Les résultats d’un « testing » réalisé par le CNRS démontrent qu’un candidat à un entretien d’embauche équipé d’un appareil auditif a moins de chance d’y être convié qu’une personne ne souffrant pas de troubles de l’audition.
Les personnes appareillées victimes de discrimination à l’embauche. Les candidats malentendants qui postulent à un emploi ont moins de chances d’être retenus que leurs concurrents ne souffrant pas de ce handicap. C’est ce qu’a révélé un « testing » réalisé par le CNRS à la demande de la direction générale de l’administration et de la fonction publique. Cette méthode, appelée « test de situation », permet d’évaluer les discriminations.
Elle compare les résultats obtenus par des candidats aux profils similaires, à l’exception de la caractéristique étudiée. Ceux que présente le rapport du CNRS confortent le constat du premier rapport global sur les discriminations en France. Établi par l’Observatoire des inégalités en novembre 2023, celui-ci pointait des « inégalités illégales violentes ».
Peu de tests sur le handicap et des données rares
Malgré l’ampleur des enjeux de cette thématique, les « testings » sur la question de la discrimination à l’embauche des personnes en situation de handicap sont rares. Les chercheurs du CNRS n’en ont relevé qu’une, réalisée en 2016 en Belgique. Pour la leur, ils ont envoyé 2315 candidatures à 463 offres d’emploi du secteur privé et de la fonction publique. Ces offres concernaient des postes de responsable administratif et d’aide-soignante, deux professions « en tension ».
Les candidatures façonnées par le CNRS étaient identiques à un point près. Certaines faisaient part d’une surdité sévère. Les postulants précisaient qu’ils portaient un appareil auditif et que ce dispositif n’avait pas d’impact sur leur productivité. D’autres informations importantes figuraient dans les lettres de motivation : la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé et l’existence d’aides financières dont pouvait bénéficier l’employeur.
Discriminations dans le secteur public et dans le secteur privé
Les résultats collectés par le CNRS ont été sans appel, secteur public et privé confondus. Pour le poste de responsable administratif, seuls 17,6 % des candidats handicapés ont reçu une réponse. Mais 21,5 % de ceux qui ne portaient pas d’appareil auditif ont été contactés pour un entretien. L’écart s’est avéré un peu plus significatif pour le poste d’aide-soignante.
Concernant ces candidatures, 58,4 % des personnes non handicapées ont été contactées pour seulement 50,5 % des candidats malentendants. Soit une différence de 7,9 points. Les chercheurs en ont tiré les conclusions suivantes : « L’étude montre que les discriminations à l’embauche selon le handicap sont fortes, du même ordre de grandeur que celles selon l’origine. »
Des obligations légales non respectées
Les entreprises de 20 salariés et plus sont pourtant soumises à des obligations légales d’emploi en la matière. Elles doivent compter au moins 6 % de travailleurs en situation de handicap dans leurs effectifs. Dans le cas contraire, des mesures prévoient des pénalités financières. Malheureusement, peu respectent ces mesures.
En 2021, la fonction publique comptait seulement 5,4 % d’agents handicapés. « Le handicap est l’un des critères de discrimination qui fait l’objet du plus grand nombre de réclamations auprès du Défenseur des droits, soulignent les chercheurs du CNRS. Mais c’est aussi l’un des moins étudiés. »