Ils seraient 11 millions d’aidants en France. En octobre dernier, la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) a lancé une campagne pour mettre en lumière cette réalité souvent méconnue. Le point avec Morgane Hiron, déléguée générale du collectif « Je t’Aide » dont la mission est d’œuvrer à la reconnaissance des aidants.
Quel est le profil des aidants ? Qui sont-ils ?
Morgane Hiron : D’après notre sondage, 54 % sont des femmes et 58 % ont une activité professionnelle. 36 ans est l’âge moyen d’entrée dans l’aidance qui touche tous les âges, y compris les mineurs. La tranche d’âge la plus impactée se situe entre 50 et 64 ans, il s’agit de la génération « pivot » qui a encore des enfants à charge et des parents qui vieillissent. A noter qu’un aidant sur deux s’occupe d’un parent âgé. En effet, cela est dû à l’allongement de l’espérance de vie et à la hausse des maladies chroniques.
Pourquoi les chiffres sur le nombre d’aidant diffèrent-ils ?
M. H. : Il n’existe pas de statistiques nationales à jour. La Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) comptabilise 9,3 millions d’aidants, mais ce résultat ne concerne que les accompagnants de personnes en situation de handicap ou de perte d’autonomie, excluant les aidants de personnes malades. Mais notre baromètre estime plutôt ce chiffre à 11 millions.
Quelles sont les principales difficultés auxquelles ils sont confrontés ?
M. H. : Le défi majeur reste l’accès aux soins de base, le manque de structures, de personnel et de solutions d’accompagnement. Aujourd’hui, il manque au moins 25 000 aides à domicile en France. Les aidants doivent aussi faire face à une fatigue, tant physique que mentale, qui engendre des problèmes de santé et impacte leur vie professionnelle, familiale et sociale. C’est un cercle vicieux. Sans compter les difficultés financières liées aux frais médicaux non remboursés.
La reconnaissance des aidants progresse-t-elle ?
M. H. : Il y a toujours eu des aidants, même si le mot n’existait pas. C’était surtout les femmes au foyer, un rôle à l’époque perçu comme normal. Le mot est apparu en 2005 avec la Loi sur le handicap. En 2010, la première Journée nationale des aidants a été créée. Cette année, la CNSA a lancé sa première campagne de communication nationale, ce qui est un vrai progrès. Tout l’enjeu sera de voir si elle sera reconduite chaque année.
Visuel de campagne du collectif Je t’Aide.
Quels sont les aménagements prévus dans le droit du travail ?
M. H. : Ils sont très limités. Le congé de proche aidant n’est pas accessible à tous. De plus il exclut certaines pathologies et est indemnisé à hauteur du SMIC. D’ailleurs nous militons pour un maintien du salaire, mais également un accès élargi pour tous les aidants, ainsi que la prise en compte de trimestres de retraite supplémentaires.
Faudrait-il créer un statut d’aidant ?
M. H. : Cette question du statut fait débat au sein des associations. Avoir un statut, c’est bien. Mais il doit permettre d’accéder à des droits et à des aides financières, sinon ce n’est qu’une simple étiquette. Certains s’y opposent par peur d’être catalogués et cantonnés à ce rôle, voire instrumentalisés par les pouvoirs publics pour remplacer les professionnels de santé.
Quelles sont les pistes pour faciliter le quotidien des aidants ?
M. H. : Il est également crucial de renforcer les dispositifs de soutien, tels que les groupes de parole, les lignes d’écoute anonymes, les journées de bien-être, et de développer davantage les plateformes de répit. Bien qu’il en existe 250 en France, certains territoires en manquent encore. Et de nombreux aidants souhaiteraient également avoir un interlocuteur unique pour simplifier l’accès aux différentes aides. Identifier les bons acteurs et dispositifs peut être un véritable parcours du combattant.