
Les femmes sont-elles l’angle mort de la santé au travail ? Oui, répond Laurence Rossignol, sénatrice PS, dans un rapport publié avec trois autres collègues en juin 2024.
La santé des femmes au travail est un sujet dont on parle peu…
En effet, parce que, historiquement, le monde du travail n’accorde pas la même considération aux femmes. Du côté de la santé, les savoirs médicaux ont été étudiés par des hommes pour des hommes. A cela s’ajoutent l’invisibilisation et la déconsidération des métiers féminisés, dont les risques et la pénibilité sont très mal mesurés, ainsi que la sous-reconnaissance des maladies professionnelles.
Quand une femme pratique un métier de nuit, elle a 26 % de risque en plus de développer un cancer du sein.
A quels risques les femmes sont-elles le plus exposées ?
Ces risques sont autant physiques que psychiques, et beaucoup sont invisibles. Ils sont moins marquants qu’un accident du travail sur un chantier. On a donc le même problème qu’au début du XXe siècle, lorsque le patronat remettait en doute la responsabilité du travail dans les maladies développées par les ouvriers au contact de substances toxiques.
Quand une femme pratique un métier de nuit, elle a 26 % de risque en plus de développer un cancer du sein. Les femmes sont deux fois plus exposées que les hommes aux troubles musculo-squelettiques (TMS). Et je ne parle même pas des charges lourdes, dans les métiers du soin, par exemple.
Comment inverser la tendance ?
Parmi les 23 propositions de notre rapport, nous recommandons notamment de revoir les critères de pénibilité en sortant d’un prisme centré sur le travail et la santé au masculin. En considérant les souffrances spécifiques et en déployant des solutions concrètes, on améliorera le sort des femmes, mais aussi celui de l’ensemble des personnes au travail.
Est-ce qu’il y a eu des avancées depuis le rapport ?
Les choses ne bougent pas tellement. Il y a quelques mois, la droite sénatoriale – soutenue par le gouvernement – a rejeté la proposition de loi que nous portions avec mes collègues socialistes, et adoubée par l’ensemble de la gauche, sur l’arrêt menstruel pour les femmes aux règles douloureuses. Aujourd’hui, du fait du délai de carence, les femmes souffrant de douleurs incapacitantes perdent en moyenne 10 % de leur salaire.
Nous avions proposé un arrêt menstruel de deux jours par mois, sans jour de carence et sur prescription médicale. Le Sénat a fait le choix de ne pas être en phase avec la société, mais je ne doute pas qu’elle finira par imposer au législateur cette nouvelle avancée sociale.