
Le programme d’éducation à la vie affective et sexuelle qui sera appliqué à la rentrée 2025 est dénoncé par les collectifs conservateurs. Ce dispositif fait pourtant consensus au sein de la communauté éducative.
Le programme d’éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle (Evars) sera intégré à l’emploi du temps de tous les élèves français dès la rentrée prochaine. Après deux ans et demi d’attente, la version finale de ce texte a été présentée le 29 janvier devant le Conseil supérieur de l’éducation (CSE) pour une mise en œuvre dès la rentrée 2025. Le texte a été validé par la ministre Elisabeth Borne et publié en février au Bulletin officiel. Et il était temps : depuis 2001, l’enseignement de la sexualité est obligatoire dans les établissements scolaires à raison de trois séances annuelles. Pourtant, moins de 15 % des élèves en bénéficient. Une carence à laquelle le programme Evars, qui pose un cadre précis aux contenus, à la diffusion et aux objectifs de ces apprentissages, est censé remédier.
Polémiques récurrentes
Depuis plus de deux décennies, la question de l’éducation à la sexualité à l’école fait l’objet de polémiques récurrentes. Ces derniers mois, des collectifs conservateurs, souvent proches de l’extrême droite, comme « Parents vigilants », « Parents en colère » ou « Touche pas à mon enfant », se sont mobilisés contre le programme Evars. Dans un communiqué, le Syndicat de la famille dénonce l’« influence du militantisme woke » qui transparaît dans le dispositif, « dont le contenu idéologique est inapproprié pour des enfants ».
A l’école, le programme d’éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle peut amener au repérage d’enfants victimes d’abus sexuels.
Le Conseil économique, social et environnemental (Cese)
Ce programme repose pourtant sur trois axes complémentaires : l’éducation affective, qui se concentre sur la construction du lien de confiance entre l’enfant et son environnement ; l’éducation relationnelle, abordant l’égalité entre les individus, les stéréotypes de genre et la prévention des violences sexuelles ; et enfin l’éducation sexuelle, dont la mission est d’informer sur la contraception et la prévention des infections sexuellement transmissibles (IST).
Ces différentes thématiques seront abordées de la maternelle au lycée de manière progressive et adaptée à l’âge des élèves. Ainsi, les sujets évoqués en maternelle et à l’école primaire seront surtout axés sur les notions de consentement et d’intimité. Au collège, il s’agira essentiellement de traiter les questions liées à la puberté avec une introduction à la notion de genre et à la santé sexuelle. Ces deux dernières thématiques devront être approfondies au lycée.
La place de la famille
« L’éducation à la sexualité se développe à travers tous les enseignements et dans le cadre de la vie scolaire », précise le ministère de l’Education nationale, rappelant qu’« elle ne se substitue pas à la responsabilité des familles ». Si le programme est dénoncé par les milieux conservateurs, il fait consensus au sein de la communauté éducative, et son utilité est défendue par de nombreux parents d’élèves.
Cécile Gondard-Lalanne, co-rapporteuse d’un rapport du Conseil économique, social et environnemental (Cese) sur la question, le confirme : « Les membres de l’Union nationale des associations familiales (Unaf) que nous avons interrogés ont dit qu’ils avaient besoin d’aide sur ces sujets. »
Santé sexuelle
Selon le Planning familial, une éducation sexuelle de qualité permet de lutter « contre les stéréotypes de genre, les violences sexistes et sexuelles, et les discriminations LGBTphobes ». Elle apporte aussi une « amélioration de la réduction des risques en matière de santé reproductive et sexuelle », en particulier à l’heure où le nombre de cas d’infections sexuellement transmissibles et de VIH repart à la hausse.
Enfin, ces programmes contribuent à éviter que les jeunes se tournent vers des sources non fiables et très choquantes, à l’instar de la pornographie en ligne. Bien au contraire, « l’Evars permet à l’enfant, tout au long de son développement, d’apprendre à mieux se connaître, à comprendre les autres et à construire des relations permettant d’aller vers davantage de tolérance et d’égalité entre les femmes et les hommes. Et ça, c’est vraiment fondamental si on veut faire société », conclut Cécile Gondard-Lalanne.

PROTÉGER LES ENFANTS DES AGRESSIONS SEXUELLES
Un rapport de la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise), publié en novembre 2023, révèle qu’environ deux à trois enfants par classe sont victimes d’inceste. Or, en apprenant aux jeunes élèves à nommer les parties de leur corps et à comprendre la notion de consentement, et en créant un environnement favorable à la libération de la parole, l’éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle (Evars) aide les enfants à être mieux armés pour appréhender et signaler les comportements inappropriés. Un tel programme « peut amener au repérage d’enfants victimes d’abus sexuels », estime de son côté le Conseil économique, social et environnemental (Cese). Mieux formés, les intervenants identifieront ainsi plus facilement les signes potentiels
de violences sexuelles.