A son congrès et face à l’Etat, la Mutualité revendique son rôle d’acteur politique

Ouverture du 44e congrès de la Mutualité Française à Agen Eric Chenut, président de la Mutualité Française ouvre le 44e congrès de la Mutualité Française à Agen le 18 juin 2025 ©FNMF/Amélie Laurin
Eric Chenut, président de la Mutualité Française, ouvre le 44ᵉ congrès de la Mutualité Française, à Agen, le 18 juin 2025. © FNMF/Amélie Laurin

Présente à Agen pour le 44ᵉ congrès de la Mutualité Française, la rédaction de Viva a suivi de près les moments forts d’une édition marquée par la venue de la ministre de la Santé. Une arrivée en pleine contestation, par les mutualistes, de la nouvelle taxe d’un milliard d’euros sur les complémentaires santé. Et, plus globalement, d’une dénonciation par les deux principales fédérations du manque de financement de la protection sociale.

Ils étaient 1 300 mutualistes réunis à Agen pour le 44ᵉ congrès de la Mutualité Française. Trois jours durant, du 18 au 20 juin 2025, élus, militants, responsables de mutuelles et invités (chercheurs et acteurs du secteur) ont débattu des grands enjeux du système de santé. Parmi les moments forts de cette édition : l’annonce du lancement par la Fédération nationale de la Mutualité Française (FNMF) des Etats généraux de la santé et de la protection sociale dès l’automne 2025 (voir encadré ci-dessous).

Vent debout contre la future taxe santé

Au deuxième jour du congrès, la tension est soudain montée d’un cran. La ministre du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles était attendue, dans la matinée, de pied ferme par les participants. La raison de leur impatience ? La taxe supplémentaire sur les complémentaires santé annoncée par le gouvernement, qui devrait s’élever à un milliard d’euros.

Deux mois de cotisations

Un projet qui révolte les mutualistes. Nombreux sont en effet ceux qui dénoncent ses conséquences directes sur le budget santé des ménages. « Les taxes sur les cotisations mutualistes s’élèvent déjà, selon le type de contrat, à 14,07 % ou 21,07 %. Ce sont deux mois de cotisations qui sont prélevés (deux mois et demi dans certains cas) dans la poche des adhérents mutualistes », détaille ainsi la Fédération des Mutuelles de France (FMF).

Eric Chenut, président de la Mutualité Française © FNMF/Amélie Laurin

Discours offensif

Dans une salle comble et attentive, Eric Chenut fut le premier à prendre la parole. Et son discours n’a pas déçu, si l’on en croit les salves d’applaudissements qui ont ponctué son intervention. Offensif et direct, le président de la fédération a fustigé la logique purement comptable qui guide les choix budgétaires de l’Etat en matière de santé. « Force est de constater que le système de santé et le modèle social sont à bout de souffle à cause d’une gestion purement comptable et court-termiste. Sans oublier que le champ de la cohésion sociale, de la petite enfance au grand âge, est désormais fragilisé. Percuté par des logiques financières au détriment de l’intérêt général. »

Une mesure « injuste »

Eric Chenut n’a pas manqué de dénoncer avec vigueur la perspective de la nouvelle taxe sur les complémentaires santé, perçue comme une mesure « injuste ». « Aussi, je souhaite solennellement rappeler que nous contestons, et contesterons par tous moyens, la perspective d’une nouvelle hausse de taxe sur les complémentaires. Alors que notre pays connaît déjà la fiscalité la plus lourde d’Europe sur la santé, et de loin. »

Grands principes de solidarité

Selon le président mutualiste, une remise à plat du financement de la protection sociale s’impose. « A l’heure des 80 ans de la Sécurité sociale, il y a urgence à préserver les grands principes de solidarité qui la sous-tendent. A adapter le système de santé aux besoins. Et à repenser le financement de la protection sociale pour la pérenniser. »

1 300 mutualistes debout

Eric Chenut a conclu son allocution sur un appel à l’engagement collectif et à la responsabilité. « C’est dans cette mobilisation collective que nous éclairerons les enjeux du débat public. C’est dans cet équilibre juste et solidaire dans la répartition des efforts que nous ferons société. Et que nous assurerons la cohésion sociale, creuset de notre République, démocratique, laïque et sociale. Alors, et seulement à ce moment-là, nous aurons fait œuvre utile. » Les 1 300 mutualistes présents se sont alors levés et ont applaudi longuement.

