L’Observatoire des inégalités vient de publier un nouveau rapport sur la pauvreté, dont le taux n’a « pas baissé en France depuis trente-cinq ans ». L’étude alerte par ailleurs sur la part croissante des jeunes adultes qui sont aujourd’hui dans cette situation. Louis Maurin, président de l’organisme indépendant, détaille les points clés du document.
« En France, il n’existait aucun document rassemblant des éléments factuels sur la pauvreté. Nous avons donc décidé d’y remédier en éditant, tous les deux ans, un rapport complet sur le sujet. » Louis Maurin dirige l’Observatoire des inégalités, un organisme indépendant qui vient de publier la troisième édition d’une étude sur la pauvreté.
Une étude indépendante
L’indépendance de la structure, et donc du document, s’avère essentielle pour le directeur de cet observatoire. « Nous ne sommes pas un organisme institutionnel. Et ce rapport n’a été commandé par personne. Nous imaginons bien que les pouvoirs publics doivent le consulter. Mais il a vocation à être utilisé par le plus grand nombre : associations, enseignants, partis politiques, chercheurs, citoyens… bien au-delà de la sphère gouvernementale. Contrairement aux rapports institutionnels qui terminent souvent au fond d’un tiroir… ». Plusieurs associations, dont la Fondation Abbé-Pierre, et des particuliers ont participé à son financement.
Politiques publiques
« Nous espérons que le lecteur trouvera des éléments (…) pour mieux comprendre la société dans laquelle nous vivons. Et qu’il y puisera la volonté d’en débattre. Et de faire pression pour que la justice sociale progresse. Contre la pauvreté, l’information est une arme. » En préambule du document, ses auteurs en détaillent les objectifs. « Nombreux sont celles et ceux qui demeurent convaincus que pour combattre la pauvreté, nous avons plutôt besoin de politiques publiques à la hauteur. » En près de 100 pages, l’étude cherche à « bien mesurer le phénomène ».
Comprendre la pauvreté
L’Observatoire des inégalités a travaillé à partir des données de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee). Mais aussi des informations apportées par les associations caritatives, comme le Secours catholique. La particularité de l’Observatoire des inégalités est de définir un seuil de pauvreté à 50 % du niveau de vie médian. Alors que la limite la plus souvent employée en France est à 60 %. Or, pour l’association, ce choix a pour conséquence « d’offrir une vision extensible de la pauvreté, qui rassemble des gens trop différents. Nous considérons que le fait d’exagérer la pauvreté n’aide pas à la comprendre », indique Louis Maurin.
4,8 millions de personnes pauvres
L’un des principaux points remontés par cette étude est la stabilisation de la pauvreté. « Les données de notre rapport ne font pas apparaître une explosion récente de la pauvreté. Les chiffres ont plus ou moins été les mêmes au cours des trente-cinq dernières années. » Depuis le début des années 2000, le taux de pauvreté oscille en effet entre 6,5 % et 8,5 % de la population française. Cette dernière édition fait état de 4,8 millions de personnes pauvres. « Autrement dit, 7,6 % de la population vit aujourd’hui sous le seuil de pauvreté. »
« Vivre avec 300 ou 400 euros par mois, parfois moins »
Le rapport met également en évidence l’importance de la « grande pauvreté », qui concerne aujourd’hui 2 millions de personnes. « Ceux qui vivent avec très, très peu, 300 ou 400 euros par mois, parfois moins, sont des centaines de milliers. Et ils n’apparaissent presque jamais dans les compteurs officiels. »
Les jeunes de plus en plus touchés
Autre donnée édifiante, la proportion des jeunes en situation de pauvreté. « En premier lieu, les jeunes adultes (de 18 à 29 ans), catégorie d’âge pour laquelle la progression a été la plus forte ces quinze dernières années. Leur taux de pauvreté a augmenté de 8,4 % à 12,3 % entre 2004 et 2019. Soit une progression de quatre points » en quinze ans.
Fracture du diplôme
A chaque édition, l’association s’intéresse aux facteurs sociologiques de la pauvreté. Les inégalités sociales pèsent en effet lourdement sur ce phénomène. « Contrairement à une idée répandue, la pauvreté ne frappe pas au hasard. Le risque d’être sans argent est très différent d’un milieu social à l’autre. (…) Les personnes pauvres sont le plus souvent issues des milieux populaires. » La situation professionnelle est en effet déterminante.
« Etre pauvre, c’est avant tout ne pas avoir de travail ou n’avoir qu’une miette d’emploi, mal rémunéré. » L’accès aux études et aux diplômes s’avère donc prépondérant. Ainsi, selon le rapport, « 80 % des personnes pauvres ont, au mieux, un baccalauréat. Les cadres supérieurs ne représentent que 7 % de la population qui vit sous le seuil de pauvreté. La France est marquée par cette fracture du diplôme ».
Des inégalités dans l’accès aux soins
En termes d’inégalités, l’observatoire met également en lumière celles concernant la santé. « De plus en plus de personnes ont du mal à accéder à des soins de qualité dans des délais raisonnables. Et cette situation ne se rencontre pas seulement dans des milieux ruraux. Au regard de la densité médicale, les déserts médicaux se trouvent aussi dans des zones urbaines. Il y a de fortes inégalités dans la qualité et la rapidité des soins. » Louis Maurin insiste sur le fait que notre système de soins se retrouve, lui aussi, face à une société inégale.