« Il existe des liens solides entre alimentation biologique, moindre exposition aux pesticides et réduction de certaines pathologies », Denis Lairon (Inserm)

Manger bio change (vraiment) la donne pour la santé. C'est ce que vient de démontrer NutriNet-Santé, la première grande étude épidémiologique s’appuyant sur une cohorte de plus de 100 000 adultes suivis depuis 2009. © 123RF

S’il fallait encore des preuves, les voici. Les récentes études françaises le confirment : manger bio est meilleur pour la santé — et de loin. Le point avec Denis Lairon, docteur en biochimie, nutritionniste et directeur de recherche émérite à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm).

 © Denis Lairon

Pourquoi les études françaises sur le bio font-elles référence ?

Denis Lairon : Parce qu’elles s’appuient sur une méthodologie très fiable. NutriNet-Santé est la première grande étude épidémiologique s’appuyant sur une cohorte de plus de 100 000 adultes suivis depuis 2009. Elle a permis d’établir des liens solides entre alimentation biologique, moindre exposition aux pesticides et réduction de certaines pathologies. Ces résultats ont été publiés dans des journaux scientifiques internationaux de référence.

Quels enseignements clés en tirer ?

D. L. : L’étude montre que les consommateurs réguliers d’aliments bio ont une alimentation plus végétale, avec une réduction de 40 à 50 % de la consommation de produits animaux. Leur exposition aux pesticides de synthèse par l’alimentation est plus faible, avec des taux mesurés dans les urines inférieurs de 40 % et jusqu’à 90 % selon d’autres études.

Quels sont les bénéfices d’une alimentation bio sur la santé ?

D. L. : Ils sont significatifs. Chez les personnes dont l’alimentation est bio à plus de 60 %, on observe une réduction du risque de surpoids ou d’obésité de 30 à 50 %. Le syndrome métabolique (risque cardio-vasculaire), qui touche un adulte sur cinq en France, recule de 30 %. Quant au diabète de type 2, la baisse atteint 35 %, en particulier chez les femmes, très représentées dans l’étude.

Et pour le cancer ?

D. L. : L’étude a suivi 70 000 personnes pendant cinq ans, en ciblant une dizaine de cancers. Chez les femmes, le risque de cancer du sein post-ménopause diminue de 34 %. Pour les lymphomes, qui affectent les cellules du système immunitaire, la baisse atteint 80 %, tous sexes confondus.

Les aliments que nous consommons sont-ils toujours aussi contaminés ?

D. L. : Oui. Tous les cinq ans, l’EFSA — l’Autorité européenne de sécurité des aliments — analyse des dizaines de milliers d’échantillons. Depuis vingt ans, les niveaux de contamination ne diminuent pas. Toutes les familles de pesticides de synthèse sont concernées : les organochlorés, les organophosphorés, les pyréthrinoïdes, les néonicotinoïdes… Environ une moitié des végétaux usuels présentent des résidus de pesticides quantifiables. Dans les produits bio, les résidus sont 80 % moins fréquents et les concentrations bien plus faibles. Mais le zéro pesticide n’existe plus : l’ensemble de l’environnement — sols, eau, air — est aujourd’hui contaminé.

Le bio industriel est-il toujours du « vrai bio » ?

D. L. : Oui, dès lors qu’il respecte le cahier des charges. En France, c’est le label AB ; en Europe, le logo à la feuille verte. Les contrôles sont stricts et réguliers. Une grande exploitation en bio, même mécanisée, reste du bio. Ce n’est pas la même approche qu’un petit maraîcher, c’est certain. Mais les deux répondent aux mêmes exigences réglementaires.

En France, en moyenne, un aliment végétal sur deux est contaminé par des résidus de pesticides de synthèse.

Quels produits bio privilégier absolument ?

D. L. : Les produits végétaux sont ceux qui concentrent le plus de résidus de pesticides de synthèse. En France, en moyenne, un aliment végétal sur deux est contaminé. Les plus touchés sont les fruits : deux sur trois, et près d’un légume sur deux. Pour les céréales, le taux avoisine les 35 % et pour les légumineuses, autour de 40 %.

Peut-on éliminer les pesticides en lavant ou épluchant les aliments ?

D. L. : Non, car beaucoup de pesticides sont aujourd’hui systémiques : ils pénètrent la plante dès la graine et se diffusent par la sève. La peau ne fait pas barrière, et la retirer prive de nutriments.

A quoi devrait ressembler selon vous l’assiette idéale de demain ?

D. L. : Elle devra être plus végétale, c’est une nécessité environnementale et sanitaire. Mais plus végétal ne veut pas dire forcément plus sain, si ces aliments viennent d’une agriculture intensive. Pour limiter l’exposition aux pesticides de synthèse, il faut aussi qu’ils soient bio. L’un ne va pas sans l’autre. C’est ce que recommande le Programme-National-Nutrition-Santé (PNNS, ministère de la Santé) depuis 2019.

Gabrielle Villa