Phobie scolaire : quand l’enfant se met au ban de l’école

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Justine et Amélie ont aujourd’hui vingt ans et vont à la fac. Pourtant, adolescentes, elles étaient atteintes de phobie scolaire. Pourquoi des enfants sans histoires craquent-ils un jour ? Comment leur entourage peut-il leur venir en aide ?

« Un matin, j’ai craqué, j’ai refusé d’aller au collège, et je n’y suis jamais retournée.  » Qu’est-il arrivé de spécial en ce début de troisième, quand Justine, quinze ans, décide de ne plus aller en classe ? «  Je ne sais pas pourquoi, mes défenses ont lâché. Cette rentrée était celle de trop.  »

L’école peut faire mal, très mal

Angoisses, insomnies, pleurs, maux de ventre, otites à répétition, la jeune fille ne se sent plus à sa place au collège, mal à l’aise face aux professeurs et aux élèves. L’école peut faire mal, très mal, surtout au moment de l’adolescence. «  Trop dur de me retrouver devant les autres, que je voyais comme des bourreaux, explique-t-elle. Je me sentais rejetée, incomprise, transparente.  » Qui sont ces bourreaux dont parle Justine ? «  C’est un tout, mes amis ne me comprenaient plus, j’étais devenue la « tête de Turc » de tout le collège, les professeurs n’ont pas décodé, j’étais à la traîne au niveau scolaire, j’ai vite décroché.  »

Justine n’est pas un cas à part. Ils sont 150 000 enfants, d’après l’Education nationale, à « s’évaporer » dans la nature chaque année. Rayés de la carte. Dans la famille de Justine, ce refus d’aller en classe fait l’effet d’un « tsunami », raconte Anne-Marie, sa mère. «  Cet événement inexplicable déclenche en nous, les parents, des sentiments à la fois violents et contradictoires, quelque chose qui se situe entre la colère et la culpabilité. Et pour moi, la maman, qui vénère l’école, c’est tout simplement l’inimaginable qui se produit.  »

La galère commence

Un long chemin démarre alors, sur lequel la famille trouve peu d’aides et de conseils concrets, et où surtout elle se heurte à une impuissance totale du système scolaire à apporter des réponses. Heureusement, les parents de Justine réagissent : cours au Cned[fn]Centre national d’enseignement à distance, établissement public du ministère de l’Education nationale offrant des formations à distance.[/fn], suivi psychologique et un joli livre[fn]Le jour où je n’ai pas pu aller au lycée, d’Anne-Marie Rocco et de Justine Touchard, éd. Flammarion, 19 euros.[/fn], écrit à quatre mains, par la mère et la fille, en guise de témoignage.

«  Nous avons voulu donner le point de vue des enfants et des parents pour expliquer la phobie scolaire. Elle n’est pas taboue et existe dans tous les milieux. Il s’agit d’une réalité dont l’Education nationale, confrontée à tant d’autres difficultés, ne veut pas entendre parler  », souligne Anne-Marie. Pourtant, l’école, comme l’entreprise, est souvent génératrice de stress. Les causes sont multiples, mais les conséquences au sein des familles bien réelles.

Qui sont ces «  décrocheurs » ?

Marie-France Le Heuzey[fn]Coauteure avec Marie-Christine Mouren de Phobie scolaire, éditions J. Lyon, 17,24 €.[/fn], psychiatre à l’hôpital Robert-Debré (Paris), reçoit de plus en plus de jeunes au sein de sa consultation spécialisée dans les troubles en lien avec l’école. «  Les enfants que je vois en consultation ne refusent pas d’aller à l’école, ils n’arrivent pas à y aller, ce qui est différent. Voilà pourquoi je préfère dire plus simplement qu’ils sont malades de l’école, et en rupture scolaire.  » Sont-ils plus fragiles, plus anxieux que les autres ? «  Ces enfants présentent une détresse émotionnelle au moment d’aller à l’école, de type anxiété, dépression, colères », explique Marie-France Le Heuzey. Cela peut se traduire par des signes physiques comme des maux de ventre, qui peuvent aller jusqu’au vomissement, des maux de tête. Les paroles aussi ont leur importance. «  L’enfant supplie de rester à la maison car il s’y sent en sécurité », précise la psychiatre.

Ce problème touche aussi bien les filles que les garçons, les bons élèves que les moins bons, et toutes les catégories sociales. Sur les forums et les réseaux sociaux, ils sont nombreux à crier leur détresse, à demander de l’aide. Ils parlent d’enfermement lorsqu’ils sont à l’école et dénoncent la manière d’apprendre plutôt que le fond.

« Je passais mon temps à l’infirmerie, explique Marie, qui a souffert de ce trouble à son entrée en sixième, puis j’arrivais systématiquement en retard au collège, jusqu’à ne plus pouvoir y aller du tout. » Pour les parents, la déscolarisation de leur enfant est souvent vécue comme un échec cuisant, et lorsqu’il peut enfin retourner en cours, c’est pour eux une « renaissance », explique Bernard, papa de Lucas, treize ans, sur le site du groupe de parole de l’association Phobie scolaire[fn]L’association Phobie scolaire, créée par des parents, dispose d’un site Internet riche en informations et en conseils. www.phobiescolaire.org[/fn].

 

« L’école devrait être mieux informée »

Témoignage de Ghislaine, maman d’Amélie et membre de l’association Phobie scolaire.

 « On est totalement désemparé quand cela vous tombe dessus. Amélie était une bonne élève, je ne comprenais pas. Mais il a fallu réagir. Lorsque je lui ai proposé de suivre ses cours au Cned, elle s’est apaisée. Mais cela n’a duré qu’un an. Il est difficile de donner des conseils aux autres parents, car chaque cas est différent. Pour certains, un suivi psychologique s’impose, ma fille n’était pas prête. Pour les moins de 16 ans, pour lesquels l’instruction est obligatoire, il faut absolument voir le médecin traitant pour un certificat médical et faire une demande de prise en charge d’enfant “handicapé”. Le Service d’assistance pédagogique à domicile (Sapad) peut apporter de l’aide gratuitement, mais les démarches sont longues. Je conseille aux parents d’encourager leur enfant à pratiquer une activité sportive ou autre, et de tout faire pour qu’il garde contact avec le monde extérieur. Et puis, il faudrait que l’école soit mieux informée sur
ces problèmes et que les professeurs soient formés pour y faire face très tôt, et, pourquoi pas, créer de petites structures adaptées pour ces enfants. »