Le 17 juin 2024, le Parlement européen a adopté la première loi visant à restaurer les écosystèmes dans l’Union européenne. Une avancée environnementale majeure à l’heure où la biodiversité est gravement menacée, comme l’explique Yoann Coulmont, chargé de plaidoyer pour l’association Générations futures.
Quelle est la genèse de cette loi ?
Yoann Coulmont : C’est la concordance de plusieurs éléments. D’une part, un rapport de 2020 de l’Agence européenne de l’environnement indiquant que 80 % des écosystèmes de l’UE sont en mauvais état. Et pointant trois grands responsables : l’agriculture intensive, l’étalement urbain et les mauvaises pratiques forestières. En parallèle, Pacte vert pour l’Europe a permis de poser les bases de la stratégie européenne pour la diversité à l’horizon 2030.
En quoi est-elle inédite ?
Y. C. : Le niveau d’effondrement de la biodiversité est tel que la seule protection de la nature ne suffit plus. Le texte fixe des objectifs en matière de restauration : 20 % des écosystèmes terrestres, marins et urbains d’ici à 2030. Et d’ici à 2050, tous les écosystèmes qui ont besoin d’être restaurés devront l’être. Cela va permettre d’améliorer nos connaissances et d’évaluer les efforts à faire pour atteindre ces objectifs et respecter nos engagements internationaux, notamment dans le cadre de la COP15 et la CDB, Convention sur la diversité biologique.
Quelles en sont les mesures phares ?
Y. C. : Il n’y en a pas dans le sens où c’est une « loi système », toutes les mesures sont importantes. Mais je dirai que l’article 10 sur les pollinisateurs destiné à améliorer leur diversité et inverser le déclin des populations d’insectes est historique.
Quel est son impact dans le domaine de la santé ?
Y. C. : Santé de l’environnement et santé humaine sont interdépendantes. Impossible d’ignorer que l’introduction de substances synthétiques dans l’environnement entraîne une perturbation des cycles bio-géochimiques. La restauration des espaces verts dans les villes aura des effets vertueux sur la santé.
Est-ce la tentative de la dernière chance pour sauver les écosystèmes ?
Y. C. : Je n’ai pas envie d’y croire. Mais le niveau de destruction est majeur, les limites planétaires ont été dépassées. Globalement, le contexte est extrêmement préoccupant.
Quelles sont les actions à mener à priorité ?
Y. C. : Les espaces agricoles sont une cible prioritaire. Une publication du CNRS a démontré que 60 % des oiseaux des champs ont disparu en quarante ans en Europe. L’agriculture intensive est la principale pression associée au déclin des espèces, et donc de toute la chaîne alimentaire.
Que répondre à ceux qui mettent en avant la menace sur l’agriculture et la souveraineté alimentaire ?
Y. C. : C’est la stratégie de certains partis et lobbys : opposer agriculture et environnement. C’est un total non-sens. Le travail des ONG a bien montré que cette opposition était frauduleuse. L’outil principal des agriculteurs, c’est le sol. L’agriculture a besoin de la préservation des espèces.
Quel sera le rôle de Générations futures dans la mise en œuvre de la loi ?
Y. C. : Nous veillerons à ce que la France respecte ses obligations européennes. Générations futures est membre du CNB (Comité national de la biodiversité), auquel sera soumis d’ici à 24 mois le Plan national détaillant les mesures à prendre. Ce sera l’occasion de faire remonter nos inquiétudes et revendications. En cas de mauvaise application ou de manquements graves, ce sera la voie du contentieux et du recours en justice.