Pénurie de médicaments : radiographie d’une crise systémique

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Entre 2021 et 2023, la Drees identifie une forte hausse des ruptures de stock de médicaments. Toutes les classes thérapeutiques sont concernées. © 123RF

Un nouveau rapport de la Drees met en lumière l’ampleur du phénomène des ruptures de stock de médicaments, ses causes multiples et ses conséquences sanitaires critiques.

Près de quatre Français sur dix ont déjà été confronté à une pénurie de médicament. En effet, selon le dernier baromètre des droits des personnes malades de France Assos Santé, 39 % des personnes interrogées en ont fait l’expérience en 2024. Les résultats montrent également que ce problème touche « 52 % chez les personnes en affections de longue durée (ALD). Pour ces patients, comme pour le reste de la population confrontée à cette situation, « aucune alternative n’a été proposée dans plus d’un tiers des cas (35 %). »

Nouvelle mesure de l’intensité des tensions

Pour avoir une meilleure connaissance du problème, La Drees (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques), en collaboration avec l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), vient de publier un rapport inédit sur l’ampleur des pénuries de médicaments en France. Un document qui présente « une nouvelle mesure de l’intensité des tensions et des ruptures de stock ».

Pronostic vital des patients

Le constat est alarmant. Surtout en ce qui concerne les médicaments d’intérêt thérapeutique majeur (MITM), définis comme ceux pour lesquels « une interruption de traitement est susceptible de mettre en jeu le pronostic vital des patients à court ou moyen terme ». La Drees explique en effet que lors de la dernière période critique, « lors de l’hiver 2022-2023, le nombre de boîtes de MITM manquantes mensuellement à la vente aux officines, à la suite d’une rupture ou d’un risque de rupture, a atteint 8 millions (…) soit entre 6,5 % et 10 % du volume de vente total de MITM. »

Forte augmentation

L’étude retrace l’évolution des pénuries entre le début des années 2020 jusqu’à fin 2024. Résultat : entre 2021 et 2023, la Drees identifie une hausse des ruptures de stock. Au cours de cette période, « le nombre de présentations médicamenteuses simultanément en rupture de stock a fortement augmenté. Dépassant largement les précédents épisodes, notamment celui intervenu lors du premier confinement ».

Multiples causes

L’épidémie de Covid-19 est d’ailleurs citée parmi les causes de ces pénuries. « Le phénomène s’est fortement amplifié avec la crise sanitaire et la guerre en Ukraine. Aux problèmes de production et de logistique (…) s’ajoutent des difficultés spécifiques au marché du médicament. Comme celles d’anticiper la demande et d’identifier et d’approvisionner les officines les plus affectées en temps réel. »

Toutes les classes thérapeutiques touchées

Autre élément clé de ces données récentes : toutes les classes thérapeutiques sont concernées. « Aucune classe n’échappe à la vague des ruptures de stock de 2021-2022. » Quatre familles concentrent néanmoins la majorité des signalements. « Les médicaments du système cardio-vasculaire (environ 30 % des déclarations), du système nerveux (20 %, dont une part importante concerne le paracétamol), les antibiotiques (14 %) et les médicaments du système digestif (environ 10 %). »

La santé mentale paie elle aussi le prix fort de ces pénuries. Un collectif de syndicats de praticiens hospitaliers a alerté fin 24 sur une « situation intenable » de pénuries d’une dizaine de médicaments en psychiatrie qui « s’accentue ». Depuis le 1er janvier 2025, la psychiatrie française fait en effet face à une aggravation préoccupante des pénuries de médicaments, avec quatorze psychotropes essentiels en tension ou en rupture de stock, selon l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM).

Face à cette crise globale d’approvisionnement, le mouvement social interpelle régulièrement le gouvernement sur l’urgence de changer de modèle politique. En 2024, 14 associations, dont France Assos Santé, Médecins du Monde ou la Ligue contre le cancer, ont publié un communiqué commun. Ensemble, elles dénoncent « la financiarisation et la marchandisation croissantes de la santé » et appellent à « garantir l’accès, maîtriser les prix. Convaincues de l’importance de ne pas laisser le débat et ces enjeux d’intérêt général exclusivement réduits à un dialogue entre l’Etat et les industriels du médicament, les associations enjoignent la société civile à se mobiliser. Il en va de la garantie du droit à la santé pour tous-tes, passant par un égal accès aux soins. »