L’aide médicale d’Etat rétablie par les députés

Le 29 novembre, les députés ont supprimé l’article introduit par les sénateurs qui entendait transformer l’aide médicale d’Etat (AME) en une simple aide médicale d’urgence (AMU), dans le projet de loi « immigration ». ©123RF

Réunis en commission mercredi, les députés ont majoritairement rejeté l’article sur la suppression de l’aide médicale d’Etat votée par les sénateurs le 7 novembre. 

SOS médecins, France asso santé, la Fédération des mutuelles de France (FMF)… Ces dernières semaines, de nombreuses voix se sont élevées pour défendre l’aide médicale d’Etat (AME), qui permet aux étrangers en situation irrégulière d’accéder gratuitement aux soins. La suppression de ce dispositif, pour le transformer en aide médicale d’urgence (AMU) plus restrictive, avait été introduite puis votée, par le Sénat, le 7 novembre, dans le cadre du débat parlementaire consacré à la loi sur l’immigration. 

Si son rejet par les députés était attendu, cet article a permis, une nouvelle fois, de replacer l’AME au cœur des débats. Dans une tribune publiée dans Le Monde début novembre, des milliers de soignants avaient réclamé son maintien. Selon eux, « restreindre l’accès aux soins à une population fragilisée sur la base d’un critère de régularité de séjour est contraire à la majorité des textes en France sur les droits de l’homme ». En effet, la législation stipule que, dans notre pays, tout individu doit pouvoir se faire soigner. Et ce, « quels que soient son origine et son statut ». 

Instrumentalisation de la médecine    

De son côté, la fédération SOS médecins avait indiqué qu’elle refusait « l’instrumentalisation de la médecine » menée « dans le cadre d’une politique migratoire ». Et de rappeler que ses médecins avaient toujours soigné les patients « sans discrimination, 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24 » et qu’ils continueraient à le faire. 

Les opposants à la suppression de l’aide médicale d’Etat se sont également attaqués à l’argument économique selon lequel le dispositif serait trop onéreux pour la collectivité. « Le coût de l’AME représente seulement 0,4 % des dépenses de santé », avait par exemple rappelé l’association France Assos santé dans un communiqué. Au contraire, le démantèlement du dispositif « entraînerait des retards de diagnostics et, in fine, des soins bien plus coûteux ».

L’AME a effectivement démontré son utilité : selon une étude de l’Institut de recherche et de documentation en économie de la santé (Irdes) publiée cet été, elle permet un meilleur suivi des bénéficiaires et limite leur renoncement aux soins. Ce qui les préserve de l’aggravation de leurs pathologies. 

Mise en danger de la population

Pour la Fédération des Mutuelles de France (FMF), faire disparaître « ce dispositif humanitaire minimal » mettrait « en danger toute la population » en contribuant à la dégradation de la santé publique et à la fragilisation d’un système de santé déjà bien mal en point. Ce risque, une large majorité de la population l’a bien compris : selon une enquête récente du CSA pour Médecins du monde ,« 61% des personnes interrogées sont favorables au maintien de l’AME », précise la FMF.

Si, aujourd’hui, tous ces arguments semblent avoir été entendus par les députés, la partie est toutefois loin d’être gagnée pour les défenseurs de l’aide médicale d’Etat. Un (énième) rapport sur l’efficacité du dispositif, le rapport Stéfanini-Evin, doit être remis très prochainement au gouvernement. Bien que ses premières conclusions, présentées début novembre à la Première ministre, semblent positives, il pourrait bien conduire à des aménagements plus ou moins restrictifs, dans un texte spécifique.