SOS Méditerranée : des témoignages au cœur du réel

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Daouda Traoré, venu témoigner lors du débat, et Anthony Jean, l'un des photographes de l'exposition. ©DR

Le 17 mars, le second débat organisé par Mutami en marge de l’expo photo consacrée à son partenaire SOS Méditerranée, a été marqué par les récits de deux migrants dont le périple a tourné au drame.

Leurs récits ont bouleversé les personnes présentes. Ibrahim vient de Guinée, Daouda de Côte-d’Ivoire. L’un et l’autre, obligés de quitter leur pays, ont vécu l’enfer. Le 17 mars, lors du second débat organisé dans les locaux de Mutami, dans le prolongement de l’expo photo sur son partenaire SOS Méditerranée, ils ont raconté leur histoire avec calme et dignité.

« Je ne voulais pas venir en Europe comme clandestin mais pour étudier », confie Ibrahim. Sauf que son engagement politique n’est pas du goût du pouvoir guinéen et il doit fuir à travers le Mali, sur « des territoires minés ». Depuis l’Algérie, il rejoint tant bien que mal la Libye où, là encore, les routes sont truffées de mines. « Dans ce pays, tout le monde est armé. On risque d’être kidnappé puis vendu », raconte le jeune homme.

« Comment rester en vie ? »

A chaque instant, cette obsession : « Comment rester en vie ? » Depuis les côtes libyennes, ils sont 172 personnes à bord du Zodiac. Des enfants, des personnes malades, des femmes enceintes… « Au bout de trois heures, le moteur tombe en panne. » La mer engloutit 32 personnes. L’embarcation est accostée par un navire militaire libyen. Revenu sur la terre ferme, Ibrahim est envoyé en prison. Sa première tentative pour franchir la Méditerranée n’aura pas été la bonne.

En Côte-d’Ivoire, Daouda était carrossier. Ce qui lui permettait de vivre correctement avec sa femme et sa fille. Mais la pression familiale est de plus en plus forte pour que l’enfant soit excisée. « J’ai perdu ma sœur à la suite d’une excision, je ne voulais pas perdre ma fille », explique-t-il. Tous les trois partent précipitamment, traversent la Mauritanie, arrivent au Maroc. Dans ce pays, Daouda travaille jour et nuit dans un garage pour un salaire dérisoire.

Puis arrive le jour de la traversée vers l’Espagne. « Nous étions trente personnes à bord d’un petit bateau en bois, relate-t-il. Puis l’eau est entrée dans le bateau. » Commence une longue dérive. Trois jours sans manger. Daouda tient solidement sa fille dans ses bras. Ils parviennent enfin sur le sol espagnol. L’enfant et sa maman sont placées dans un hôtel tandis que Daouda connaît trois jours de détention.

Des femmes, des hommes, qui ont un visage, une histoire

Avec des témoignages comme ceux d’Ibrahim et de Daouda, les personnes migrantes ne sont pas une multitude anonyme mais des femmes, des hommes, qui ont un visage, une histoire. Dans le commentaire du diaporama qui a débuté cette soirée-débat, un militant de SOS Méditerranée insiste : « Il faut se demander pourquoi ceux qu’on va secourir ont quitté l’Afrique. »

Anthony Jean, à la fois photographe et sauveteur, a passé au total un an et demi à bord des navires de SOS Méditerranée. Ces opérations de secours en pleine mer nécessitent un grand savoir-faire : « On s’entraîne en permanence, on connaît par cœur les procédures. » Il le rappelle : « SOS Méditerranée a le droit maritime avec lui. » Pour Anthony Jean, témoigner est un impératif : « S’il n’y a pas la société civile pour voir ces migrants, personne ne les voit. » Ibrahim s’étonne que le phénomène migratoire suscite tant d’hostilité : « Les migrations ont commencé quand l’humanité a commencé et elles ne s’arrêteront pas avec nous. Je ne vois pas de différence entre les Ukrainiens et les Africains. »