Urgences à l’agonie : dans les Hautes-Pyrénées aussi

CENTRE HOSPITALIER DE BIGORRE ( TARBES )
« Les urgences et l’hôpital de Tarbes dans son ensemble sont menacés », selon Alain Amaré (union locale CGT). ©Emmanuel Grimault

120 services hospitaliers d’urgences sont contraints de limiter leur activité ou s’y préparent, selon une liste établie par l’association Samu-Urgences de France (SUdF) que l’AFP s’est procurée. Illustration dans le Sud-Ouest, où le service des urgences est fermé la nuit à Bagnères-de-Bigorre et supprimé à la clinique de l’Ormeau. Résultat : les patients affluent aux urgences de Tarbes, où la situation est dramatique. 

Depuis septembre, les urgences de l’hôpital de Bagnères-de-Bigorre sont fermées la nuit. Et celles de la clinique privée de l’Ormeau (groupe Elsan), à Tarbes, ont été rayées de la carte en 2021. Conséquence : les patients affluent vers les urgences de l’hôpital de Tarbes, totalement saturées. « Elles sont souvent le seul recours dans notre département, où 6 000 personnes n’ont pas de médecin traitant, où il manque des généralistes et où il est parfois difficile de se faire soigner, surtout la nuit », explique Jacques Villegas, président de la Mutualité Française dans les Hautes-Pyrénées. Petite précision géographique : au total, 21 kilomètres séparent Bagnères de Tarbes. Le recrutement des urgentistes s’avère lui aussi compliqué. C’est même la raison invoquée par la clinique de l’Ormeau et l’agence régionale de santé (ARS) d’Occitanie pour expliquer la fermeture des urgences ou la réduction des horaires d’ouverture. 

Le personnel est « écœuré »

Depuis ces décisions, « la situation a encore empiré dans les urgences de Tarbes », constate Jean-Marc Michaud, secrétaire du syndicat CGT de l’hôpital. « C’est invivable, poursuit-il. Les patients attendent dans les couloirs, sur des brancards. Nous manquons de lits. Il y a souvent sept ou huit ambulances des pompiers en attente d’être prises en charge. Quant au personnel, il est écoeuré, fatigué. Les salariés des urgences sont rappelés sur leur temps de repos. Ils ne peuvent pas prendre leurs congés. » 

 « Nous vivons un moment dramatique. » 

Jean-Marc Michaud, secrétaire du syndicat CGT de l’hôpital de Tarbes.

La situation est telle que les médecins de ce service ont menacé de démissionner, ce qui a permis une certaine réorganisation, sans toutefois résoudre le problème de fond. « Il faut embaucher à l’hôpital et en particulier aux urgences », revendique Jean-Marc Michaud. Bagnères-de-Bigorre compte une population permanente de 8 000 habitants, mais regroupe jusqu’à 20 000 personnes en période de sports d’hiver ou pendant la saison thermale. De source syndicale, en 2019, les urgences y ont accueilli 8 700 patients, dont 1 000 à 1 500 pendant la nuit. Les accidents de ski l’hiver et de randonnée l’été procurent un travail continu à ce service menacé. 

Ce n’est pas tout : au printemps, quatre lits ont été supprimés définitivement en cardiologie et 20 sur 40 ont été fermés (« jusqu’à nouvel ordre », selon la direction) en soins de suite et de réadaptation. Selon les syndicats, les quatre lits de l’unité neuro-vasculaire (UNV), le service qui prend notamment en charge les AVC, risquent également la fermeture. Et il s’agit de la seule UNV du département.  

Une manifestation d’un millier de personnes 

Pour défendre le service des urgences, une manifestation d’un millier de personnes a eu lieu en juin 2021 dans les rues de la sous-préfecture, à l’appel des syndicats de l’hôpital. L’été dernier, les médecins urgentistes débauchés à la clinique de l’Ormeau sont venus travailler à Tarbes. Cela a permis de maintenir le service de nuit, mais l’expérience n’a pas été reconduite en septembre. « Les urgences et l’hôpital de Tarbes dans son ensemble sont en danger », alarme Alain Amaré (union locale CGT). « Nous vivons un moment dramatique », ajoute Jean-Marc Michaud, particulièrement inquiet pour la période estivale à venir, tant pour les personnels épuisés que pour la prise en charge de la population.

Depuis le 1er janvier, le passage aux urgences est facturé 19,61 euros s’il n’est pas suivi d’une hospitalisation. Une somme non remboursée par la Sécurité sociale et totalement à la charge du patient qui ne possède pas de mutuelle. Par cette mesure, les pouvoirs publics espèrent-ils diminuer la fréquentation des urgences ? Le choix a été fait de dissuader la demande de soins plutôt que d’adapter l’offre aux besoins.