
A la veille du passage en force, avec le recours au 49.3, du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2025, la ministre de la Santé a confirmé vouloir ponctionner les complémentaires de 1 milliard d’euros. Les organismes mutualistes protestent contre cette nouvelle taxe qui viendrait encore alourdir le budget santé des ménages. Décryptage.
Les complémentaires montent au créneau. Dans un communiqué de presse commun, porté notamment par la Fédération nationale de la Mutualité Française (FNMF) et publié le 27 janvier 2025, elles « s’insurgent contre le projet de l’Etat de taxer la santé au détriment du pouvoir d’achat des Français ». Le projet en question a été confirmé par la ministre de la Santé dans une interview accordée au Parisien/Aujourd’hui en France et publiée le 2 février. Soit la veille du vote à l’Assemblée nationale du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2025, finalement passé en force sous le gouvernement de François Bayrou. Dans cet entretien, Catherine Vautrin annonce que le gouvernement va « récupérer 1 milliard d’euros (en augmentant) la contribution des complémentaires et des mutuelles ».
« Récupérer l’argent »
Pour rappel, dans la première version du PLFSS, le gouvernement prévoyait d’augmenter le ticket modérateur (le reste à charge des usagers couvert par les complémentaires santé) sur les médicaments et les consultations médicales. Or, lors de son recours au 49.3, François Bayrou a confirmé que cette mesure était finalement abandonnée. « On ne touche pas aux tickets modérateurs, donc on va récupérer l’argent », prévient Catherine Vautrin. « L’argent » (1 voire 1,4 milliard d’euros selon les chiffrages) correspond, selon elle, à l’augmentation des cotisations 2025 qui aurait été décidée par les mutuelles à l’automne pour anticiper la hausse initialement prévue des tickets modérateurs en question.
Augmentation des dépenses de santé
Mais la plupart des mutuelles rappellent qu’elles décident de leur budget de l’année qui suit entre l’été et la rentrée, soit bien avant que la première version du PLFSS n’ait été présentée. Comme tous les ans, la hausse des cotisations « dépend surtout et avant tout de celle des dépenses de santé, explique Nicolas Souveton, secrétaire général de la Fédération des Mutuelles de France (FMF). Elle est également liée aux transferts de charges réguliers de la Sécurité sociale vers les complémentaires santé résultant des choix politiques du gouvernement. »
Non-lucrativité
De manière unanime, les organismes complémentaires s’insurgent donc contre cette logique gouvernementale. Ils soulignent que la contribution exceptionnelle de 1 milliard d’euros viendrait directement alourdir le budget santé des ménages. En tant qu’organismes non lucratifs, les mutuelles ne versent pas de dividendes à des actionnaires. « L’intégralité de leurs bénéfices est investie en faveur de leurs adhérents », précise la Mutualité Française.
S’il y avait de l’argent à rendre, ce serait aux adhérents, certainement pas à l’Etat.
Eric Chenut, président de la Mutualité Française.
Ainsi, en l’absence de « réserves d’argent cachées (…), cette taxe (sera) donc forcément payée par les assurés et les entreprises à travers une hausse de leurs cotisations. Les fédérations de complémentaires santé appellent donc les pouvoirs publics à reconsidérer cette mesure en tenant compte de ses conséquences sociales et économiques pour des millions de Français », détaillent les organismes complémentaires dans leur communiqué de presse du 27 janvier.
« Illégitime »
« Toute contribution supplémentaire de la part des adhérents mutualistes est illégitime », insiste Nicolas Souveton. D’autant qu’elle s’ajoute aux 14,1 % de taxes déjà prélevées sur les mutuelles. Le niveau de ces prélèvements, qui ont été multipliés par huit en vingt ans, n’ont pas d’équivalent en Europe, assurent les organismes complémentaires. « Et, aujourd’hui, par le biais de cette nouvelle contribution, le gouvernement vient demander aux adhérents mutualistes de participer une deuxième fois à la résolution du trou de la Sécurité sociale, renchérit le secrétaire général de la FMF. Or, c’est bien de la responsabilité des pouvoirs publics et notamment de l’Etat de trouver des solutions. »
Vocabulaire « scandaleux »
Nicolas Souveton revient également sur les termes employés par la ministre de la Santé dans son interview au Parisien. « Nous sommes relativement scandalisés par le vocabulaire utilisé. La ministre parle du fait que les complémentaires santé devraient “restituer” un trop-perçu. Mais les adhérents mutualistes ne doivent rien à l’Etat. »
Un constat partagé par le président de la Mutualité Française, Eric Chenut : « S’il y avait de l’argent à rendre, ce serait aux adhérents, certainement pas à l’Etat, précise-t-il. Nous sommes là en cas d’aléa. Le rôle des mutuelles est de couvrir des risques en santé et prévoyance, de financer l’accès aux soins et aux biens médicaux. Nous n’avons pas vocation à être les supplétifs de l’Urssaf pour lever des financements pour l’Assurance maladie. »