La France malade du travail

La part des employés atteints d’une souffrance psychique liée à leur activité professionnelle en 2019 a doublé par rapport à 2007, avec 5,9 % des femmes touchées et 2,7 % des hommes, selon Santé publique France. © Getty /Istockphoto - S.Genelot

Rythmes effrénés, intensification des tâches, injonctions contradictoires… L’évolution des conditions de travail n’est pas sans conséquences sur la santé des salariés.

L’incident a eu lieu sur une chaîne de production typique de l’industrie du papier. «Une machine de gros calibre, avec beaucoup de rouleaux qui tournent en même temps, se souvient Sylvain*, conducteur de la ligne. Tout à coup, mon vêtement a été emporté par le mécanisme. J’ai été étranglé au niveau du bras et du cou. Ma trachée-artère est tombée dix centimètres plus bas.»

Le quinquagénaire parvient à rejoindre ses collègues avant de s’écrouler. Après plusieurs mois d’hospitalisation et une année d’incapacité totale de travail (ITT), Sylvain a toujours besoin de soins réguliers cinq ans après les faits.

Les contraintes liées au rythme de production sont de plus en plus nombreuses. Or, cette multiplication des contraintes a forcément des incidences sur la santé.

Catherine Delgoulet, ergonome

Des milliers d’accidents comme celui-ci se produisent chaque jour sur le territoire. Par an, ils s’élèvent à près d’un million «dont plusieurs centaines sont mortels», précise un rapport de la Cour des comptes diffusé en 2022. Comparée à ses voisins européens, la France présente un chiffre particulièrement élevé de décès sur le lieu de travail : selon les dernières données d’Eurostat, qui datent de 2021, le taux national de 3,3 décès pour 100 000 employés dépassait largement la moyenne européenne qui était alors de 1,76.


Selon un rapport de l’ONU présenté à New York le 24 octobre, nos sociétés modernes mondialisées, obsédées par la croissance économique, génèrent de plus en plus de burn-out dans le monde. © 123RF

Productivité pathogène

«Le monde professionnel a beaucoup évolué depuis vingt-cinq ans, notamment en raison de l’intensification du travail, explique Catherine Delgoulet, ergonome et professeure au Conservatoire national des arts et métiers. Les contraintes liées au rythme de production sont de plus en plus nombreuses, que ce soit celles fixées par les machines (cadences, répétitions) ou celles liées à l’obligation de répondre à une demande dans l’heure ou dans la journée. Or, cette multiplication des contraintes a forcément des incidences sur la santé.»

Depuis les années 1990, les troubles musculo–squelettiques (TMS) restent par exemple un problème majeur en France et représentent 88 % des maladies professionnelles. D’origine multifactorielle, ces pathologies ne sont pas seulement liées aux contraintes biomécaniques. Elles résultent également de la façon dont le travail s’organise dans l’entreprise et des risques psychosociaux auxquels les salariés sont exposés.

Un actif sur deux en détresse

A l’intensification des tâches mise en place pour répondre à l’exigence accrue de rentabilité s’ajoutent le manque d’autonomie des employés, l’absence de reconnaissance, la peur de perdre son emploi et les relations dégradées avec les collègues ou la direction. 

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