Claire Tournefier, fondatrice de l’association Rejoué : « L’humain est au cœur de la transition écologique »  

Claire Tournefier Rejoué
Claire Tournefier, dans l'atelier de l'association à Vitry. © Cyril Entzmann/Divergence

Plus de 100 000 tonnes de jouets sont jetés à la poubelle chaque année, l’équivalent de dix tours Eiffel ! Claire Tournefier a fondé l’association Rejoué qui accompagne des personnes en insertion pour donner une seconde vie aux jouets délaissés par nos bambins. Rencontre.

Comment est née l’idée de Rejoué ?

Claire Tournefier : A la naissance de mon fils en 2007, j’ai pris conscience de la surconsommation de jouets. En parallèle, j’étais bénévole à la Croix-Rouge, nous croulions sous les dons sans savoir quoi en faire. Je travaillais à l’époque dans l’événementiel. A mon retour de congé maternité, quelqu’un avait pris mon poste. Il y a eu comme un déclic. J’ai quitté mon job pour créer un projet autour du recyclage et de l’insertion sociale. Le premier atelier a ouvert le 8 mars 2012, pour la Journée de la femme.

Une date symbolique…

C. T. : Oui car l’accompagnement, en particulier des femmes seules avec enfants, est au cœur de l’ADN de Rejoué. J’ai cette croyance que tout le monde a un potentiel et qu’il faut le révéler. L’humain est au cœur de la transition écologique. Ce qui me motive, c’est d’amener ces femmes vers la stabilité économique et l’autonomie. 

Pourquoi l’univers du jouet ?

C. T. : Parce que c’est gai et ludique ! Et le jouet a un énorme potentiel en termes d’apprentissage pour les enfants mais aussi pour les personnes en insertion : il faut savoir compter les pièces, lire les notices… des compétences basiques pour trouver un emploi. 

Quels ont été les principaux freins que vous avez rencontrés ?

C. T. : Quand j’ai commencé le projet, j’ai cherché à me rapprocher de structures d’insertion sociale existantes. J’ai essuyé beaucoup de refus : « Vous n’allez pas y arriver, c’est trop compliqué, vous n’allez pas réussir à former les gens ». J’ai été frappée par cet accueil décourageant du monde de la solidarité qui n’a pas saisi ce que je voulais faire. 

Quels sont vos liens avec les acteurs économiques du secteur, fabricants et distributeurs de jouets ?

C. T. : Nous sommes complémentaires et non concurrents. La nouvelle filière REP pour les jouets (responsabilité élargie du producteur, ndlr) créée par la loi AGEC de 2020 va engendrer une croissance d’activité, les entreprises vont devoir se questionner sur le pacte environnemental. Elles ont encore tendance à avoir peur que la seconde main leur enlève des parts de marché. Quand on sait que le marché du jouet représente 3,5 milliards d’euros, on en est loin ! 

Quelles sont pour vous les qualités d’un entrepreneur social ?

C. T. : Il faut oser ! Prendre des risques, convaincre, montrer les impacts positifs. Je crois beaucoup à l’expérience. Quand on entreprend, on teste des solutions, on cherche des partenaires qui peuvent apporter des réponses créatives. Etre entrepreneur, c’est aussi avoir des antennes, capter l’air du temps.

Quel regard portez-vous sur le futur de Rejoué ?

C. T. : Nous vivons une période de transition, cela me donne beaucoup d’espoir et à la fois il ne faut rien lâcher. Les solutions sont déjà toutes là, les freins sont d’ordre institutionnel. Il y a un travail de sensibilisation à faire pour prouver au monde de l’entreprise que le milieu associatif n’est ni menaçant ni caricatural. Ce n’est pas parce que l’on est solidaire et social que l’on ne peut pas être professionnel et visionnaire.

Propos recueillis par Céline Delavilla

www.rejoue.asso.fr

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