La ministre du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles, Catherine Vautrin. © FNMF/Amélie Laurin

Mutisme de la ministre

Déjà dans la salle au moment du discours d’Eric Chenut, la ministre est ensuite montée à la tribune. Directement interpellée sur le sujet du financement de la protection sociale, et très précisément sur le projet de taxe supplémentaire, Catherine Vautrin était particulièrement attendue dans la réponse qu’elle allait apporter. Mais il n’en a rien été. Pas un mot sur ce projet de taxation. Son intervention est restée très générale, sans apporter de réponse concrète aux appels du président de la FNMF. Une forme de mépris, selon certains mutualistes, qui n’ont pas caché leur agacement.

PLFSS 2026

Ce n’est qu’en marge, lors d’un point presse restreint, que la ministre a fini par évoquer le dossier. Oui, une taxe est bien envisagée pour le prochain projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) de 2026, a-t-elle précisé, sans en détailler les contours. Devant les journalistes, Eric Chenut a rappelé une fois encore sa ferme opposition. « Même si ça s’appelle TSA (ndlr : Taxe de solidarité additionnelle (TSA) ponctionnée sur les cotisations des contrats d’assurance maladie complémentaire), ce n’est jamais qu’une TVA sur la complémentaire santé. Donc elle sera répercutée aux adhérents. Et c’est aussi pour cela qu’on se bat, parce qu’on trouve que c’est proprement injuste. »

7,5 milliards

Le président de la Mutualité Française a alors expliqué qu’il devait s’entretenir sur ces sujets au mois de juillet avec Catherine Vautrin. « Comme je l’ai rappelé tout à l’heure devant la ministre, entre 2008 et aujourd’hui, nous sommes passés de 720 millions de taxes à 6,5 milliards. Si l’on rajoute le fameux milliard, cela fera 7,5 milliards. C’est-à-dire qu’on aura multiplié par plus de dix, en dix-sept ans, les taxes sur la complémentaire santé. Est-ce que c’est raisonnable, juste, pertinent ? Ce sont ces sujets-là que nous voulons poser. »

Inégalités sociales

Sur ce sujet de taxation, la Fédération des mutuelles de France (FMF) a également tenu à faire entendre son opposition. Sa présidente, Carole Hazé, a profité de cette visite officielle pour remettre en main propre à la ministre un courrier au nom de la FMF pour alerter sur les conséquences délétères de ce projet de taxe. La lettre précise qu’elle « n’apportera aucune réponse à l’ensemble des difficultés que rencontre la population pour se soigner. Au contraire, elle dégraderait un peu plus la situation. En augmentant ainsi le coût des complémentaires santé, aujourd’hui indispensables, elle accroîtrait le renoncement ou le décalage dans le temps des soins que l’état de santé requiert. Cette mesure ne fera qu’accentuer les inégalités sociales qui fracturent déjà notre société. »

Carole Hazé, présidente de la Fédération des mutuelles de France (FMF) a remis à Catherine Vautrin un courrier au nom de la FMF. © FMF

La Mutualité Française lance ses Etats généraux de la santé et de la protection sociale

C’est l’une des grandes annonces de ce 44e congrès. Le lancement, dès l’automne 2025, d’Etats généraux de la santé et de la protection sociale. Face à un système fragilisé, Eric Chenut, président de la FNMF, entend replacer la Mutualité au cœur du débat public, à l’approche de l’élection présidentielle de 2027. « Nous ne voulons pas être des commentateurs, mais bien des acteurs, lucides et exigeants, pour agir dès maintenant, en responsabilité, et restaurer la confiance de nos concitoyens dans notre système de santé et de protection », a déclaré Eric Chenut en séance plénière, devant la ministre Catherine Vautrin.

Concrètement, la Mutualité Française entend rassembler toutes les parties prenantes, usagers, professionnels, partenaires sociaux, associations, dans un processus de concertation inédit, à la fois national et territorial. Objectif : partir de la parole des citoyens pour construire des propositions concrètes. Ce travail s’appuiera sur des questionnaires, des débats et des rencontres dans les territoires, avant de déboucher sur la tenue des Etats généraux « décomposés en débats, réunions et événements », et avant de finir sur « la publication des conclusions sous forme d’un programme de réforme ».