organisation syndicale dans le débat public. A l’occasion d’une rencontre avec l’Association des journalistes de l’information sociale (AJIS), la secrétaire générale a détaillé les priorités de son syndicat en matière de politique de santé.

« La France enregistre de tristes records à l’échelle européenne en ce qui concerne le nombre d’accidents du travail. » Interrogée sur les priorités de la Confédération générale du travail (CGT) sur les questions de santé, Sophie Binet rappelle les résultats de la récente étude dévoilée par le ministère du Travail. En 2019, 783 600 accidents du travail ont été recensés. Soit plus de 2 500 par jour travaillé.

« Bien trop peu de prévention »

Devant l’Association des journalistes de l’information sociale (AJIS), la nouvelle secrétaire générale du syndicat détaille les revendications de son organisation sur ce sujet, notamment dans le domaine de la construction, des bâtiments et travaux publics. En 2019, dans ce secteur, 176 décès ont été causés par des accidents du travail. « Il y a bien trop peu de prévention », martèle Sophie Binet.

Six à sept niveaux de sous-traitance sur les chantiers du Grand Paris

« Nous connaissons les causes de l’explosion des accidents du travail et de la mortalité dans le secteur du BTP. L’un des principaux problèmes est celui de la sous-traitance en cascade. Sur les chantiers du Grand Paris, il peut ainsi y avoir jusqu’à six à sept niveaux de sous-traitance. Ce qui occasionne un fractionnement du travail. Or dans la construction, le collectif s’avère naturellement primordial. Mais les gestes professionnels ne peuvent pas être travaillés collectivement. Le deuxième effet direct est le turn-over des intérimaires, un facteur particulièrement accidentogène. »

Jusqu’à 40 % d’intérimaires sur une ligne de production

Sophie Binet insiste sur le sujet de l’intérim, qui est loin de concerner uniquement le secteur du bâtiment. « Il y a aujourd’hui 20 à 40 % d’intérimaires sur une ligne de production. Aussi bien dans le secteur de l’automobile que dans l’agroalimentaire… Ceci entraîne un problème de responsabilité. Notamment en ce qui concerne les plans de prévention qui, du fait de leur segmentation, ne portent pas sur l’ensemble des équipes. »

Montrer l’exemple

« A la CGT, nous pensons qu’il faut limiter à un seul niveau de sous-traitance. Cette décision doit être encadrée légalement. L’Etat doit commencer à montrer l’exemple, notamment dans le secteur de la construction qui dépend essentiellement de la commande publique. Ainsi, dans le cadre des appels d’offres, une condition doit être fixée pour contraindre à un seul niveau de sous-traitance. Ceci ferait déjà avancer les choses. »

Représentants du personnel

Parmi les autres sujets sanitaires prioritaires, Sophie Binet pointe celui de la santé mentale. « La face cachée de l’iceberg. Les arrêts maladie continuent d’exploser. Les burn-out également. Mais les représentants du personnel ont vu leurs moyens d’enquêtes et de prévention s’affaiblir considérablement… Il y a aussi la question du harcèlement sexuel. Il n’y a pas encore eu de changements à la hauteur dans les entreprises et au travail. »

Pas de vraies mesures contre le harcèlement sexuel

« Depuis le mouvement MeToo, les femmes sont plus nombreuses à venir nous voir pour dénoncer les violences qu’elles ont subies. Cependant, il y a toujours aussi peu de politique publique de prévention. Et ce n’est plus tolérable. Toutes les organisations syndicales veulent mettre en place une séance tripartite entre le gouvernement, le patronat et les syndicats pour lancer de vraies mesures contre les violences sexistes et sexuelles au travail. »

Poly-fracturés

Ancienne conseillère principale d’éducation (CPE), la responsable syndicale s’est également exprimée sur le manque de moyens dans les lycées professionnels, établissements où elle a longtemps exercé. Sophie Binet a appuyé sur les besoins en termes d’encadrement socio-éducatif, pour accompagner les jeunes en difficultés. « Bon nombre d’entre eux ont vécu des situations extrêmement violentes et sont aujourd’hui poly-fracturés. Il faut donc beaucoup plus d’infirmières, d’assistantes sociales, pour les encadrer correctement. »

Aide sociale à l’enfance

« L’une des choses qui me révolte le plus, c’est de voir la situation de l’aide sociale à l’enfance. Aujourd’hui, les situations urgentes sont clairement identifiées. Mais nous ne sommes pas capables d’y répondre. Ces enfants sont donc maintenus dans leurs familles malgré les violences qu’ils peuvent y subir. Ou placés dans des foyers avec des taux d’encadrement insuffisants. »