« Il est temps de bousculer les choses pour les familles monoparentales »

Pauline Leclerc, Oxfam
Pauline Leclère, Responsable de campagne Justice fiscale et inégalités à Oxfam. Paris, 24 juin 2019. ©Cyril Entzmann/divergence
Pauline Leclère est responsable de campagne « Inégalités et justice fiscale » à Oxfam France. Pour elle, les familles monoparentales, pour la plupart des mères seules, restent très vulnérables. Quel est le visage des familles monoparentales en France ? Pauline Leclère : Les familles monoparentales représentent aujourd’hui 23 % de la population, contre 12 % en 1990. Dans plus de 8 cas sur 10, elles se composent d’une mère et de ses enfants. Ces femmes ont d’énormes difficultés à concilier vie de famille et vie professionnelle, car le marché du travail leur consacre une place secondaire, notamment en les assignant aux emplois précaires, mal rémunérés et pénibles : le secteur du nettoyage, de l’aide à la personne, de l’hôtellerie-restauration. Ces familles ont du mal à boucler les fins de mois : plus d’un quart des mères célibataires qui travaillent vivent sous le seuil de pauvreté. Ces familles sont donc particulièrement vulnérables ? P. L. : Oui, et elles cumulent les vulnérabilités : ce sont souvent des femmes jeunes avec des enfants en bas âge, occupant des emplois à temps partiel ou en intérim, dans des secteurs très mal payés, avec des horaires décalés, ce qui entraîne des difficultés de garde d’enfant. Ces familles souffrent d’isolement et de solitude face aux nombreux problèmes à surmonter. Ces difficultés ne sont pas sans conséquence sur leur santé, les maladies professionnelles chez ces femmes sont en hausse de 155 %, elles ont moins souvent recours à la contraception et aux campagnes de dépistage. Sont-elles plus visibles depuis le mouvement des Gilets jaunes ? P. L. : Oui, il y a eu une libération de la parole autour de leurs difficultés. Les familles monoparentales, qui vivent pour la plupart repliées sur elles-mêmes ont renoué avec une forme de sociabilisation autour des ronds-points. Ce qui a donné une visibilité aux femmes que leurs horaires décalés, leur double journée et une tendance à passer sous silence certaines discriminations de genre avaient rendues « invisibles ». Les familles monoparentales sont l’une des facettes de la France qui souffre. On a vu leurs pancartes sur les ronds-points : « Précarisée », « Révoltée », « Discriminée ». En cela le mouvement des Gilets jaunes a été positif. Les familles monoparentales sont l’une des facettes de la France qui souffre. Les mesures du gouvernement sont-elles satisfaisantes ? P. L. : A notre avis, non. Malgré l’annonce d’une hausse de la prime d’activité qui concernera en partie les familles monoparentales, il reste encore beaucoup à faire. La plupart ne la toucheront pas. Il y a vraiment un angle mort de la politique sociale en ce qui concerne les mères célibataires. Il y a des points positifs sur la récupération des pensions impayées, l’augmentationdu nombre de places en crèche, qui reste toutefois insuffisant : 30 000 seront créées d’ici à 2022 alors qu’il en faudrait 400 000 ! Il faut aller plus loin, avec des mesures pour limiter le recours abusif au temps partiel par les entreprises : 75 % des femmes veulent travailler plus. Et surtout, les écarts de salaire entre les hommes et les femmes doivent être combattus (aujourd’hui, il y a encore un écart de 22 % !).

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