« Une politique de santé efficace sur les addictions ne doit pas se limiter à la répression », selon le président de SOS Addictions

L’Observatoire français des drogues dénonce l’augmentation significative de la consommation de cocaïne en France. © 123RF

Depuis son lancement en février 2025, la campagne officielle du gouvernement contre le narcobanditisme, la consommation et le trafic de stupéfiants ne cesse d’être critiquée par les spécialistes des problèmes d’addiction. La grande majorité d’entre eux dénonce la culpabilisation qui est faite des consommateurs. Le docteur William Lowenstein, addictologue et président de SOS Addictions, explique en quoi cette opération est même contreproductive.

Que pensez-vous du spot publicitaire contre la consommation de stupéfiants qui est largement diffusé depuis un mois ?

William Lowenstein : L’idée véhiculée schématiquement dans la vidéo est que le fait de fumer un joint reviendrait finalement à faire exploser la planète entière… Plutôt que de parler de campagne de sensibilisation, je parlerai plutôt de campagne de culpabilisation. Le slogan de ce spot est d’ailleurs : « Chaque jour, des personnes paient le prix de la drogue que vous achetez. » Or, culpabiliser les gens ne donne jamais des résultats satisfaisants. Le seul intérêt de cette campagne est de soulever le problème des addictions qui ne cesse d’empirer.

Nous devons reconsidérer notre politique de santé publique vis-à-vis des drogues. Nous entrons en effet dans notre 55e année d’inefficacité.

Docteur William Lowenstein

L’Observatoire français des drogues vient à ce sujet de dénoncer l’augmentation significative de la consommation de cocaïne en France.

W. L. : Le constat est en effet totalement catastrophique. Nous devons reconsidérer notre politique de santé publique vis-à-vis des drogues. Nous entrons en effet dans notre 55e année d’inefficacité, puisque la loi qui nous gouverne actuellement sur ce sujet date de 1970. Or il existe d’autres approches beaucoup plus efficaces.

En Suisse, par exemple, il y a une méthode développée par des spécialistes à Genève. Pour le traitement des addictions, leur recommandation est d’activer simultanément quatre leviers : la prévention, le soin, la réduction des risques et la répression. Une politique de santé efficace devrait appréhender tous ces éléments. Or, encore une fois, le spot du ministère de l’Intérieur n’aborde que le volet répressif, ce qui est insuffisant.

Pourriez-vous développer la notion de réduction des risques ?

W. L. : Nous pouvons prendre exemple sur la Conférence internationale sur le sida de 1989. A l’époque, le virus circulait beaucoup à travers les échanges de seringues. Un Américain avait alors démontré de quelle manière limiter la contagion. Il avait commencé sa démonstration ainsi : « Si vous ne voulez pas attraper le sida, ne vous droguez pas. » Tout le monde trouvait ça évident.

Mais, très vite, il a développé son propos : « Mais si vous droguez, ne vous injectez pas de drogue par voie veineuse. Mais si vous vous shootez, ne partagez pas votre seringue. Et si vous partagez votre seringue, lavez-la à l’eau de Javel. » Voilà le principe de réduction du risque. Il y a bien sûr un idéal, mais ce dernier ne peut pas être tyrannique, autrement dit exclure 99 % de la population, pour 1 % de la population qui serait dans une situation idéale. Car une société sans drogue n’existe pas.