Gisèle Halimi, l’engagement chevillé au corps

Elle était une pasionaria. Et, elle a fait du combat pour le droit des femmes son étendard, pendant 70 ans. L’avocate Gisèle Halimi est décédée le 28 juillet dernier, à l’âge de 93 ans. Son dernier livre « Une farouche liberté », écrit en collaboration avec son amie, la journaliste Annick Grosjean, est paru le 19 août.

« Une farouche liberté », le livre d’entretiens autobiographiques de Gisèle Halimi, écrit avec la journaliste du journal Le Monde Annick Cojean, raconte une vie de combat, celle d’une avocate révoltée qui a voué sa vie à faire changer celle des femmes. S’ajoutent à ses engagements, la défense des victimes de la torture, et le soutien à l’indépendance et au droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.

« J’ai avorté. Je le dis. Messieurs, je suis une avocate qui a transgressé la loi »

Ses batailles contre le viol et pour l’avortement ont marqué les esprits et l’histoire du féminisme. On se souvient avec émotion du procès de Bobigny, en 1972, où l’on jugeait Marie-Claire, 16 ans, violée et dénoncée à la police par son violeur pour avoir avorté.

« J’ai avorté. Je le dis. Messieurs, je suis une avocate qui a transgressé la loi », lance-t- elle en plein procès.

Puis, au cours de sa plaidoirie, elle décoche ces mots puissants : « Regardez-vous, messieurs, et regardez-nous. Quatre femmes comparaissent devant quatre hommes, pour parler de quoi ? De leur utérus, de leurs maternités, de leurs avortements, de leur exigence d’être physiquement libres… Est-ce que l’injustice ne commence pas là ? ».

Les hommes qui l’ont soutenue

Pour ce procès, elle obtient le soutien de nombreuses personnalités, dont les prix Nobel de médecine Jacques Monod et François Jacob, et contre toute attente, celui du professeur Paul Milliez, catholique fervent pourtant opposé à l’avortement.

« Cette affaire est injuste, insupportable, j’irai témoigner à Bobigny », lui dit-il.

Gisèle Halimi lui demanda à la barre : « Si Marie-Claire était venue vous voir, qu’auriez-vous fait ? ». « Je l’aurais avortée » a-t-il répondu en la regardant bien en face. « C’est ainsi qu’il est devenu mon témoin capital, a raconté l’avocate. « J’en étais bouleversée car je mesurais sa déchirure ».

Féminisme et sororité

Le féminisme et la sororité étaient des mots « magnifiques », pour Gisèle Halimi. Le dernier chapitre du livre est consacré aux combats des jeunes féministes d’aujourd’hui. Elle les encourage à aller plus loin, plus vite,

« J’attends qu’elles fassent la révolution. Et je leur dis : Soyez égoïstes ! Devenez prioritaires » et à être solidaires entre elles,

« Désunies, les femmes sont vulnérables. Ensemble, elles possèdent une force à soulever des montagnes et convertir les hommes à ce mouvement profond. Le plus fascinant de toute l’histoire de l’humanité ».  

 « On ne naît pas féministe, on le devient » est la conclusion de ce livre référence en écho à la célèbre phrase de Simone de Beauvoir « On ne naît pas femme, on le devient ».

 « Une farouche liberté », entretiens de Gisèle Halimi avec Annick Cojean (Grasset), 14 euros.