Les banques alimentaires sonnent l’alarme : la santé de leurs bénéficiaires se dégrade

Diabète, dénutrition, obésité, santé mentale… Une étude de la Fédération française des banques alimentaires met en évidence la plus grande vulnérabilité aux maladies des personnes accueillies. © 123 RF
Les banques alimentaires sont en première ligne de la hausse de la précarité. En dix ans, le nombre de bénéficiaires est passé de 800 000 à 2,6 millions, majoritairement des familles monoparentales. © 123 RF

Une étude de la Fédération française des banques alimentaires met en exergue la plus grande exposition des bénéficiaires aux maladies telles que le diabète, l’obésité, la dénutrition et la santé mentale… Le point avec Stéphanie Férey, responsable du service relations associations et innovation sociale à la FFBA.

En dix ans, le nombre de bénéficiaires de l’aide alimentaire est passé de 800 000 à 2,6 millions. Comment s’explique une telle hausse ?

S. F. : Nous sommes face à un défi conjoncturel. Avec un choc inflationniste qui a un impact sur tous, mais plus spécifiquement sur les plus précaires. Bien que l’on observe un ralentissement, les produits de première nécessité tels que le beurre, le lait, les pâtes, etc., ont été fortement impactés par cette hausse des prix.

Plus d’un tiers ne mangent que deux repas par jour ou moins.

Quelles sont les populations les plus touchées ?

S. F. : Ce sont majoritairement les familles monoparentales. Les femmes seules avec enfant(s) représentent plus d’un tiers des personnes accueillies. Mais la diversité des profils s’accroît. A cette population historique viennent s’ajouter des étudiants et des retraités. On constate aussi une arrivée massive des travailleurs pauvres, des salariés en CDI qui ont recours à l’aide alimentaire. Un profil que l’on avait pas du tout auparavant.

Etude de la Fédération française des banques alimentaires mettant en évidence la plus grande vulnérabilité aux maladies des personnes accueillies.

L’étude révèle que les bénéficiaires de l’aide alimentaire présentent un état de santé moins bon que la moyenne nationale. Quelles maladies les affectent particulièrement ?

S. F. : Le diabète est une constante. 15 % sont concernés, contre 5 % dans la population générale. C’est encore plus flagrant en outremer, où il y a deux fois plus de diabétiques. Un tiers des personnes accueillies souffrent de maladies cardio-vasculaires ou sont en surpoids. La situation des personnes âgées est également inquiétante, on constate qu’elles sont particulièrement vulnérables à la dénutrition. Seulement 7 % d’entre elles respectent les recommandations concernant l’apport en protéines et en produits laitiers.

Et concernant la santé mentale ?

S. F. : Les profils les plus fragiles sont les familles monoparentales. Plus de la moitié mentionnent un état de santé mauvais ou très mauvais. Et plus d’un tiers ne mangent que deux repas par jour ou moins. On suppose que certaines mères sautent des repas et se privent pour leurs enfants. La question du sommeil revient beaucoup. Le manque de nourriture entraîne un mauvais sommeil, ce qui engendre un mauvais moral. C’est un cercle vicieux.

Pour certains, l’aide alimentaire est la principale source d’approvisionnement en protéines, fruits/légumes et légumineuses.

L’aide alimentaire permet-elle de compenser ces carences en fournissant une alimentation équilibrée ?

S. F. : C’est l’objectif. Mais nous sommes confrontés à une recrudescence des bénéficiaires. C’est un défi d’absorber ces nouveaux arrivants. La plupart sont sensibilisés au fait de bien manger et ont la volonté de suivre les recommandations du Programme national nutrition santé mais n’en ont simplement pas les moyens. Pour certains, l’aide alimentaire est la principale source d’approvisionnement en protéines, fruits/légumes et légumineuses.

Existe-t-il des initiatives spécifiques pour améliorer la santé des personnes recevant l’aide alimentaire ?

S. F. : Sur le terrain, nous mettons en œuvre des actions concrètes. Il y a notamment les ateliers « Bons gestes et bonne assiette » qui ont pour but de promouvoir les bons réflexes alimentaires. Au-delà de la lutte contre la précarité alimentaire, c’est un moyen d’agir contre l’isolement. En interrogeant les personnes accueillies, on constate que pour 70 % d’entre elles, la première motivation pour venir à l’aide alimentaire est le besoin de lien social.

Ces espaces d’échange sont donc très importants. Nous collaborons également avec la Fédération française des diabétiques pour effectuer des dépistages préventifs. Enfin, au niveau institutionnel, nous militons au sein d’un collectif pour obtenir la reconnaissance de l’obésité comme maladie chronique. Car actuellement il n’existe ni prévention, ni parcours de soin, et donc aucune prise en charge médicale.

Gabrielle Villa