Une fusion pour développer le projet mutualiste

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Jocelyne Leroux (© Alain Velard) et Patrick Julou (© Patrice Terraz).

Mutami et la Mutuelle Solimut Centre-Océan (MSCO) ont enclenché un processus de fusion pour mieux s’ancrer dans un territoire qui s’étend de Brest à Montpellier. Interview des présidents respectifs, Patrick Julou et Jocelyne Leroux.

Dans quel contexte vos deux mutuelles fusionnent-elles ?

Jocelyne Leroux : Nous travaillons déjà avec Mutami dans le groupe Solimut et nous appartenons à la même famille au sein des Mutuelles de France. Nous avons décidé de fusionner car nous nous ressemblons. On se correspond bien.

Patrick Julou : Nous cheminons déjà ensemble et partageons depuis plusieurs années l’outil informatique CTIA. Nos deux mutuelles ne sont pas implantées dans les mêmes régions et ne sont pas concurrentes. MSCO est présente en Bretagne, Centre-Val de Loire et au nord de la Nouvelle-Aquitaine. Nous sommes présents sur le reste de la Nouvelle-Aquitaine et l’Occitanie. A l’issue de la fusion nous couvrirons un territoire qui s’étend de Brest à Montpellier en passant par Bayonne.

Les évolutions réglementaires ont-elles poussé à cette décision ?

P. J. : Pas vraiment, même si nous avons pris en compte dans notre réflexion l’évolution de notre environnement. Depuis de nombreuses années, nous sommes confrontés à une inflation réglementaire et législative de plus en plus couteuse pour nos mutuelles qui vise à banaliser le fait mutualiste en l’assimilant à la banque assurance. 

Nous devons aussi faire face à des logiques de marché qui fragilisent nos modes et principes de fonctionnement. La segmentation des populations, la mise en concurrence des complémentaires santé à travers des appels d’offre dans le cadre des contrats groupes obligatoires, nous éloignent de plus en plus des principes de solidarité intergénérationnelle et interprofessionnelle qui nous animent et fondent le mouvement mutualiste.

La résiliation infra-annuelle – dernière mesure gouvernementale- qui permet à un adhérent de quitter la mutuelle a tout moment abime également le principe de solidarité et peut à terme fragiliser le tiers payant et donc l’accès aux soins. Dans un secteur où les logiques libérales sont de plus en plus prégnantes, cette fusion vise à nous armer pour continuer à faire vivre nos valeurs.

J. L. : Nous avons dû répondre à de nouvelles contraintes réglementaires issues des directives européennes : Solvabilité II, ça a été violent ! Maintenant que nous maîtrisons mieux ces contraintes, on peut passer à une nouvelle étape.

Quels sont les avantages de cette fusion ?

P. J. : La fusion doit nous permettre d’acquérir une surface financière pour être plus visibles et de dégager les moyens de la politique que nous voulons mener : renforcer le service à l’adhérent et l’accompagner, développer la prévention, agir en tant que mouvement social. La différence se fera sur l’offre aux adhérents et sur la capacité à agir sur les territoires pour défendre l’accès aux soins, à être un acteur social. Nous voulons renforcer nos réseaux militants, nous appuyer sur eux.

J. L. : L’idée de la future mutuelle est de s’ancrer davantage dans les territoires. Nous avons un message politique à faire passer : la santé ne doit pas être dépendante des directives européennes. Je pense qu’on a besoin d’un modèle différent du tout libéralisme. Il faut mieux faire connaître l’économie sociale et solidaire. La crise sanitaire et sociale nous a fait espérer d’autres modèles…

Quelle est la taille de vos mutuelles ?

J. L. : MSCO compte 15 000 adhérents pour un total de 28 000 personnes couvertes. Nous employons 48 salariés.

P. J. : Mutami a 29 000 adhérents, soit 44 000 personnes couvertes. Nous avons 52 salariés, en attendant trois postes à pourvoir.

Cette fusion est-elle dictée par des raisons financières ?

J. L. : Pas du tout ! C’est une fusion offensive, parce qu’on veut aller plus loin. Je précise qu’il n’y aura pas de réduction d’effectifs parmi nos personnels.

P. J. : Les deux mutuelles sont en bonne santé financière. Il s’agit d’une fusion politique.

Quelles sont les étapes du processus de fusion ?

P. J. : Chacune de nos deux mutuelles a déjà approuvé et voté la fusion en assemblée générale. L’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), qui est notre tutelle, examine actuellement le dossier et donnera sa réponse sans doute en octobre. 2022 sera une année de transition, où les deux identités vont encore perdurer. Il y aura des chantiers techniques pour harmoniser nos deux organisations respectives.

J. L. : Et le siège de nos mutuelles réunies se situera à Toulouse.

La future grande mutuelle permettra-t-elle de mieux résister à la concurrence des assurances privées ?

J. L. : Nous espérons remporter davantage de contrats collectifs, mais ce n’est pas le seul but. Nous voulons dire que nous ne sommes pas seulement une complémentaire santé, mais aussi un mouvement social, un mouvement populaire.

P. J. : Etre implanté sur un territoire plus important nous donnera davantage de facilité pour répondre aux appels d’offre. Pour le moment, les assurances remportent plus de contrats collectifs que les mutuelles. Mais ce qui nous distingue, c’est notre capacité à agir pour l’ensemble de nos adhérents, à nous inscrire dans un projet social, c’est notre refus de banaliser le fait mutualiste.

Dans quel environnement évoluent vos deux mutuelles ?

P. J. : Le modèle mutualiste doit se battre pour vivre. Plus la Sécurité sociale réduit son périmètre d’intervention, plus la mutualité risque de s’affaiblir. Le recul de la Sécu affaiblit l’accès aux soins des populations. C’est pour cela que nos mutuelles défendent le principe d’une Sécurité sociale de haut niveau .

Avec cette grande mutuelle y aura-t-il une perte de proximité avec les adhérents ?

P. J. : La proximité n’est pas liée à la taille de la mutuelle, c’est un projet politique. De petites mutuelles ne sont pas forcément proches de leurs adhérents.

J. L. : Avec un meilleur ancrage dans les territoires, nous pourrons retrouver une proximité que nous avions un peu perdue à la MSCO car nous devions répondre aux contraintes réglementaires.

Comment envisagez-vous l’avenir ?

J. L. : Nous voulons être utiles à nos adhérents. Au-delà de notre fonction de complémentaire santé, il faut innover, être force de proposition. Nous devons jouer un rôle plus politique, précurseur et avant-gardiste. On s’inscrit tout à fait dans l’esprit du dernier congrès des Mutuelles de France. 

Propos recueillis par Bruno Vincens