
L’inceste, l’ultime tabou finira-t-il par tomber ? Les victimes pourront-elles enfin être entendues et réparées ? Des questions auxquelles la société tout entière devra bien répondre un jour. En attendant, plus de 500 mamans sous l’égide du collectif Incesticide lancent un appel pour que la justice protège les enfants et les mères qui dénoncent l’inceste paternel impuni.

Un combat pour les femmes et les enfants
Sihem Ghars, a fondé le collectif Incesticide en 2020. Depuis, elle croule sous les témoignages. Des mères qui n’en peuvent plus de devoir supporter l’insupportable, c’est-à-dire « rendre leur enfant au père incestueux, malgré les preuves » expliquent-elles. Des mères qui dénoncent l’inceste sur leur enfant et qui ne sont pas entendues par la justice ni les services sociaux.
« J’ai lancé “L’appel des 500 mamans” pour faire face à l’impunité des viols incestueux des pères, défend Sihem Ghars. C’est une pétition pour alerter le grand public et rassembler les mamans en vue d’une plainte collective au civil. Le but est de se regrouper et de montrer que ce ne sont pas des cas isolés, extraordinaires. C’est tout un système. »
Quand les mères portent plainte, le système judiciaire refuse trop souvent de les croire. Bien pire encore, la justice se retourne souvent contre elles en plaçant leurs enfants chez le père violeur dénoncé, même si l’enquête est en cours, et même si le père est mis en examen. »
Sihem Ghars
Une société qui ne veut pas voir
Le patriarcat frémit sous le coup des mouvements sociétaux de fond qui l’agitent aujourd’hui, mais l’inceste reste le tabou ultime. Et pourtant, 160 000 enfants (trois par classe), en sont victimes, selon la CIIVISE, la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants et les chiffres sont certainement sous-estimés. En mars dernier, le collectif Incesticide avait exhorté le gouvernement à mettre en place en urgence cinq des 82 préconisations de la Ciivise concernant la protection des enfants en cas d’inceste parental. Cependant les réformes tardent à venir.
La France condamnée par l’ONU
D’ailleurs la France a déjà été condamnée par le Comité contre la torture des Nations unies, en mai dernier pour son immobilisme. Le Comité a exprimé sa vive préoccupation face à l’impunité des abus sexuels incestueux et dénonce une véritable torture pour les enfants et les mères. Il insiste sur le faible taux d’enquêtes et de condamnations, dû à des délais de prescription trop courts et à l’insuffisance des mesures de protection.
Un système judiciaire défaillant
« Quand les mères portent plainte, explique Sihem Ghars, le système judiciaire refuse trop souvent de les croire. Bien pire encore, la justice se retourne souvent contre elles en plaçant leurs enfants chez le père violeur dénoncé, même si l’enquête est en cours, et même si le père est mis en examen. »
Et les mères « protectrices », comme les appelle Sihem Ghars, sont accusées d’aliénation parentale et poursuivies pour enlèvement d’enfant quand elles partent pour les protéger.
C’est pour cette raison que le collectif demande de nouveau et sans plus attendre, la suspension du plein droit de l’exercice de l’autorité parentale et des droits de visite pour le parent poursuivi pour viol ou agression sexuelle contre son enfant. Une autre mesure serait de prévoir le retrait systématique de l’autorité parentale en cas de condamnation pour violences sexuelles incestueuses.