Le gouvernement vient d’annoncer des mesures en faveur de la dépendance qui devraient se concrétiser, après concertation, dans un rapport remis au Parlement avant le 30 septembre prochain et figurer dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (Plfss) pour 2021. D’ores et déjà, il est acté qu’un financement de 2,3 milliards d’euros issu de la Csg sera fléché sur la dépendance à partir de 2024. Reste à trouver les moyens complémentaires, sachant que les besoins sont estimés à 6 milliards d’euros à partir 2024 et à 9 milliards d’euros à partir de 2030. Pour le député socialiste Boris Vallaud, cette annonce est « une bonne nouvelle » même s’il faut attendre les contours du rapport. Représentant le groupe socialiste à la commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale, il estime qu’il faut aller vers une véritable branche de la Sécurité sociale pour sanctuariser les moyens alloués à ce nouveau risque.
Après avoir été sans cesse repoussée, l’annonce d’une 5e branche de la Sécurité sociale consacrée à la dépendance est de retour, en réponse à la tragédie des Ehpad. Qu’en pensez-vous ?
La grande loi sur la dépendance, on l’attendait pour décembre dernier. Et, à la place, on a eu la réforme des retraites. Alors, bien sûr, cette annonce de la création d’un 5e risque ou d’une 5e branche dans le prochain Plfss est une bonne nouvelle. Reste à connaître les contours du rapport que le gouvernement s’est engagé à remettre au Parlement au plus tard le 30 septembre.
Il est évident que l’absence de loi sur la perte d’autonomie et donc l’insuffisance des moyens alloués à ce secteur a eu une incidence sur la tragédie des Ehpad que nous venons de traverser. Les députés socialistes avaient alerté en rédigeant un document en date du 22 octobre 2019 Hôpital et autonomie : un plan d’urgence, dans lequel nous avions bien conscience du manque de personnel dans les maisons de retraite.
5e risque ou 5e branche ?
Un 5e risque renvoie à une mesure dont le financement relèverait de l’impôt. Notre préférence va à une 5e branche. Car c’est dans la logique de la Sécurité sociale de protéger contre les risques de la vie, le vieillissement de la population donnant à ce risque-là une acuité nouvelle.
Par ailleurs, une 5e branche, c’est un financement sanctuarisé. Si celui-ci relevait du budget de l’Etat, il pourrait être revu à la baisse. Même si c’est un financement insuffisant, c’est une bonne chose que soit acté qu’une fraction de 0,15 point de Csg, correspondant à 2,3 milliards d’euros, ira financer la dépendance chaque année à partir de 2024, au lieu d’être consacrée au remboursement de la dette de la Sécu à la Cades. C’est un début.
En outre, nous sommes favorables à une 5e branche car cela implique de tenir compte des fondements de la Sécurité sociale, soit la présence des partenaires sociaux et la notion de solidarité.
Selon le rapport Libault remis au gouvernement en mars 2019, le besoin de financement pour la dépendance est estimé à 6 milliards d’euros par an à partir de 2024 et à 9 milliards d’euros par an à partir de 2030. Quelles sont les pistes que vous préconisez pour compléter le financement annoncé ?
Tout d’abord, il n’y a pas de raison que la dette générée par les mesures du gouvernement pour faire face à la crise du Covid-19 pèse sur la Sécurité sociale. On annonce un déficit de la Sécu de 41 milliards d’euros en 2020 alors que ce dernier devait s’établir à moins de 2 milliards d’euros. Il a ainsi été annoncé que la dette de la Sécu, qui devait s’éteindre en 2024, va être prorogée jusqu’en 2033 à la Cades. Nous nous opposons à cette décision, car cela implique moins de marges de manœuvre pour l’hôpital et la dépendance.
Nous pensons que pour trouver le complément de financement, il faut regarder du côté des recettes. Ainsi, il faut rétablir l’Isf, supprimer la « flat tax », s’attaquer à l’optimisation fiscale, car 40 % du chiffre d’affaires des multinationales est optimisé dans des paradis fiscaux, et augmenter les droits de succession des tranches supérieures. En revanche, nous ne sommes pas favorables à un nouveau jour de solidarité qui serait une solution pesant sur les salariés. Et il n’est pas question que cette réforme aboutisse à la mise en place d’un socle minimal complété par une assurance privée obligatoire, ce qui serait profondément inégalitaire.
Il faut aussi avoir à l’esprit que les recettes de la Sécu, c’est l’emploi. Ainsi, dans quelques jours, nous allons proposer un plan de relance de court terme avec des propositions vertes et solidaires.
Il y a un an, un consensus s’était fait autour du rapport Libault. Mais ne pensez-vous pas que la crise du Covid-19 oblige à repenser la prise en charge du grand âge ?
En effet. Cette crise a été comme un chaos anthropologique. Elle nous a placés de façon inédite face au mode de vie que la société a inventé pour nos anciens. Un voile s’est levé sur la relégation des personnes âgées. On a vu la distance qui s’était créée entre les générations. La dépendance a une dimension financière, mais c’est aussi une question de regard sur le grand âge.
On peut dire que cette crise nous demande de favoriser davantage le maintien à domicile, l’hospitalisation à domicile et l’habitat partagé. Le tout avec des personnels très formés.
Propos recueillis par Emmanuelle Heidsieck