« Je vous propose un congrès mutualiste de combat »

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Jean-Paul Benoit, président des Mutuelles de France, a introduit à Brest, dans un discours offensif, le congrès de la fédération mutualiste. Durant trois jours, les participants vont débattre et travailler à bâtir des solidarités nouvelles, plus que jamais indispensables en cette période de crise sanitaire. Extraits.

Nous remobiliser sans attendre

«Si on veut empêcher que le monde d’après soit bien pire que celui d’avant, nous devons sans attendre nous remobiliser et faire entendre haut et clair notre voix, la voix des premiers de corvée, la voix de l’aile marchante de la mutualité, celle qui a toujours indiqué le sens du progrès social de la liberté et de la justice. Ce qui nous mobilise, c’est militer. »

De Saint-Etienne à Brest, terres ouvrières et mutualistes

« il y a trois ans nous étions à Saint-Etienne et nous avions en tête le long combat des ouvriers pour améliorer leurs conditions de travail, leur lutte pour contrôler leurs caisses d’entraide et de secours, parfois réprimés dans le sang. Nous voilà à Brest, Brest la rouge dans une Bretagne conservatrice, mythe du mouvement ouvrier. En 1902, les ouvriers des Capucins revendiquaient un minimum de salaire et un service médical et pharmaceutique gratuit. Nous le savons, la lutte pour les salaires décents, pour une protection sociale qui protège des aléas de la vie et pour l’accès à la santé fut longue, dure, et parfois payée du prix du sang. Un congrès de la mutualité ouvrière, c’est aussi un congrès qui se souvient de celles et ceux qui ont été blessés, tués, qui ont connu la misère pour arracher un à un les conquis sociaux que nous défendons aujourd’hui. Et nous sommes, à Brest, dans l’un des berceaux des Mutuelles de France. »

La dignité, valeur mutualiste

« La dignité de tous les humains fait partie des valeurs mutualistes fondamentales. Et quand elles sont en cause, quand il faut les défendre, nous sommes là. Quand on est militant mutualiste, on ne peut rester sourd aux injustices, d’où qu’elles viennent, hier contre le colonialisme, aujourd’hui au côté des migrants qui risquent leur vie et, par dizaine de milliers, la perdent en traversant la Méditerranée pour trouver ici, non pas des aides sociales comme disent l’extrême droite et les réactionnaires, mais l’espoir d’une vie décente. Nous sommes frères en humanité, nous leur tendons la main. »

Défendre les droits conquis

« Nous ne nous contentons pas de déclarations, de professions de foi. Mutualistes, nous contribuons à rendre chaque droit conquis effectif. La lutte pour les droits contre les injustices se réinvente sans cesse, relève de nouveaux défis. C’est l’ouvrage de ce congrès. Je vous propose un congrès mutualiste de combat, de mobilisation pour bâtir des solidarités nouvelles et faire advenir de nouveaux jours heureux. »

« Dans cette crise, le gouvernement a choisi l’infantilisation plutôt que la citoyenneté. »

Pandémies sanitaires… Et sociales

« La crise de la Covid-19 a percuté nos vies. Pour sortir de la sidération et retrouver les moyens d’agir, il faut se souvenir que les pandémies font partie de l’aventure humaine. Mais elles viennent souligner les injustices et les inégalités : entre pays riches et pauvres, au sein d’un même pays. Dans cette singulière époque, ce qui me préoccupe, c’est la misère et les injustices qui explosent avec la crise économique née de la crise sanitaire. Elle montre le coût humain inacceptable de décennies d’attaques de la Sécurité sociale, d’absence de politiques de prévention et d’asphyxie financière de l’hôpital public. Dans cette crise, le gouvernement a choisi l’infantilisation plutôt que la citoyenneté et ne change pas sa politique néolibérale, alors que ce que nous dénoncions depuis des années saute aux yeux de toute le monde. »

Sinistre PLFSS

« Malgré la crise, le PLFSS pour 2021 continue l’œuvre sinistre des précédents. Notre critique va bien au-delà de la taxe sur les mutualistes qui est en soi scandaleuse. Elle sera prélevée directement sur les moyens d’actions des mutuelles et non sur des dividendes enrichissant des actionnaires, puisque nous, des actionnaires, nous n’en avons pas. Mais le plus grave, c’est que cette crise symbolise les choix du gouvernement. Faire payer la crise à ceux qui en ont pâti. En reportant la dette sociale sur la Cades, le gouvernement fait payer la crise aux ménages ; en créant une taxe Covid sur les cotisations mutualistes, il fait payer la crise aux adhérents mutualistes ; en créant le forfait urgences, le gouvernement entend faire payer encore les malades.

« Aujourd’hui, en France, nous ne sommes pas égaux devant la santé. »

Discriminations

« Aujourd’hui, en France, selon où nous vivons, selon notre réseau relationnel, selon notre origine, notre genre, notre orientation sexuelle, notre catégorie sociale, notre richesse, notre niveau d’instruction, nous ne sommes pas égaux dans l’accès à la santé. Cette pandémie a pointé une loupe sur les inégalités, les discriminations et les fractures qui fragmentent notre société. Elle a souligné chaque faiblesse de notre système de santé, chaque faille de notre protection sociale. »

La deuxième vague

« Elle est là et nous ne sommes pas mieux préparés qu’au mois de mars. Pis, le personnel hospitalier aborde cette vague sans avoir pu récupérer de la première. Cette pandémie signe l’échec patent de quatre décennies de libéralisme. La protection sociale, hier encore présentée comme le boulet de l’initiative individuelle, a joué un rôle primordial pour éviter à de nombreux foyers d’être condamnés à la misère. La Sécu a été l’outil décisif dans cette lutte contre la pandémie, permettant au plus grand nombre de se soigner et le gouvernement lui-même a fait porter des charges qui ne lui revenaient pas, comme les arrêts pour enfants malades ou les exonérations de cotisations sociales. »

« Les “Jours Heureux” ne sont pas un luxe, mais un espoir légitime. »

De nouveaux « Jours heureux »

« Nous voulons une société démocratique qui garantisse le droit à la santé et qui mette tous et toutes en sécurité sociale. Nous devons ces “jours heureux” à la génération qui vient et à laquelle nous n’offrons pour l’heure que des stages mal rémunérés, des emplois sans statut, un accès aux soins défaillant et à qui on refuse les minima sociaux. Les “Jours heureux”, le nom que le Conseil national de la Résistance avait donné à son programme quand la France occupée était à terre, son idéal trahi, son économie ruinée, ses villes détruites, ne sont pas un luxe, mais un espoir légitime. La 6e puissance mondiale a les moyens de les mettre en œuvre, ce n’est pas une question d’argent, mais de volonté politique. »