L’Inserm fait la chasse aux fake news en santé

Canal Détox à pour objectif de sensibiliser sur les risques pour la santé associés aux fausses informations et attirer l’attention sur l’importance de se tourner vers des sources scientifiques rigoureuses pour s’informer. ©Yohannes Cousy pour l'agence Insign

Selon un sondage Ipsos, près de neuf personnes sur dix admettent avoir déjà cru à une fausse information (infox) sur Internet. Pour combattre la désinformation et rendre la parole à la science, l’Inserm a lancé Canal Détox, une série de vidéos ludiques et instructives au format court. Le point avec Carine Delrieu, directrice de la communication de l’Inserm à l’origine du projet.

Quand l’Inserm a t-il pris conscience de l’importance accrue des fake news dans le domaine de la santé, et de la nécessité d’y répondre ?

Carine Delrieu : Le projet Canal Détox a émergé à la fin de l’année 2018, en réaction à la surabondance d’informations erronées propagées sur les réseaux sociaux. A côté de sa fonction première qui est de mener des avancées scientifiques, le rôle de l’Inserm est d’informer les citoyens. Mais pour avoir de l’impact, il faut utiliser les armes d’aujourd’hui. Nous faisons beaucoup d’efforts pour intéresser au discours scientifique et trouver des formats ludiques et pédagogiques.


La crise du Covid a-t-elle décuplé cette tendance ?

C. D. : Oui, c’est certain. Mais l’aspect positif, c’est une plus grande réactivité, notamment des médias. Passé la première phase de sidération, je trouve que les médias ont été très vertueux pour chasser les mensonges. Et identifier des ressources scientifiques fiables. On le constate aujourd’hui : plus de moyens sont déployés dans les ministères pour contrer les contenus délétères. Le sursaut est là. On l’a vu également dans la mobilisation des parlementaires pour réglementer le milieu de l’influence. Cela va dans le bon sens.

Quelles sont les fake news récurrentes en matière de santé ?

C. D. : Elles sont de deux ordres : celles ayant trait au quotidien, à l’hygiène de vie et à la beauté, avec des sujets qui font rêver et peuvent paraître anodins de prime abord comme rester jeune, mincir, avoir une belle peau, de beaux cheveux… La grande tendance du moment, c’est le collagène, supposé faire des prouesses sur la peau et les douleurs articulaires. L’autre versant, c’est le traitement des maladies, avec des conséquences plus graves.

Le rôle de l’Inserm est de rappeler où en est la science, avec parfois des déceptions. Pour l’arthrose par exemple, il n’y a pas de remède miracle, c’est important de le dire.

Ces fake news représentent un réel danger pour la santé publique…

C. D. : Tout à fait. Ici, on parle des méthodes pour soigner le cancer prônant le jeûne censé « assécher » la tumeur ou de faux produits miracles vendus à prix d’or pour soulager l’arthrose ou guérir le paludisme, qui sont au mieux inefficaces, au pire nuisibles… Il faut bien comprendre que ces pathologies répandues et plurifactorielles sont une porte ouverte pour les charlatans. Le rôle de l’Inserm est de rappeler où en est la science, avec parfois des déceptions. Pour l’arthrose par exemple, il n’y a pas de remède miracle, c’est important de le dire.

Avec Canal Détox, une série de vidéos ludiques et instructives au format court, l’Inserm entend couper court aux fausses informations qui circulent sur le web.

Comment déterminez-vous les sujets traités sur Canal Détox ?

C. D. : Les réseaux sociaux nous permettent de capter les fausses informations ou les inquiétudes sur un sujet précis. Le principe est toujours le même : démentir la rumeur et apporter la réponse de la science avec un chercheur de l’Inserm. Nous avons la chance d’avoir une importante communauté, 230 000 abonnés sur Youtube, 160 000 sur X.

Près de 12 millions d’internautes se connectent au site de l’Inserm chaque année. Nous avons développé des partenariats avec des médias, comme TF1 avec sa cellule de débunkage Les Vérificateurs, et travaillons main dans la main avec des influenceurs reconnus pour leur expertise comme Marine Lorphelin, médecin et ancienne miss France, qui nous sollicite régulièrement.

Le temps de la recherche scientifique et celui des réseaux sociaux ne sont pas les mêmes. Comment concilier ces deux temporalités pour une communication efficace ?

C. D. : Nous avons dû en effet nous réorganiser, travailler sur un autre tempo. C’est le propos de la cellule Riposte, constituée d’une centaine de chercheurs de l’Inserm qui s’engagent à répondre à toutes les sollicitations des médias en moins de quatre heures. La réactivité, c’est la clé.

Gabrielle Villa