Précarité : les associations interpellent Emmanuel Macron

Demandeur d'emploi, chomeur.

35 fédérations et associations nationales de lutte contre la pauvreté et l’exclusion réunies au sein du Collectif ALERTE (1) ont rédigé une lettre ouverte au président de la République. Ils expriment leurs vives inquiétudes face à la dégradation du niveau de vie des personnes les plus précaires depuis deux ans. Dans le même temps, les associations d’aide aux étrangers sont vent debout contre les mesures restreignant l’accès aux soins.

Un grand nombre des mesures mises en œuvre, comme la baisse de 5 euros des APL mais également la désindexation des allocations logement et des prestations familiales, ont contribué à une diminution du pouvoir d’achat d’une grande majorité des personnes les plus pauvres. Par ailleurs, les associations se disent très la réforme de l’assurance chômage présentée en juillet dernier nous alarme, dès lors que les économies annoncées proviendront, en grande partie, du durcissement des conditions d’accès à l’indemnisation, du renouvellement des droits et du calcul des indemnités versées et risquent ainsi de faire entrer davantage de personnes dans la pauvreté.

Ces inquiétudes ont été confirmées récemment par les études publiées par l’Institut des Politiques Publiques (IPP) et l’Insee. Outre l’estimation de l’Insee d’une hausse du taux de pauvreté de l’ordre de 0,6 point pour atteindre 14,7 % de la population en 2018 (+0,2 point si on neutralise la baisse des APL dans le parc HLM), l’étude de l’IPP confirme que les 9 % des ménages les plus modestes ont perdu du pouvoir d’achat en 2019 avec les effets cumulés des mesures de 2018 et 2019. Cette étude indique également que les 10 % des ménages les plus pauvres auront des gains de pouvoir d’achat quasiment nuls sur l’année 2020, au regard des annonces budgétaires actuelles.

«Au total, les plus pauvres apparaissent aujourd’hui comme les grands perdants de l’action gouvernementale», estiment les membres du Collectif Alerte

Si celles ci portent de grands espoirs dans la création du futur revenu universel d’activité qui pourrait permettre d’ouvrir de nouveaux droits aux jeunes de moins de 25 ans, elles déplorent que pour le moment, leur point de vue n’e soit pas pris en compte. Elles demandent que :

  • La future prestation garantisse que personne en France ne vive avec moins de 50 % du revenu médian (soit 867 euros par mois pour une personne seule, sans les aides au logement) ;
  • Qu’elle ne fusionne pas les APL, l’AAH et l’ASPA qui sont des allocations d’une autre nature ;
  • Qu’elle soit ouverte dès 18 ans, sous conditions de ressources mais sans contrepartie et avec une obligation pour l’Etat de prévoir un accompagnement vers une formation ou un parcours vers l’emploi.

Le collectif ALERTE demande des réponses immédiates de la part du gouvernement, dans le cadre des lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour l’année 2020 : revalorisation du RSA, et réindexation à hauteur de l’inflation des prestations sociales et familiales et des allocations logement ainsi que leur réévaluation.

Accès aux soins menacé pour les étrangers

Dans le même temps, les associations de solidarité (2) travaillant avec les étrangers sont elles aussi vent debout suite à l’annonce par Edouard Philippe de mesures remettant en cause les dispositifs d’accès aux soins des personnes étrangères vulnérables.

«Les demandeurs d’asile sont directement pris pour cible. Alors qu’ils arrivent souvent en France fragilisés physiquement et psychologiquement à cause d’un parcours migratoire difficile, le Gouvernement décide de les fragiliser davantage et de compliquer encore plus leur accès aux soins. Aucun gouvernement n’avait osé aller aussi loin !» déclarent-elles dans un communiqué commun.

L’instauration d’un délai de carence de 3 mois à partir de l’entrée sur le territoire français pour pouvoir bénéficier de la sécurité sociale (PUMa) vient d’être confirmée. Cette mesure va aggraver l’état de santé de ces personnes en risquant d’entraîner des prises en charge à un stade plus avancé de leur pathologie qui devra être traitée par les Urgences, déjà saturées.   Par ailleurs mettre fin à l’accès aux soins des personnes faisant l’objet d’une obligation de quitter le territoire (OQTF) aura pour conséquence de laisser de nombreuses personnes à la rue sans droits, aggravant leur précarisation.  

L’AME (Aide médicale d’Etat) est, elle aussi, dans le viseur du Gouvernement. Alors que ce système est déjà complexe et entraîne de nombreux retards de soins, les mesures annoncées vont venir renforcer ces entraves aux soins avec une complexification administrative et une mise sous pression supplémentaire, des PASS (Permanences d’accès aux soins de santé), des hôpitaux dont les Urgences, des CPAM, des travailleurs sociaux et des associations. Parmi ces mesures, l’introduction d’une obligation d’entente préalable pour certains soins couverts par l’AME (validation par un médecin du besoin de soins pour sa prise en charge effective) et la modification de la condition de résidence en condition de résidence irrégulière sont des reculs importants qui rajoutent des difficultés déjà réelles à la prise en charge médicale des personnes en situation irrégulière.   En s’attaquant à ces systèmes, le Gouvernement va accroître le nombre de renoncements aux soins, déjà très importants chez ces personnes.

  1. Emmaüs France, Petits Frères des Pauvres, APF France Handicap, Fédération des Acteurs de la Solidarité, Secours Catholique, ATD Quart Monde, Fondation Abbé Pierre, Uniopss
  2. Médecins du Monde, AIDES, Emmaus France, Gisti, groupe d’information et de soutien des immigrés, La Cimade, UNIOPSS, Médecins sans frontières, Fédération des acteurs de la solidarité, Sidaction, France Assos Santé