L’Aide sociale à l’enfance « dans le gouffre »

Le constat du rapport publié le 8 avril est sans appel : défaillance systémique, mauvaises conditions d’accueil, insuffisance des moyens… un tableau alarmant, qui met en lumière un secteur traversé par une crise profonde, une ASE « dans le gouffre ». © 123RF
Le constat du rapport publié le 8 avril est sans appel : défaillance systémique, mauvaises conditions d’accueil, insuffisance des moyens… un tableau alarmant, qui met en lumière un secteur de l'aide à l'enfance traversé par une crise profonde. © 123RF

Le dernier rapport parlementaire sur l’Aide sociale à l’enfance dresse un bilan alarmant de la situation des enfants placés et des jeunes mineurs non accompagnés. Une plainte contre la France a été déposée auprès de l’ONU par l’avocate Sara Després.

Défaillances du système

Une plainte a été déposée par l’avocate Sara Després, elle-même ancienne enfant placée, suite au rapport parlementaire rendu la semaine dernière sur ce système censé protéger 397 000 mineurs et jeunes majeurs. Elle a fait savoir, via un communiqué, qu’elle souhaitait alerter le Comité des droits de l’enfant de l’ONU « aux fins d’ouverture d’une procédure d’enquête ».

Publié le 8 avril 2025, ce rapport parlementaire, présenté par la députée (PS) du Val-de-Marne Isabelle Santiago, a fait l’effet d’une bombe. Car le constat des auteurs est sans appel : défaillance systémique, mauvaises conditions d’accueil, insuffisance des moyens… un tableau alarmant, qui met en lumière un secteur traversé par une crise profonde, une ASE « dans le gouffre ».

Droits des mineurs bafoués

Les premières victimes de l’amer constat fait par les parlementaires dans ce rapport sont évidemment les enfants et les jeunes majeurs de l’ASE, « lâchés » dans la nature sans aucune protection. Le suicide début 2024 de Lily, âgée de 15 ans, dans un hôtel d’Aubère dans le Puy-de-Dôme en témoigne. Alors que le placement en hôtel de mineurs était déjà interdit depuis 2022.

 45 % des jeunes de 18 à 25 ans sans domicile fixe sont issus de l’ASE

Mais les problèmes surgissent dès la prime enfance : pouponnières surchargées, manque de personnels, recours abusif à de l’intérim… Le rapport relève également que les enfants étrangers non accompagnés (MNA) sont les plus mal lotis. « Les conditions d’hébergement des mineurs non accompagnés sont souvent parmi les plus précaires qui existent en protection de l’enfance », notent les parlementaires.

Précarité, mauvaise santé

Nombre d’enfants sont exposés à la violence (physique, sexuelle), aux problèmes de santé, à la prostitution et à la précarité. Côté santé mentale, ces derniers sont plus enclins à connaître des troubles du sommeil, des conduites alimentaires et du comportement, ainsi que des syndromes dépressifs, remarquent les députés.

Une fois adultes, ils peinent à sortir de la précarité. Bien que la loi oblige depuis 2007 les départements à accompagner les jeunes majeurs jusqu’à leurs 21 ans,  « 45 % des jeunes de 18 à 25 ans sans domicile fixe sont issus de l’ASE » et « 23 % des adultes nés en France et hébergés par un service d’aide ou fréquentant un lieu de distribution de repas ont été placés dans leur enfance ».

Désengagement de l’Etat

Les auteurs du rapport notent que depuis de nombreuses années, l’Etat se désengage financièrement de la protection de l’enfance, demandant aux départements de fournir un effort supplémentaire.

« Les dépenses totales de l’ASE ont augmenté de 61 % depuis 1998. » Ainsi, l’Etat contribue « à hauteur de 3 % seulement du financement des 10 milliards d’euros dépensés pour la protection de l’enfance chaque année ».

Après un an de travail, la commission d’enquête parlementaire appelle à une réforme d’ampleur. « C’est une urgence absolue », avertit Isabelle Santiago.