Quand l’âge de la retraite augmente, les arrêts maladie aussi

Tandis que les accidents du travail connaissent une baisse historique, les arrêts maladie n’ont cessé d’augmenter ces cinq dernières années et coûtent de plus en plus cher à l’Assurance maladie.

Les dépenses d’indemnités journalières ont progressé de 3,7 % en 2015, de 
4,6 % en 2016 et de 4,4 % en 2017 pour atteindre 10,3 milliards d’euros.

A quoi serait due cette augmentation ? A la prescription abusive des médecins, à des salariés peu zélés qui profiteraient du système pour prendre du bon temps, comme on l’entend dire parfois, et même dans les plus hautes instances de l’Etat ?  

Rien de tout ça, selon Stéphane Sellier, co-auteur d’un rapport commandé par le Premier ministre Edouard Philippe et remis en mars dernier à celui-ci sous le titre : Plus de prévention, d’efficacité, d’équité et de maîtrise des arrêts de travail. 
« Cette hausse est liée à deux phénomènes. D’abord, depuis 2014, avec la reprise de la croissance, la masse salariale du secteur privé a augmenté de 2 à 4 % par an. Mécaniquement, les arrêts maladie ont, eux aussi, progressé. Mais cette hausse est surtout liée aux conséquences de l’augmentation des taux d’activité des seniors dues aux réformes successives des retraites. » 1

Des salariés plus vieux, plus nombreux, travaillant plus longtemps.

La réforme des retraites de 2010 a fait reculer l’âge de départ de 60 à 62 ans. Conséquence, les arrêts maladie de plus de trente jours, ceux qui coûtent le plus cher à l’Assurance maladie, ont augmenté de 10 % entre 2012 à 2016. Cette année-là, leur durée s’est envolée. 2016 est, en effet, la première année de maintien dans la vie active des premiers seniors touchés par le relèvement de l’âge de la retraite à taux plein sans décote de 65 à 67 ans. Or, 42,7 % des arrêts longs sont pris par des salariés de 50 ans et plus. 

Dans le même temps, la part des seniors en activité a, elle aussi, augmenté. Selon l’Insee, en 2017, le taux d’emploi des 50-64 ans s’est élevé à 61,5 %. Entre 2007 et 2017, il a fortement augmenté (+ 8,2 points), alors que celui des 15- 24 ans et celui des 25-49 ans se sont repliés (respectivement – 2,1 points et – 1,9 point). Les 50- 64 ans représentent aujourd’hui 29,3 % des personnes ayant un emploi en 2017, contre 23,8 % en 2007.

Du fait des réformes des retraites et de la baisse du nombre de seniors bénéficiant d’une mesure de cessation anticipée d’activité à financement public, la hausse du taux d’emploi des seniors sur dix ans s’est avant tout portée sur les personnes de 55 ans ou plus : entre 2007 et 2017, le taux d’emploi des 60-64 ans (29 % en 2017) a augmenté de 13,5 points, celui des 55-59 ans (72 % en 2017) de 17,0 points, alors que celui des 50-54 ans est resté stable.

Or, la probabilité d’un arrêt et sa durée augmentent avec l’âge : soixante-seize jours en moyenne nationale pour les 60 ans et plus, cinquante-cinq jours pour les 55-60 ans contre trente-cinq jours pour l’ensemble de la population.

La Caisse nationale d’assurance maladie évalue le surcoût en montant d’Indemnités Journalières de ces évolutions à 1,16 milliard d’euros entre 2010 et 2016. 

A l’heure où certains parlent de reculer l’âge de départ en retraite, ces chiffres incitent à la réflexion. Est-ce réellement un bon calcul aussi bien en terme humain qu’économique ? 

  1. Propos prononcés lors d’une rencontre avec l’Ajis (Association des journalistes de l’information sociale)