Valérie Mesnage, neurologue, ex chargée de mission au centre national des soins palliatifs et de la fin de vie, partage son opinion pour Viva, sur le grand débat citoyen qui s’engage.
Que pensez-vous du lancement de la consultation citoyenne autour de la fin de vie ?
Valérie Mesnage : Le débat est désormais ouvert et nécessaire. Il y a une volonté politique et une demande citoyenne. La nouveauté est la prise de position du comité consultatif national d’éthique (CCNE), qui s’est prononcé pour un possible changement vers la voie de l’aide active à mourir (AAM), sous certaines conditions. Et cela est inédit. C’est la première fois que le CCNE acte cette possibilité au nom d’un principe éthique. Jusqu’à présent ce qui était plutôt recommandé, était déjà d’appliquer la loi existante dite loi Clayes-Léonetti (2016). Le CCNE reconnait pour la première fois l’existence de situations exceptionnelles qui ne rentrent pas dans le cadre de cette loi.
Concrètement qu’est-ce que cela signifie ?
V.M : Certains patients atteints de maladies graves et incurables, comme les cancers ou les maladies neurodégénératives présentent des souffrances inapaisables qui ne peuvent être prises en charge dans le cadre législatif actuel, leur pronostic vital n’étant pas engagé à court terme. Le court terme, non défini dans la loi Claeys-Léonetti, a été précisé par la Haute Autorité de Santé comme étant de quelques heures à quelques jours. Ces souffrances dites réfractaires, qu’elles soient physiques et/ou psychiques pour des patients dont l’espérance de vie dépasse ces quelques heures à quelques jours ne trouvent aucune réponse soignante actuellement.
Donc, cela signifie que l’on pourrait, pour eux, envisager l’aide active à mourir comme un moyen de soulager leurs souffrances avant la phase ultime de leur maladie. Il reste à définir quels types de maladies seraient concernés. Et préciser ce que l’on nomme le « moyen terme ».
Qu’en pensez-vous ?
V.M Ce serait une reconnaissance pour ces malades qui échappent à la loi Clayes-Léonetti.Mais il faut bien définir le cadre législatif :
Pour qui ? Quels types de maladies ? Quand ? Pour un pronostic vital engagé à 6 mois comme dans l’état de l’Oregon, étendu à 12 mois pour les maladies neurodégénératives comme en Australie ? Comment ? Par suicide assisté et/ou euthanasie ?
L’aide active à mourir serait-il un bouleversement pour les soignants aussi ?
V.M Pour moi, la question posée pour les soignants, est celle-là : peut-on considérer que l’aide active à mourir, soit un acte de soin ? C’est ce qui divise. Car, notre code de déontologie, énonce comme une valeur absolue l’interdiction de tuer. On ne peut pas obliger un soignant à adhérer à l’aide active à mourir. Cela peut bouleverser ses valeurs. A ce moment-là, la clause de conscience doit s’appliquer.
Mais, elle ne doit pas être synonyme de défaut d’accès, il faut que le soignant qui refuse, puisse orienter vers un confrère.
Aujourd’hui, la société évolue et il est nécessaire de libérer la parole autour de cette question de la fin de vie. Pouvoir exprimer ce que l’on souhaite ou pas. A-t-on le droit de choisir le moment de sa fin de vie quand on a une maladie incurable qui ferait vivre des souffrances intolérables dont l’issue est fatale, et que la médecine ne peut ni soigner, ni soulager ?