Santé mentale : « Les publics précaires sont très impactés par la pandémie »

Santé mentale : aller vers les plus précaires 123RF©
Santé mentale : aller vers les plus précaires 123RF©

Le Dr Leaune est psychiatre au centre hospitalier du Vinatier à Bron (69). Il est responsable du Centre de prévention du suicide et des dispositifs VigilanS et 3114 (numéro national prévention suicide), au sein de cet hôpital. Il nous livre son analyse sur la situation de la psychiatrie, suite aux Assises de la Santé mentale, qui ont eu lieu fin septembre, à Paris.

Que pensez-vous des annonces du Président Macron en clôture des Assises ?

La profession attendait beaucoup de ces Assises, que l’on espérait depuis longtemps. Deux ans de crise sanitaire ont aggravé et mis au jour une situation déjà complexe en termes de psychiatrie. Un secteur où l’on fait beaucoup de rapports, mais peu d’actions concrète. Les annonces d’Emmanuel Macron ont été plutôt bien accueillies, car un Président qui parle de santé mentale, c’est nouveau. Le remboursement de consultations de psychologues par la Sécurité sociale, pour toute la population à partir de l’âge de 3 ans, sur prescription ainsi que des moyens supplémentaires, pour un meilleur accès aux soins, est positif mais la mise en place concrète de cette mesure devra se faire en concertation étroite avec les acteurs concernés.

Je suis très sensible, pour ma part, à la mise en place du numéro national de prévention du suicide.

Confidentiel et gratuit, le 3114, numéro national de prévention du suicide, permettra, je l’espère, de répondre aux besoins immédiats des personnes en recherche d’aide : écoute, évaluation, intervention, urgence, orientation ou accompagnement.

Dr Edouard Leaune, psychiatre au centre hospitalier du Vinatier à Bron (69).

Quel impact, de la crise sanitaire, observez-vous sur vos patients ?

Nous avons remarqué une hausse des demandes d’aide et de soutien de personnes qui ont souffert du confinement et qui s’inquiètent des conséquences économiques. Car cette pandémie entrainera sans doute une grave crise économique et des inégalités sociales qui impacteront la santé mentale des plus précaires. On sait qu’il y a un lien très fort entre conduites suicidaires et inégalités sociales et crise économique. On avait observé dans notre région, une augmentation des taux de suicide entre les années 2008 et 2010, au moment de la crise économique.

La pandémie de Covid-19 avec les conséquences économiques qu’elle entrainera aura un impact très important sur les plus fragiles. Et, cela nous inquiète.

Dr Leaune.

Quels sont vos actions pour aider ces personnes ?

Nous mettons en place des programmes de prévention spécifiques pour les publics les plus précaires et notamment pour les personnes qui vont rentrer dans la précarité dans les semaines qui viennent. Le secteur de la psychiatrie est resté actif pendant la pandémie et de nouvelles façons de travailler voient le jour. Nous allons beaucoup plus vers ces publics précaires, par l’intermédiaire des équipes mobiles, par exemple, pour leur proposer une prise en charge spécifique. Une médecine personnalisée en quelque sorte. Car, les publics précaires font face à différents problèmes : un état de santé dégradé du fait de la précarité ou du renoncement aux soins, l’absence de diagnostic de leur santé psychique, le non-recours aux droits sociaux… Nous faisons en sorte de mieux articuler les dispositifs sanitaires, médico-sociaux. Car, ils existent ! Nous visons une prise en charge globale des personnes, sur leurs lieux de vie ou de soins. Il est évident que la situation actuelle nous amène aussi à avancer sur ce point et à rendre l’accès plus facile, par exemple sur l’hôpital.

3114, numéro national de prévention du suicide

Plutôt optimiste, alors ?

On reste en alerte avec les outils que nous avons mis en place. Et, le secteur de la psychiatrie est mobilisé. En revanche, j’observe une réelle fatigue des professionnels de santé à qui on a demandé beaucoup pendant la crise sanitaire et qui eux-aussi, vivent mal, cette incertitude, due à la pandémie. L’optimisme reste de mise mais notre vigilance doit être constante pour maintenir un soin de qualité.