Jeunes et éducation sexuelle : peut mieux faire

Selon une étude publiée par l’OMS Europe, un tiers des adolescents de 15 ans déclarent ne pas avoir utilisé de préservatif ni de pilule contraceptive lors de leur dernier rapport sexuel. © 123 RF
Selon une étude publiée par l’OMS Europe, un tiers des adolescents de 15 ans déclarent ne pas avoir utilisé de préservatif ni de pilule contraceptive lors de leur dernier rapport sexuel. © 123 RF

Selon une étude publiée par l’OMS Europe, un tiers des adolescents de 15 ans déclarent ne pas avoir utilisé de préservatif ni de pilule contraceptive lors de leur dernier rapport sexuel. Une baisse préoccupante, à l’heure où les infections sexuellement transmissibles, elles, progressent. Suzanne Hammen, sage-femme et coordinatrice d’un centre de santé sexuelle, intervient dans les collèges et lycées pour sensibiliser les jeunes à la santé sexuelle.

Comment expliquer la baisse de l’utilisation des préservatifs chez les jeunes ?

Suzanne Hammen : Le problème est plus global. Il vient d’un manque d’information sur la sexualité, au-delà de l’usage des préservatifs. En France, la loi impose trois séances annuelles d’éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle (EVARS) dans les écoles, collèges et lycées. Mais elle n’est pas respectée. Ces séances sont pourtant essentielles pour mener des actions de prévention.

Pourquoi la loi n’est-elle pas appliquée ?

S. H. : Le principal obstacle est le manque de ressources humaines. Actuellement, ces séances sont dispensées par les centres de santé sexuelle, anciens centres de planification (CPEF), qui dépendent des collectivités ou de fondations, mais ces structures ne peuvent répondre à toutes les demandes, ni couvrir l’ensemble du territoire. Une solution serait de former des enseignants afin qu’ils puissent aussi animer ces ateliers, et diversifier ainsi les intervenants.

Les jeunes se sentent-ils concernés par la santé sexuelle ?

S. H. : Dans nos ateliers, nous observons qu’ils connaissent mal les infections sexuellement transmissibles (IST), qu’ils associent souvent au VIH, mais avec une confusion sur les modes de transmission. Pourtant, ces infections persistent, et il est crucial de continuer à se protéger.

L’exposition précoce à la pornographie peut-elle aussi expliquer cette baisse ?

S. H. : Effectivement, dans la pornographie, il n’y a pas d’attention particulière au préservatif, mais le problème est plus global. Il s’agit aussi de lutter contre la désinformation sur les réseaux sociaux. Mon travail quotidien consiste à créer des espaces de dialogue bienveillants où ils peuvent poser leurs questions, car ils ne savent souvent pas vers qui se tourner.

Cette baisse de l’usage des préservatifs entraîne-t-elle une hausse des IST ?

S. H. : Il est difficile d’établir un lien direct, mais on observe en effet une recrudescence des IST comme la gonorrhée, la chlamydia et la syphilis, tant au niveau global que chez les jeunes.

Depuis janvier 2023, le préservatif est gratuit en pharmacie pour les moins de 26 ans. Quel est le bilan de cette mesure ?

S. H. : Le bilan est positif : de plus en plus de jeunes sont informés de la gratuité, et la gamme des préservatifs disponibles est passée de deux à quatre marques, incluant aussi les préservatifs « internes », le nouveau nom donné aux préservatifs féminins.

Quelles sont les récentes mesures mises en place pour améliorer l’accès à la santé sexuelle chez les jeunes ?

S. H. : Plusieurs mesures complémentaires ont été adoptées. Depuis le 1er septembre, les jeunes de moins de 26 ans peuvent se rendre en laboratoire pour un dépistage sans ordonnance, mesure initialement réservée au VIH élargie à l’hépatite B, la chlamydia, la gonorrhée et la syphilis. Depuis 2022, la contraception, incluant la pilule, l’implant et les dispositifs intra-utérins, est entièrement remboursée par la Sécurité sociale, de même que les consultations en santé sexuelle et certains actes de laboratoire. Enfin, la pilule d’urgence est gratuite et accessible sans ordonnance pour les mineures, depuis janvier 2023.

Quelle est l’approche idéale pour aborder la santé sexuelle auprès des jeunes ?       

S. H. : Il est important de ne pas se concentrer uniquement sur les risques. Une approche positive de la sexualité est nécessaire, en équilibrant la prévention avec des discussions sur la puberté, le consentement, le plaisir, l’identité de genre ou l’orientation sexuelle. La prévention reste essentielle, mais la sexualité englobe bien plus que cela.

Gabrielle Villa